Chaque mois, comme je le fais pour la musique (vers le milieu) et comme je le fais pour le cinéma (vers le début), je vous parle d'un livre tiré de ma bibliothèque et qui m'a beaucoup marqué et je tente de vous dire en quoi.
Lire c'est penser, réfléchir, parler à un ami, l'écouter, l'entendre, le comprendre (ou pas), s'immiscer dans une réalité qui n'est pas la nôtre, c'est oser braver ses préjugés, c'est s'ouvrir, découvrir un nouvel angle sur les choses, la vie, l'autre, sur soi-même. C'est prêter une oreille à des confessions, des fantasmes, c'est avoir l'oeil et la tête sur des nouvelles idées, c'est se permettre un nouveau regard. C'est généreux, si on le veut. Générateur aussi. C'est forger ses propres idées à partir de la vision des autres. C'est confronter sa vision, écouter une musique, suivre un rythme, en faire naître des nouveaux. C'est découvrir l'écho des moeurs qui ne seront parfois jamais les nôtres. Lire c'est explorer sous une nouvelle lumière, c'est s'ouvrir les sens et s'agrandir les corridors mentaux. C'est se balader sur la plage du monde entier qui le compose. C'est danser sur le cerveau d'un(e) autre. C'est apprendre la vie par les yeux et les mots. Par le moteur de la pensée redessinée. C'est un regard, une inspiration, un souffle.
Lire c'est visiter la vie des autres et un peu la nôtre aussi.
Lire, c'est pour moi respirer. C'est un peu beaucoup mon métier.
L'INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L'ÊTRE de MILAN KUNDERA
L'action du livre se déroule à Prague dans les années 60-70 et explore la vie artistique et intellectuelle de la société tchèque au cours de la période communiste, à partir du printemps de Prague jusqu'à l'invasion soviétique en 1968. Tomas est chirurgien. Sa femme, Tereza est photographe et angoisée par les infidélités de son époux. Sabine est la maîtresse de Tomas. C'est une artiste à l'esprit libre. Franz est universitaire suisse et amoureux de Sabine.
Ils sont 4 métaphores:
(Tomas)L'ambiguïté. Chez Kierkegaard, on parlerait d'éthique et d'esthétique.
(Tereza)La morale. Femme fidèle, dévouée à son mari, l'amour pur.
(Sabine) La légèreté. Le trait marquant de la modernité selon Kundera.
(Franz)La lourdeur. Le vieux monde, le personnage coincé dans un mauvais mariage.
Milan Kundera écrit presque toujours sur le retour. Il fait d'ailleurs de larges allusions à la théorie de l'éternel retour de Nietzsche dans son livre. Cette théorie propose le caractère cyclique de l'univers et de ses événements. Kundera suggère une opposition avec une vision de l'histoire unique, chaque personnage n'ayant qu'une seule vie à vivre, et devant en saisir toute les opportunités. L'être est léger et échappe aux individus. L'éternel retour alourdit nos vies.
Kundera plaide en faveur du progrès. Kundera croit en une conception accidentelle de l'amour. Personne n'est destiné à personne selon lui. L'amour est fugace. L'Homme moderne y accorde nettement trop d'importance.
La politique est inévitablement en toile de fond. J'adore les petites histoires en marge de la grande. la première éclairant souvent la seconde.
Le communisme est rapprochée du nazisme dans la mesure où leur idéologie partage le refus de l'individualité. Kundera nage dans l'individualité. Je découvre le livre ado, forgeant profondément et irréversiblement mon individualité. L'occident, pour Kundera, est l'individu et la liberté.
La sexualité est créative dans son oeuvre. Un autre élément qui s'imprègne en moi pour toujours.
Deux personnages se culpabilisent dans la sexualité. Deux autres n'y sont qu'imagination et séduction.
Lumière et obscurité se côtoient. Être et néant. Entité positive et négative. La légèreté est positive. La lourdeur, négative. La légèreté dérange. De là l'insoutenable légèreté de l'être.
Tous les personnages réaliseront la vacuité de leur propre existence dans leurs choix respectifs. Les paradoxes sont insolvables et inévitables. Le destin est une chimère, l'existence humaine, précaire.
Le film qui en a été tiré, mettant en vedette Juliett Binoche, Daniel Day-Lewis et Lena Olin, ne garde à peu près rien du contexte historique du livre, et est nettement moins philosophique que le livre peut l'être.
Kundera ne voudra plus jamais que l'on adapte ses oeuvres suite à celle-là.
Même le chien dans le livre porte en lui(elle) une haine du changement qui peu avoir une portée métaphorique.
Kundera nous as offert en 1982, en tchèque, en 1984, en français, en 1987 au cinoche, une grande oeuvre sur l'individualité la liberté et l'espace qu'on se donne pour les développer.
Ou pas.
Selon le nombre de vie que l'on pense qu'on a.