Poezibao a assisté samedi 21 octobre à un intéressant spectacle autour de Robert Desnos.
Un mot sur le lieu d'abord, car cela a beaucoup de sens. Le spectacle se donnait au Bal Blomet. Ce lieu fut fréquenté par Robert Desnos qui a habité dans cette rue Blomet du 15 ème arrondissement de Paris ; il avait plus ou moins investi ce dancing, le baptisant " Bal Nègre " et y avait attiré de nombreux artistes (dont certains demeuraient aussi rue Blomet, tels André Masson ou Joan Miró). Le cabaret a été fermé pendant des décennies mais a récemment rouvert après d'importants travaux, avec une programmation riche et variée. Et au cœur de celle-ci, le spectacle " Desnos et merveilles " de Michel Arbatz. Le site de Michel Arbatz et de sa compagnie
→ Une autre réalisation de Michel Arbatz autour de Villon : un spectacle mais aussi un livre-CD " Je connais que pauvres et riches ", 240 pages mettant en vis-à-vis le texte original et l'adaptation de Michel Arbatz + 76 minutes audio (le spectacle intégral), Le Temps qu'il fait.
On pourra retrouver les œuvres de Robert Desnos notamment dans un Quarto Gallimard de 1400 pages, publié en 1999. 32€.
" Ce que tout un chacun connaît de Desnos, écrit Michel Arbatz, c'est peut-être La fourmi (de dix-huit mètres), pour l'avoir apprise à l'école, et le fait qu'il soit mort en déportation. La poésie de Desnos navigue entre ces deux pôles, violence et fantaisie. C'est sa liberté de ton que j'ai voulu faire sentir dans "Desnos et merveilles", en donnant à entendre, dits ou chantés, des textes de toutes les époques de sa création. J'y parle aussi de l'homme Desnos, à travers quelques anecdotes, car sa liberté dans la vie fut aussi importante que celle de sa plume. Ce ne sont que des vignettes, bien sûr, mais elles révèlent les facettes si variées de son roman personnel : le jeune voyant surréaliste, l'écrivain-voyageur à Cuba, la rencontre avec Garcia Lorca, l'amoureux fou de Youki, l'homme de radio, le résistant. Enfin j'utilise parfois les images (les siennes, dessins et aquarelles, trop peu connues du grand public, quelques photos d'archives), comme un cours parallèle à sa poésie, marine et nocturne, pleine de rires et de rêves. J'ai eu la chance d'avoir accès à de nombreuses archives (photos, dessins, aquarelles) de Desnos qui nous ont été communiquées gracieusement par la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet ; elles fournissent la matière de la plupart des vidéos du spectacle. Desnos peintre vient conforter Desnos poète. Des petits films de vacances, tournés en 1928 par le peintre Foujita, montrent fugitivement Youki, le grand amour de Desnos, dans l'éclat de sa jeunesse. "
Si j'ai cité aussi largement ces propos, c'est parce que ce que dit ici Michel Arbatz rend parfaitement compte de ce qu'il fait et en particulier de cette capacité à montrer tous les aspects de Desnos. On passe du rire à l'émotion et on ressent la présence de cet homme tellement juste, profond et en même temps léger, que fut Desnos. C'est particulièrement évident dans les parties qui évoquent la vie en déportation et le rôle du poète auprès de ses camarades.
Très emblématique ce rapprochement fait avec beaucoup de délicatesse entre la fameuse fourmi de 18 mètres et les convois de déportés : la locomotive et le tender de ces convois faisaient exactement 18 m...
Poezibao est toujours très attentif aux manières de médiatiser la poésie auprès d'un public plus large que celui des seuls initiés. Sachant allier exigence et accessibilité, textes graves et drôles, parole et chanson, avec une mise en musique de haute qualité, ce spectacle devrait être diffusé largement, notamment par les évènements et institutions qui attirent un public important (Printemps des poètes, Maisons de la poésie, Marché de la poésie, etc.).
Faire mieux connaître le magnifique Robert Desnos c'est aussi montrer ce que peut la poésie en des temps très difficiles, ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui.
Florence Trocmé
Ressources
→ Le site du Bal Blomet
→ Une note de lecture sur le livre de Gaëlle Nohant centré sur la figure de Robert Desnos.
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