Naissance d'une jungle, de Nancy Huston

Nancy Huston a préfacé le livre de Denis Hirson. Deux anglophones, enseignant en France, et écrivant tantôt en anglais, tantôt en français. Elle se réjouit dans cette préface de trouver dans les textes de son ami des situations qu’elle-même connaît. Le rapport aux accents, la difficulté avec les genres, les expressions idiomatiques. Elle vient d’un pays, le Canada, lié à la francophonie et elle en connaît les excès : arrogance, morgue, dit-elle. Mais ce qu’elle dit de la francophonie, des francophonies, est aussi réjouissant quand elle souhaite que la langue française « cesse de se comporter en reine agacée et se mette à l’écoute de ses peuples ».

Pour écrire ce paragraphe, je suis sorti du livre de Denis Hirson, Ma langue au chat, pour ouvrir un livre des éditions de l’aube, Naissance d’une jungle, qui regroupe plusieurs articles publiés par Nancy Huston dans  l’hebdomadaire Le 1.

Commençons par l’article publié au milieu du livre : La dépaysée. C’est peut-être celui qui donne l’orientation de l’ensemble. Le monde comme il va dépayse, c’est-à-dire prive de pays tout un chacun : nul ne s’y reconnaît, nul n’y reconnaît les siens. Et le Vieil Indien sur la plage, dans un embouteillage, à Gaza ou à Clichy-sous-Bois, est plus que perplexe. Pourtant, Nancy Huston découvre ceci : « plus je voyage, moins j’ai de repères, de fierté et de certitudes. Se dépayser de cette manière-là est une grande leçon philosophique ».

Le dépaysement est aussi à l’oeuvre dans le regard qu’elle porte sur le commerce des armes qui se fout bien des « valeurs de la république ». À l’oeuvre aussi de l’autre côté de l’Atlantique où l’espèce humaine se laisse emporter par cette scie : « Tu es des nôtres. Les autres, c’est l’ennemi ».

Enfin, si elle recommande de lire et si elle accorde à la littérature d’être « vectrice de beauté et de sens », elle exhorte à « parfois basculer en dehors des livres pour traduire (notre empathie) en actes politiques ».