Jamais le jeu n’aura été aussi ouvert pour nous, les « agences d’entrepreneurs » ! Car le combat de titans entre « dinosaures » et « monstres froids » va laisser des centaines de marques sans solution crédible et créative. Formidable opportunité ! Partout dans le monde, de belles marques quittent les conglomérats financiers pour des agences de com’ 100% indépendantes, dirigées par des publicitaires expérimentés et réellement impliqués sur les marques dont ils gèrent la communication.
La capitalisation Boursière comparée de Accenture et WPP, Publicis
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Interview du Nouvel Economiste 24 Octobre 2017
Jean-Paul Tréguer, Pdg du groupe Big Success :
“Les dinosaures de la pub vont se faire dévorer par les monstres froids du conseil”
Les géants de la pub sont en danger, rudement menacé ! Du déclin enduré à l’effondrement programmé. En commentateur avisé de ce drame, ce publicitaire chevronné est aussi un acteur de la partie en train de se jouer. D’où l’intérêt de son point de vue, il est vrai rugueux, partial, partisan, mais vigoureusement argumenté. Pris en étau entre les hyper-puissants Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) et les géants du conseil qui dévorent des pans entiers de leur métier, les mastodontes de la pub doivent également faire face à l’hémorragie de talents se transformant en agiles concurrents. “Ces dinosaures sont condamnés” prévoit donc Jean-Paul Treguer, qui ne voit qu’un seul salut à cette débâcle programmée : le publicitaire-entrepreneur. Certainement son goût marqué pour l’autoportrait.
Propos recueillis par Patrick Arnoux
Les grands réseaux publicitaires internationaux se sont constitués à coup d’acquisitions hors de prix, à une époque où la pub était à la mode et l’argent coulait à flots. Les Interpublic, WPP, Omnicom, Publicis, Havas, Dentsu, etc. ont constitué des réseaux mondiaux pour servir leurs très grands annonceurs par acquisition d’agences.
Le laminoir des acheteurs
C’était la logique absolue ! Ce mouvement a démarré après la Seconde guerre mondiale, quand les annonceurs américains – Procter, Coca-Cola – se sont exportés en Europe et ont permis à ces réseaux d’origine américaine de s’implanter partout. Ensuite, les Britanniques ont suivi le mouvement, puis les Français avec Publicis qui, avec beaucoup de talents, a bien joué.
“Année après année s’est instaurée au sein des entreprises une toute-puissance, le département achat, qui a commencé à rationaliser, en fait à couper les rémunérations des agences”
Mais année après année s’est instaurée au sein des entreprises une toute-puissance, “le procurement department”, le fameux département achat, qui a commencé à rationaliser, en fait à couper les rémunérations des agences. Voilà donc aujourd’hui toute la fragilité de ces dinosaures. À la différence des grands cabinets de consultants qui sont arrivés à faire progresser leur rémunération sans jamais les rogner car, en tant que conseils en stratégie, ils avaient accès au top niveau de l’entreprise.
Nombrilisme publicitaire
Évidemment, ces discussions se situent au niveau du board, du président d’entreprise. Donc les McKinsey, Ernst & Young, Deloitte et autres Accenture ont pris une position très forte dans les entreprises, au moment où les publicitaires n’arrivaient pas à défendre leur rémunération. Apparaissant comme des gens un peu futiles, passant leur temps à s’auto-congratuler au Festival de Cannes, aux festivals des médailles en chocolat. Une obsession collective que ce nombrilisme publicitaire qui m’a vraiment frappé le jour où je suis rentré dans ce métier, il y a un peu plus d’une trentaine d’années. À l’époque, j’étais fasciné par cette obsession d’obtenir ces petits trophées dont on garnissait la salle de réunion, l’entrée de l’agence et le bureau du président.
Pire, pour cela, on était prêt à toutes les compromissions créatives : on concevait des campagnes sur le dos des clients destinées à séduire des jurys composés de créatifs. Or pour séduire ces derniers, il faut faire les pieds aux murs, en lieu et place des campagnes ayant comme objectifs de séduire le consommateur, et de développer les ventes. Dans quelques cas, les deux sont compatibles, dans beaucoup d’autres, cela ne l’est pas du tout. Ce début de la fin a commencé il y a une quarantaine d’années. Le ver était dans le fruit, les annonceurs ont commencé à se plaindre “les publicitaires se font plaisir avec notre argent qui devrait être dépensé pour développer nos ventes ; or ils l’utilisent pour remplir de trophées leur salle de réunion”.
“On était prêt à toutes les compromissions créatives : on concevait des campagnes sur le dos des clients destinées à séduire des jurys composés de créatifs”
Quand les affaires ont commencé à être plus difficiles pour les entreprises, notamment avec la grande distribution et toutes les autres formes de distribution, les annonceurs ont eu de moins en moins envie de gaspiller leur argent. Or ils se retrouvaient avec des “guignols” qui n’avaient toujours pas compris à quel point les annonceurs attendaient du sérieux, de la responsabilité, et pas de la futilité. Donc année après année, les annonceurs ont réduit de façon drastique les rémunérations des agences. Comme le détaille ce livre ‘Le massacre de Madison Avenue’, analyse très pointue de la situation des agences de communication globales. Il démontre la dégradation complète depuis la sacro-sainte commission de 15 % qui faisait extrêmement bien vivre cette industrie, jusqu’à aujourd’hui où, pour des compétitions d’achat d’espaces, les gens sont rémunérés à 0 %. La dernière compétition qui s’est jouée en France, celle de PSA, s’est jouée à 0 %. L’agence gagnante a accepté de n’être rémunérée que si elle dépassait les objectifs donnés par le client.
Aux États-Unis, McDonald a quitté Leo Burnett avec laquelle il était depuis plusieurs dizaines d’années pour le groupe Omnicom : ils ne seront rémunérés que s’ils dépassent les objectifs assignés par la marque. Les publicitaires ont perdu toute crédibilité en disant : “C’est super, on va décrocher des prix, des trophées et on est prêts à travailler à n’importe quel prix”. Et l’annonceur de se dire : “donc il y a beaucoup de gras !” Depuis 50 ans, les publicitaires n’ont cessé de dégrader leur crédibilité et leur métier.
Le débarquement des conseils en stratégie
Alors aujourd’hui arrivent des conseils en stratégie, les poches pleines de ces milliards de dollars des rémunérations extrêmement élevées qu’ils obtiennent de leurs clients. Auprès de ces groupes qui font partie des 100 plus grandes entreprises de ‘Fortune’, du CAC40, etc., remarquablement payés, ils sont arrivés à devenir indispensables aux yeux des annonceurs, qui préfèrent investir dans les datas.
Ces groupes de conseil ont les moyens d’investir et de recruter qui ils veulent et n’ont aucune difficulté financière grâce à des valorisations boursières extravagantes. Les entreprises se disent “on va faire confiance à ces gens qui sont fondamentaux, et on va se passer de ces ‘amuseurs publics’ que sont les publicitaires, on en sélectionnera quelques-uns, on les mettra dans des structures solides et sérieuses, avec managers à col blanc et cravate qui vont faire des tableaux Excel afin de nous permettre d’être certains que notre ROI est efficace”. Voilà ce qui en train de se passer.
Le crowdsourcing des talents
La créativité restera toujours importante mais elle n’a pas besoin de ces organisations gigantesques. La créativité, c’est aujourd’hui un jeune à Paris qui va avoir une idée géniale pour une marque, un autre à Londres, un autre à Singapour, et un couple de créatifs à Los Angeles, qui vont trouver l’idée transnationale. Compte tenu des technologies, il n’est plus nécessaire d’avoir des bureaux dans 145 pays pour servir un client. Le crowdsourcing est un phénomène fantastique. Il va permettre de trouver des talents dans le monde entier prêts à travailler pour une marque sans avoir à payer les frais de constitution, de gestion et de reporting de ces réseaux. D’où le gap abyssal des dinosaures.
“Le crowdsourcing va permettre de trouver des talents dans le monde entier prêts à travailler pour une marque sans avoir à payer les frais de constitution, de gestion et de reporting de ces réseaux”
Année après année, ils perdent de la rémunération et de la crédibilité. Je m’insurge quotidiennement contre les compétitions non rémunérées. Alors que ce n’est pas le cas chez les consultants, les avocats ou les auditeurs, les publicitaires, eux, passent leur temps à faire des compétitions pour gagner des clients en acceptant d’être à 4, 8, même 20 dans certains pays ! En Chine, les compétitions opposent plus de 20 agences qui ont une semaine pour trouver des idées ! Et les publicitaires acceptent de ne pas être rémunérés et de se faire piller leurs idées. Il n’y a plus de respect de la part des annonceurs.
Pris en tenaille par les Gafa
Je ne crois plus dans ces grandes organisations publicitaires. C’est fini ! Il leur reste quelques années, mais les monstres froids que sont les McKinsey, Accenture et autres vont les couper en pièces ! Cela a déjà démarré et ils vont aller très vite pour les éliminer du jeu. Sans compter qu’ils sont pris en tenaille par une seconde force à la puissance phénoménale, les Gafa – Facebook, Google, qui ont décidé de se passer des publicitaires. Un manager de Facebook m’a expliqué que les publicitaires représentaient moins de 20 % de leur chiffre d’affaires.
“Les monstres froids que sont les McKinsey, Accenture et autres vont les couper en pièces ! Sans compter qu’ils sont pris en tenaille par une seconde force à la puissance phénoménale, les Gafa – Facebook, Google, qui ont décidé de se passer des publicitaires”
80 % sont donc faits directement avec les annonceurs. Une part en très forte croissance, et nous en très forte décroissance. Les Google, Facebook créent des studios de création de vidéos et de concepts qu’ils mettent en direct à disposition de leurs annonceurs. Eux aussi veulent éliminer les publicitaires. Eux aussi sont riches à milliards, comme les monstres froids du consulting. Mais surtout, ils maîtrisent les datas. Ce sont eux qui les ont.
Puis arrive l’entrepreneur publicitaire
Enfin existe une troisième force. Tous ces talents quittant les grands réseaux car ils en ont assez de faire du reporting et de voir la situation s’envenimer, assez de voir éliminer des seniors remplacés par des millennials qui ne coûtent pas cher mais qui, malheureusement, ne sont pas très impliqués dans le business. Les directeurs généraux d’agences filiales du groupe WPP ou Publicis démissionnent de plus en plus pour créer leur boîte.
Devenir entrepreneur n’est pas une garantie de réussite, énormément échouent, mais beaucoup réussissent. Et surtout, ils créent des agences sans arrêt. Toutes les semaines dans les revues – ‘Campaigns’, ‘Stratégies’, ‘CB News’, etc. – on trouve des directeurs de division chez Saatchi, Leo Burnett, Young ou Publicis qui s’en vont parce qu’ils en ont ras le bol et sentent qu’ils vont se faire couper la tête car ils ont atteint l’âge canonique de 45 ans. Forts de leur crédibilité, ils tentent l’aventure entrepreneuriale et grappillent des budgets. Certes, ils ne sont pas aussi dangereux que les Gafa et que les monstres froids, mais ils prennent ces budgets locaux qui permettaient aux grandes agences de gagner de l’argent, car les clients internationaux, c’est fini, on ne gagne plus sur les grands réseaux internationaux. Toutes ces agences gagnent leur vie sur les clients locaux, les premiers qui suivent le manager avec qui ils étaient.
“Forts de leur crédibilité, ils tentent l’aventure entrepreneuriale et grappillent ces budgets locaux qui permettaient aux grandes agences de gagner de l’argent”
Des PME, mais aussi de très belles marques achètent les prestations de ces agences d’entrepreneurs. Elles ont une lucarne historique comme jamais ! On a la prétention dans nos marchés respectifs de devenir des agences ultra-crédibles avec une différence fondamentale : on est dans la durée et la responsabilité, puisque nous sommes des entrepreneurs qui prennent des risques financiers tous les jours. On partage une responsabilité très importante avec l’annonceur qui se dit : “j’ai un chef d’entreprise face à moi ! Il comprend que la pub est faite pour vendre”. La nature de la relation entre entrepreneur, patron d’agence et client local est forte.
L’agilité comme atout maître
Aujourd’hui, l’expertise n’est pas qu’une question d’argent. Bien sûr, on ne va pas pouvoir acheter des bases de données, mais l’agilité, la rapidité d’action, la réactivité astucieuse sont du côté de l’entrepreneur, pas du côté des grosses structures. Elles ont d’autres vertus et d’autres forces. Attention, je ne dis pas qu’on est plus forts, mais on est différents, plus pointus et beaucoup plus réactifs. De quoi a besoin une marque ? D’avoir face à lui des publicitaires et gens de communication capables de lui faire prendre très vite les bonnes décisions.
“L’agilité, la rapidité d’action, la réactivité astucieuse sont du côté de l’entrepreneur, pas du côté des grosses structures”
Or ces gros machins sont des monstres de lenteur, des paquebots de croisières magnifiques qui vous emmènent à l’autre bout du monde ! Mais les annonceurs ont besoin localement d’un zodiac, d’un talent en marketing guerrier qui va les aider à se battre et à reprendre de la part de marché : “ton concurrent vient de faire ça, je viens te voir demain avec une idée pour le contrer !”
Agrégation de compétences
Bien entendu, une seule équipe ne pourra répondre à tout, mais une fédération de talents, assurément. Une multiplicité de compétences va s’agréger. Nous faisons 90 % de ce dont ont besoin nos clients, mais autour de nous, nous avons quelques partenaires en qui nous avons confiance et qui ont confiance en nous, on s’envoie des clients, ce sont mes “ambassadeurs”. Nous agrégeons nos compétences d’agences indépendantes. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde extraordinairement ouvert.
Maurice Lévy est absolument brillantissime et exceptionnel. Il a eu une vision bien avant les autres et ce qu’il a fait était la meilleure réponse à l’arrivée des monstres froids du consulting. Quand il a acheté Sapient, on a dit : “mais qu’est-ce qu’il va faire là ?” Malheureusement, le mouvement actuel est tellement violent pour ces grosses organisations… Il faut beaucoup d’argent, or les publicitaires n’en ont plus car ils ont perdu la rémunération.
Alors maintenant, quelle est la capacité de ces monstres froids du conseil à intégrer des créatifs fous ? Des cols blancs cravatés, ingénieurs, financiers, au milieu des fous. On n’a culturellement rien à voir ! Mais un très gros salaire à plus de 45 ans vaut la peine de réfléchir ! Un copain s’est fait racheter par E & Y : “ils m’ont proposé tellement d’argent que je ne pouvais pas refuser !”
“Quelle est la capacité de ces monstres froids du conseil à intégrer des créatifs fous ? Des cols blancs cravatés, ingénieurs, financiers, au milieu des fous. On n’a culturellement rien à voir ! ”
Les acheteurs laminent les rémunérations. D’ailleurs nous ne faisons pas de compétition. La première chose que les clients voient dans mon bureau, c’est : “No pitch : vous n’êtes pas obligés de me croire mais appelez mes clients et faites-vous votre opinion. Mes meilleurs ambassadeurs sont mes clients”. Les publicitaires ont complètement perdu le pouvoir de dire non, j’essaie de le restaurer.
La “téléwwwision”
Aujourd’hui, avec les outils technologiques de synchronisation en temps réel de la campagne télé et de la campagne digitale, nous sommes capables de dire que le ROI de notre investissement est mesurable. On peut dire : “c’est bien la campagne télé qui a créé une demande de consommateurs qui a augmenté les ventes de 17 %”. On pourrait être rémunéré sur cette performance. Mais bizarrement, les annonceurs n’aiment pas cette idée-là.
Chaque jour qui passe, nous sommes plus pointus. La moitié de notre équipe est digitale, alors qu’on est le numéro un de la pub télé en France en nombre de clients télé, soit 112 sur un marché français d’à peu près 2 000 marques en télé. On a fait 152 films de pub télé l’an dernier, cette année, sans doute 170, sur un marché l’an dernier de 1 485 spots de pub télé, donc on fait 10 %.
“Avec les outils technologiques de synchronisation en temps réel de la campagne télé et de la campagne digitale, nous sommes capables de dire que le ROI de notre investissement est mesurable”
Aujourd’hui, le basculement vers le digital est évident : quand un consommateur voit une pub à la télé, il se connecte dans les secondes qui suivent sur son smartphone pour regarder le site de la marque via Google. Nous créons donc tout un écosystème qui fera qu’en temps réel, on va savoir que la personne est en train de se connecter, et taguer toutes les personnes arrivant et leur poser un pixel : cette personne arrive du spot de 18h42 sur BFM TV, je vais pouvoir calculer le coût du spot net acheté, le nombre de connexions généré, le nombre de clients si c’est un site marchand. Je vais également synchroniser avec Google et acheter pendant 7 minutes la marque de mon client de façon à être sûr que je suis en première position, en haut de la première page. Cela nous a permis de créer la “téléwwwision”. Aujourd’hui, nous faisons de la télé et du web pour 100 % de nos clients. D’ailleurs nous n’acceptons pas de ne faire que de la télé car 60 % des gens se connectent sur leur smartphone à la suite du spot, il faut donc faire du mobile-marketing si on veut transformer ces prospects en clients et surtout en ambassadeurs. Et là, c’est tout le travail sur les réseaux sociaux.
Et plus il s’agit de choses comme la santé, la beauté, la technologie, un site marchand, et plus les gens vont se connecter en quelques secondes, en fonction du message. Il ne faut pas les perdre. On les a accrochés avec un hameçon en télé et on peut les amener petit à petit chez nous et en faire des ambassadeurs. C’est fantastique.
Le futur de la pub
L’entrepreneur est humainement équipé pour résister au stress, à la compétition, ce que n’est pas forcément capable de faire un salarié dans un grand groupe. Dans cette jungle, nous avons un équipement humain qui nous fait éviter un certain nombre d’erreurs. Dans cette espèce de bagarre phénoménale qui est en train de s’organiser aujourd’hui, les entrepreneurs ont quelques muscles acérés qui font qu’on peut battre à peu près n’importe qui.
On était régulièrement sollicités par les grands réseaux mondiaux. Maintenant, on est sollicités par les cabinets de consultants, mais vous avez compris que ce n’est pas exactement ma tasse de thé !
Dans 5 ans, la technologie, la data et le digital auront pris un poids phénoménal. La télévision restera extrêmement puissante parce qu’il n’y a pas de média équivalent : en quelques secondes, elle peut toucher des millions de consommateurs et donner une information chaude d’actualité. Mais elle sera multipliée sur des écrans, partout, dans la poche, sur la montre, sur mon mur, sur mon plafond, et toutes sortes d’autres choses.
“Dans 5 ans, la technologie, la data et le digital auront pris un poids phénoménal. La télévision restera extrêmement puissante parce qu’il n’y a pas de média équivalent : en quelques secondes, elle peut toucher des millions de consommateurs ”
Sur le plan des acteurs concurrentiels, les dinosaures auront été avalés par les monstres froids. Je n’ai aucun doute là-dessus : les McKinsey et Accenture les auront dévorés et développeront une division communication. En même temps, il y aura une explosion d’agences indépendantes, entrepreneuriales qui quitteront ces monstres. La créativité restera toujours aussi essentielle. Or ce n’est pas des algorithmes. L’idée créative sort toujours d’un cerveau humain, tant que l’intelligence artificielle n’est pas capable de créer. Donc en fait, il va y avoir de plus en plus de gros monstres et de plus en plus d’entrepreneurs créatifs, iconoclastes, agiles, rapides, pas forcément globaux, mais qui auront une vision internationale, car aujourd’hui, tout est international. Tout en ayant un côté artisanal.
Car c’est l’entrepreneuriat qui fait la différence. C’est le paradoxe ce pays de fonctionnaires dans lequel il y a une ébullition de volontés d’entrepreneuriat. La créativité et la communication à la française ne sont pas ridicules. L’été dernier, je regardais beaucoup les chaînes aux États-Unis : les télés américaines viennent de découvrir le spot de 6 secondes. Va-t-il sauver la publicité télé ? En France cela fait 40 ans qu’on fait du 6, du 8, du 10 secondes ! Les Américains continuent à faire du 45 secondes et du 1 minute. C’est insupportable ! Car si vous n’êtes pas intéressé par le produit proposé, vous zappez. Alors que si on vous le dit en 6 secondes, ce n’est pas grave, vous restez. On sait cela depuis longtemps. Voilà un domaine où on n’a pas à rougir ! C’est en France que le format court a été inventé. Nous avons fait plus de 1 500 formats courts depuis nos débuts qui ont fait gagner nos clients.
Les diffuseurs américains se rendent compte qu’à force d’imposer des spots trop longs, ils suscitent une lassitude de la publicité à la télévision. Ce n’est pas le cas chez nous où c’est un moment de spectacle. Les publicitaires français créent des choses amusantes, étonnantes, surprenantes.
Low cost là aussi
J’ai voulu démocratiser l’accès de la publicité à la télévision en créant mon agence low cost, et rendre possible à toutes les marques l’accès à la surpuissance de la télé. En fait, nous avons remplacé tout ce qui coûtait cher par du bon sens. Nous avons arrêté de tourner à l’étranger, on a tourné à Paris. On a arrêté de tourner avec des caméras 35 millimètres, nous avons été les premiers à utiliser la vidéo avec les appareils de photos numériques, ce qui a réduit de 50 000 € le tournage. On a tourné en une journée au lieu de plusieurs. Donc pas de frais de déplacement, pas d’hôtel, pas de resto, etc. Nous avons approché les médias : “On va vous aider à commercialiser les espaces que vous avez du mal à commercialiser, la journée, le week-end, les périodes creuses”. Nous avons été l’un des premiers à commercialiser fortement la TNT.
“En fait, nous avons remplacé tout ce qui coûtait cher par du bon sens”
Et aujourd’hui, on travaille avec toutes les chaînes. En apportant des clients à la télé, on a été bien accueillis, les chaînes ont fait de bonnes conditions à nos clients qui se sont fidélisés, ont grandi, ont parlé à d’autres clients. Le cercle vertueux. Nous avons créé une structure courte d’associés ultra-spécialisés en télévision. Avec un processus de travail en six semaines et en six étapes clés. Ensuite, nous avons bénéficié de l’effet volume, le principe du low cost. On gagne très peu d’argent sur chaque contrat mais si on en fait beaucoup, on gagne beaucoup d’argent. C’est comme cela que l’on est devenu rentable, grâce à un effet volume que nous n’imaginions pas. Après, on a créé notre centrale média, notre agence digitale. Le tout rebaptisé groupe Big Success, pour créer le succès des marques, les rendre big.
Bio express
“Pubeu” avec panache et pugnacité
Durant ses études à l’Edhec, Jean Paul Tréguer créé un prix “Les Étoiles de la Publicité Edhec”, le seul remis par les annonceurs. Ce qui séduit le président de l’agence Synergie qui l’embauche. Il est chef de pub avant de partir pour Saatchi, au poste de directeur de clientèle puis directeur du développement. Il crée ensuite son agence, MGTB, en 1982, l’une des premières indépendantes avec 230 personnes avant d’être vendue à un groupe américain.
Puis il crée en 1994 Senioragency, première agence spécialisée dédiée au marketing des plus de 50 ans, après avoir écrit chez Dunod ‘Le Senior Marketing’. En 2003, la cinquantaine venant, il cherche un autre concept. Il trouve celui du low cost et lance TVLowCost avec deux associés en octobre 2004. Pour 250 000 euros tout compris, il propose le conseil, la création, la réalisation des études consommateurs, le baromètre de notoriété, la réalisation d’une saga de films publicitaires et trois semaines de campagne télé.
https://www.lenouveleconomiste.fr/jean-paul-treguer-president-fondateur-groupe-big-success-61533/