Dans l'antichambre de l'intelligence artificielle, l'apprentissage automatique (le « machine learning ») est une pratique que toutes les institutions financières explorent aujourd'hui. Mais il est parfois difficile d'appréhender de quoi il retourne, concrètement. Le retour d'expérience de Capital One offre donc un éclairage utile sur le sujet.
L'histoire commence en mars dernier, avec le lancement expérimental d'Eno, un assistant virtuel intelligent par SMS, mis à la disposition d'un échantillon de 100 000 clients. Fonctionnant entièrement en langage naturel, sans aucune contrainte, il permet de répondre aux sollicitations les plus courantes : interrogation de la situation des comptes, règlement des factures de carte de crédit, accès à quelques informations usuelles… Six mois plus tard, ses capacités d'auto-apprentissage révèlent leurs secrets.
En effet, si quelques fonctions supplémentaires ont été ajoutées en cours de test, l'objectif de Capital One n'était pas tant, dans un premier temps, de développer un agent universel, capable de prendre en charge la relation client de A à Z, que de découvrir et apprendre à utiliser les technologies de « machine learning » (en mode supervisé, en l’occurrence) et vérifier, en situation réelle, si elles sont suffisamment mûres pour traiter une partie des demandes des clients en maintenant un niveau de satisfaction élevé.
Et la tâche est loin d'être aisée ! Quand la diversité des cultures, des habitudes, des comportements… s'exprime, le chatbot a beaucoup de mérite à rester pertinent. Entre les consommateurs qui communiquent par abréviations, ceux qui préfèrent adopter un ton plus conversationnel, les nombreux cas de fautes de frappe et le recours à des émojis pour certaines expressions (un pouce levé remplaçant un « OK », par exemple), le défi de la compréhension des intentions est considérable. Pas moins de 2 200 moyens différents d'interroger un solde de compte sont ainsi correctement traités par Eno !
Encore plus étonnant, et en totale contradiction avec ce que dicte l'intuition, Capital One estime que ses clients engagent, dans une certaine mesure, une relation émotionnelle avec le chatbot. Un révélateur de cette attitude est le nombre de remerciements formulés par ses utilisateurs : alors que la gratitude exprimée de la sorte n'a aucune motivation fonctionnelle, elle représente la troisième intention la plus fréquemment détectée, après la consultation des soldes et des dernières transactions. Bien entendu, cette découverte laisse imaginer des opportunités insoupçonnées de capitaliser sur la confiance établie.
En conclusion, voilà peut-être une autre facette des assistants virtuels susceptible de justifier l'engouement qu'ils soulèvent, alors que, par certains côtés, il peuvent également donner l'impression, parfois, de n'être qu'un avatar d'une mode futile et éphémère… En tout état de cause, dans les rangs de Capital One, les doutes sont maintenant levés, sans ambiguïté : Eno est désormais proposé à des millions de clients, il continuera à apprendre à interagir avec eux et gagnera progressivement en « compétences ».