Quand BBVA veut profiter de sa présence à deux extrémités d'un immense marché des transferts internationaux (entre les États-Unis et l'Amérique latine), elle ne se contente pas de déployer une application mobile facilitant les transactions. Elle imagine aussi les autres services qui pourront, demain, aider ses clients et leurs familles.
Visant d'emblée à secouer le secteur dans son ensemble, qui représente plus de 600 milliards de dollars échangés dans le monde chaque année, BBVA commence toutefois par un de ses corridors les plus importants, entre les États-Unis et le Mexique. Elle vise ainsi les quelques 35 millions d'immigrés et descendants d'immigrés qui envoient environ 27 milliards (estimation pour 2016) principalement à leurs familles restées dans leur pays d'origine, en empruntant des moyens traditionnels, souvent extrêmement onéreux.
L'application, baptisée Tuyyo, permet à tout résident américain (pas nécessairement client de BBVA) d'envoyer de l'argent en quelques gestes de l'autre côté de la frontière. Le destinataire a alors le choix de recevoir les fonds, presque instantanément, sur un compte bancaire, auprès d'un point de retrait agréé ou par la saisie d'un code secret sur un des 11 000 automates de Bancomer, la filiale locale de la banque (lors de la première utilisation, il lui faudra cependant d'abord justifier de son identité dans une agence).
Dans cette version, la solution, sans être révolutionnaire, apportera des avantages indéniables aux habitués des transferts d'argent transfrontaliers, notamment en termes de coûts puisque seule une commission fixe (de 5,49 dollars par transaction) est prélevée, le taux de change appliqué étant celui du marché. Par ailleurs, les notifications d'envoi – transmises par SMS, mail ou WhatsApp – peuvent être accompagnées d'un message pour le bénéficiaire, composé de texte, de photos et, prochainement, de vidéos.
Si les ambitions de Tuyyo paraissent modestes à ce stade, c'est parce qu'il ne s'agit, en quelque sorte, que d'un MVP (« Produit Minimum Viable ») destiné à évoluer rapidement, dans la logique de conception agile dont BBVA se vante d'être adepte. Bien sûr, le service a vocation à être déployé dans tous les pays d'Amérique du Sud où la banque est implantée et peut-être au-delà, dans le reste du monde. Mais, surtout, les transferts internationaux ne sont qu'une petite partie de l'offre qu'elle veut développer.
Plusieurs pistes sont évoquées. L'une d'elles consisterait, par exemple, à convertir la réception des fonds en un véritable compte bancaire virtuel, pour les personnes non bancarisées : plutôt que de devoir retirer immédiatement la totalité de la somme qui leur a été envoyée, elles pourraient la conserver, en sécurité, en attendant d'en avoir effectivement besoin. Il pourrait aussi être question de micro-crédit ou d'assurance, le bénéficiaire résidant dans un pays et le payeur (ou le garant) dans un autre…
La démarche de BBVA s'avère (une nouvelle fois) exemplaire. En partant d'un modèle désespérément classique et tristement limité, elle explore les besoins réels de ses utilisateurs, en commençant par les relations humaines qui se cachent derrière les transferts d'argent, puis en réfléchissant à des services adjacents susceptibles de répondre à des attentes non exprimées. Au bout du compte, si ses hypothèses se confirment, elle pourrait bien aboutir à une nouvelle classe de produit financier.