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Tonga, mon amour - 24

Publié le 23 octobre 2017 par Detoursdesmondes

1colliers-tonga-oxford

Une source de connaissances sur la culture matérielle des Tonga en cette fin de XVIIIème siècle nous est encore fournie par Georg Forster et son récit paru en 1777.
On lit dans ses lignes son admiration pour les Tongiens, leur savoir-faire mais aussi, leurs manières, leurs apparences, remarquant leur coiffure ornée de peignes, leurs pectoraux, leurs colliers extraordinaires réalisés à partir de coquillages… mais les matériaux employés pouvaient varier presque à l’infini, en ivoire de baleine, en os d’oiseaux, ou encore ornés de dents de chiens ou de cheveux humains, telles les compositions des six colliers exposés au Pitt Rivers Museum (n°1886.1.570, 1886.1.571, 1886.1.572, 1886.1.573, 1886.1.575 et 1886.1.576).

Old-man-tonga-hodges


Un objet plus énigmatique consiste en un disque en os de baleine (n°1886.1.1146) et est discuté par A. Kaeppler dans son article de 1971 car il ne lui apparaît pas au premier abord provenir des Tonga, du reste avait-il été catalogué comme maori. Lorsqu’on a retrouvé le catalogue de Forster, celui-ci est pourtant bien inscrit sous le numéro 62 et de provenance tongienne ! De plus, le récit de voyage de Georg Forster, rapporte le témoignage de l’achat d’une sorte d’écran plat de dix-huit pouces de diamètre en os. Il existe trois candidats à cette description : celui du Pitt Rivers Museum, celui de Göttingen et enfin celui du British Museum ; et il est difficile de conclure… Vu la qualité du matériau, on pense qu’il s’agit là d’un ornement pour des personnages de haut rang, mais on manque d’informations sur le sujet. On a d’abord pensé à une sorte de bouclier mais d’après A. Kaeppler, il s’agirait bien d’un pectoral. Trois trous sont percés dans l’exemplaire d’Oxford, deux dans celui de Göttingen avec un cordon fibre de coco qui les relie et on a retrouvé un tel objet sur la poitrine d’un squelette à Tonga. Dans le catalogue Forster, il semble qu’il y ait eu trois autres ornements de la sorte mais on ne les a pas retrouvés à ce jour.

1886.1.1146


Parmi les colliers tongiens récoltés par les Forster mais aussi au cours des autres voyages, on trouve des compositions de perles, de coquilles de noix de coco et surtout de petits pendentifs en ivoire, tel celui du Pitt Rivers Museum (1886.1.1571) avec par exemple de belles sculptures d’oiseaux. De tels colliers ont également été retrouvés en contexte archéologique.
Mais par dessus tout, leur art pour la fabrication des paniers séduisait les Forster.

4Tonga-ustensils


Ces récipients de bois couverts de vannerie sont en effet de superbes et complexes réalisations avec de la fibre de coco tressée. Sur une planche dessinée par Forster, on remarque le panier qui est probablement celui conservé au Pitt Rivers Museum sous le numéro d’inventaire 1886.1.1329 bien que ce dernier ne possède pas de couvercle. Néanmoins, Forster n’a jamais mentionné son existence dans son catalogue.
5Basket-Tonga-PRMCelui-ci présente une série de triangles de couleur naturelle et de couleur noire, qui se rencontrent en leur sommet.
Des dessins sont formés à l’aide de perles de coquillages. Ici, il semble que les motifs représentent deux oiseaux volant ensemble, métaphore pour une personne de haut statut dont les parents sont également de rang élevé. Ces paniers étaient destinés à abriter des objets personnels, d’autres servaient de présentation de matériaux parfumés et décoratifs lors de mariage ou de funérailles.
Paniers et nattes avaient donc des valeurs parfois considérables. A. Kaeppler rappelle (dans « Eighteenth Century Tonga: New Interpretations of Tongan Society and Material Culture at the Time of Captain Cook », 1971) combien dans une société fortement hiérarchisée, la culture matérielle tient une place importante. Aux Tonga, les nattes par exemple, constituaient une partie conséquente des dons qui étaient effectués lors des cérémonies.
Le type de matériau utilisé, la manière dont elles étaient fabriquées, les motifs… tout cela positionnait chaque objet dans un système de rangs.
Mais rendre compte de ce qui se passait au dix-huitième siècle dans la société tongienne n’en demeure pas si simple. En effet, on ne possède pas un exemplaire de chaque type de nattes qui entraient dans les systèmes d’échanges, soit parce qu’elles ne furent pas collectées, ou peut-être parce qu’elles ne sont pas encore identifiées dans les collections ou peut-être encore parce qu’elles n’ont pu être préservées depuis ces trois siècles passés… il est donc difficile de comprendre précisément chaque strate de la société de l’époque.
à suivre...
Photo 1 : Ensemble de colliers dans la vitrine du Pitt Rivers Museum consacrée à Tonga, photo de l’auteure, 2016.
Photo 2 : Portrait d’un Tongien par William Hodges 3-7 octobre 1773 © National Library of Australia, Canberra #R753.
Photo 3 : Pectoral © PRM 1886.1.1146
Photo 4 : Planche Ornaments, Ustensils and Weapons at the Friendly Isles, from an engraving first published in the official account of Cook’s second voyage. The Bodleian Libraries, University of Oxford.
Photo 5 : Panier des Tonga © PRM 1886.1.1329


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