Ces dernières n’ont visiblement aucune retenue quand il s’agit de facturer des obsèques dont le coût varie de 6000 dollars … à plus du double dans certains cas ! A la manière d’une Elise Lucet, les reporters opèrent en caméra cachée afin d’observer de l’intérieur cette méthodologie à la limite du racket … mais qui s’ancre dans un marché en pleine expansion.
Le secteur funéraire canadien en plein changement
A ce stade, il faut se remémorer que le secteur vit une reconfiguration de fond : avec le vieillissement de la population canadienne, le nombre de décès est en hausse, on pronostique du reste une moyenne de 100 000 décès à l’orée de 2043. Pour y faire face, plus de 300 salons se répartissent le marché, un nombre qui ne cesse d’augmenter depuis 2015, ainsi que la concurrence, féroce.
Les quelques 6000 employés du circuit sont donc soumis à des pressions évidentes pour augmenter un chiffre d’affaire annuel général estimé à 300 millions de dollars ; ils sont aidés en cela par une absence quasi totale de législation et d’encadrement, principalement en matière de tarification et de publicité.
Écarts de prix et obligation de résultats
Les investigations menées par J.E. mettent ainsi en évidence, outre des écarts de prix de 25 %, ce qui est énorme, l’absence de devis détaillés listant les prestations et leur coût, l’obligation pour les conseillers funéraires d’atteindre des objectifs mensuels de quelques 30 000 dollars, la pression imposée aux sous-traitants pour baisser leur prix … Ceux qui ne s’y conforment pas ou refusent de se plier à ces exigences sont licenciés ou écartés. Quant aux clients, déstabilisés par le chagrin de la perte, ignorants des usages de ce marché et plus généralement soumis à la mode du « fastfood funéraire », tendance américaine qui implique de faire son deuil le plus rapidement possible, ils n’ont guère le réflexe de s’informer, de poser des questions.
Devis opaque et pressions sur le client
L’absence de devis détaillé les empêche de comparer les prix d’un prestataire à l’autre, d’autant plus que des forfaits leur sont proposés qui multiplient les avantages en apparence, mais facturent en fait et de façon onéreuse des services qui ne sont pas indispensables, compositions florales, cocktail dînatoire et autres. Pire, quand un éventuel client stipule qu’il va aller acheter son cercueil chez un autre fabriquant, certaines pompes funèbres refusent alors de contractualiser, sous prétexte que le produit n’est pas sûr, qu’ils préfèrent travailler avec leurs propres fournisseurs, que cela ne respecte pas leurs normes. Le client est alors complètement démuni, pressé par le délai d’inhumation, il cède.
Acteurs émergents et encadrement légal
Face à ces enseignes dominantes qui se réfugient derrière le secret professionnel pour ne pas expliquer leur fonctionnement devant la caméra, on voit apparaître deux activités qui leur font concurrence :
- les entreprises indépendantes qui visent à soutenir les familles en s’adaptant à leurs besoins et en les conseillant au mieux, dans le respect de leur requête et de leur budget ;
- les courtiers funéraires qui apportent leur expertise du secteur, comparent les prix proposés et négocient au mieux pour les personnes chargées d’organiser les funérailles.
Ces acteurs émergents peinent à s’imposer, certes, mais ils parviennent à faire baisser des factures à l’origine aberrantes. Et surtout, ils font polémique, réclamant une législation visant à imposer un devis unique et détaillé, un encadrement plus sévère de l’activité, citant en exemple la rigueur de la France en la matière.
Affaire à suivre donc, qui prouve une fois de plus que le public doit être informé autant que respecté, que les intervenants de la profession doivent y faire la part des choses entre enrichissement et service du prochain, en somme que le business de la mort doit être canalisé si l’on veut qu’il demeure humain.