Pour reprendre les mots de Francine Pelletier, le Québec est au coeur d'une parfaite révolution des moeurs. Les examens de consciences mâles se sont tous faits la semaine dernière dans nos rapports avec les femmes.
Une petite fille de 9 ans disait à sa mère cette semaine avec fatalisme, et ça m'a bouleversé:
"Ouin maman, ben... on est pas à l'abri".
À partir de maintenant, oui. Faudra. Nous sommes beaucoup plus nombreux dans l'équilibre et les abus de pouvoirs, car c'est la donne qui bourdonne, seront maintenant teintés de chutes (on l'espère) brutales pour ceux qui en font usage.
Pour le moment, on entend les personnalités publiques sur les abus sexuels. Mais j'espère simplement que la caissière au salaire minimum du dépanneur, la fille du backstore, la cliente du gynéco, sauront aussi se faire entendre. Et guérir.
En Islande, en 1975, les femmes ont choisi de créer une brêche. Pas de travail. Pas de cuisine. Pas de responsabilités autour des enfants. Du rien pour vrai. Pendant 24 heures.
90% des femmes d'un même pays (de 220 000 habitants) qui ne faisaient rien. Pour protester sur leurs conditions. Remarquablement, l'Islande a été largement paralysée cette journée-là. Les Nations Unies avaient proclamé 1975 "année de la femme", mais si ce n'était qu'un symbole pour se donner bonne conscience...à quoi bon?
Les femmes voulaient attirer l'attention sur leur propre importance, leur salaire si faible, la valeur de leur apport à la maison et ailleurs. Des choses dévalorisées dans les révélations de la semaine dernières au Québec. Certaines victimes de ces gens de pouvoir, presque toute les victimes de Weinstein, ont dû baisser les bras parce qu'il était les sous qui les feraient vivre. Ces victimes agressées étaient souvent en mode survie professionnelle vis à vis de leur agresseur.
À Reikjavik, en 1975, plus de 25 000 femmes ont "pris une journée de congé" en 1975. On a utilisé ce terme afin de s'épargner des problèmes avec les employeurs qui seraient plus clément face à une journée de congé que face à une grève. Et ils l'ont été.
Les femmes ont alors pris la parole, ont chanté. Elles avaient tous les âges. De l'écolière du primaire à l'arrière grand-mère. C'était une révolution tranquille. Une guerre intelligente. Une affaires de Femmes. Mais d'Hommes aussi. Regardez-nous autrement, leur disaient-elles.
La plupart des employeurs se sont ajustés et ont dû accepter les jeunes enfants qui seraient restés à la maison avec maman, au travail avec papa, ce jour-là. La saucisse, le repas rapide le plus populaire en Islande alors, a manqué dans les supermarchés sur l'heure du souper. Beaucoup de commerce ont dû fermer.
Les bureaux du journal avaient été fermés, ce qui a donné l'idée aux femmes d'alors y entrer et d'offrir dès le lendemain un journal dont tous les articles seraient sur les conditions des femmes Islandaises et couvrant l'actualité de la veille.
5 ans plus tard, la toute première Islandaise, Vigdis Finnbogadottir, devenait présidente d'Islande, démocratiquement élue par le peuple.
Les Islandais avaient, en 5 ans, changé leur vision de leurs femmes.
L'Amérique est capable de faire la même chose à l'égard de ces femmes. Nous ne sommes, déjà pour la plupart, pas excessivement loin de les traiter d'égale à égal.
En tout cas, au Québec.
La révolution des moeurs en Islande avait lieu aujourd'hui, il y a 40 ans.
La nôtre commençait peut-être, la semaine dernière.
Devrait.
Did.
Ne laissons pas s'éteindre nos vigilances.