Partager la publication "[Critique] 1922"
Titre original : 1922
Note:
Origine : Canada
Réalisateur : Zak Hilditch
Distribution : Thomas Jane, Molly Parker, Dylan Schmid, Neal McDonough, Brian d’Arcy James, Eric Keenleyside, Kaitlyn Bernard…
Genre : Horreur/Épouvante/Drame/Adaptation
Date de sortie : 20 octobre 2017 (Netflix)
Le Pitch :
Un homme décide de tuer sa femme avec la complicité de son fils pour empêcher cette dernière de vendre des terres dont elle a hérité. Un acte qui ne tarde pas à avoir de lourdes conséquences. D’étranges phénomènes se produisent et l’homme ne tarde pas à se convaincre que son geste a jeté sur lui une malédiction dont il sera impossible de se défaire…
La Critique de 1922 :
Zak Hilditch n’est bien sûr pas le premier à adapter une nouvelle de Stephen King. Car si les romans du maître du l’horreur ont souvent eu la côte, ses histoires courtes aussi, là encore parfois pour le meilleur et pour le franchement dispensable. 1922, qui se pose donc comme la mise en images de la nouvelle du même nom parue en 2010 dans l’excellent recueil Nuit noire, étoiles mortes, se classe dans la première catégorie…
Les démons du maïs
1922 permet au toujours sous-estimé Thomas Jane de retrouver l’univers de Stephen King quelques années après le tétanisant The Mist, de Frank Darabont. Il campe ici un fermier obsédé à l’idée de conserver les terres que sa femme, qu’il en est venu à détester, veut vendre pour partir habiter à la ville. Un homme dur, dont la peau tannée par le soleil et les muscles asséchés par le labeur quotidien traduisent la détermination. Un homme qui décide d’en finir une bonne fois pour toute, accompagné par un fils dont il a su corrompre l’esprit pour le rallier à sa cause. Un personnage très intéressant dont s’acquitte Thomas Jane avec le talent qu’on lui connaît, parvenant à livrer une performance très impressionnante tant il évite, parfois de justesse, de sombrer dans les excès, tout en traduisant sans s’économiser, ce mélange d’obsession et de peur matinée de colère, qui caractérise le rôle. De tous les plans ou pas loin, Thomas Jane s’impose comme le pilier d’une histoire magnifiquement retranscrite par Zak Hilditch, qui confirme au passage tout le bien que son précédent film (l’injustement méconnu These Final Hours) encourageait à penser de lui.
American Nightmare
La prouesse de Hilditch est de rapidement poser son décors et une atmosphère qui font de 1922 une espèce de reflet vicié d’un conte de Dickens. Une sorte de plongée cauchemardesque dans un tableau qui évoque à la fois Edward Hopper et Norman Rockwell, aux couleurs parfois magnifiques. Comme ce ciel incandescent qui renvoie à l’homme son pêché et qui annonce des jours sombres pour lui et sa lignée. En plus de se poser comme une adaptation particulièrement fidèle des écrits de King, 1922 jouit aussi d’une photographie parfois véritablement sublime et d’une mise en scène soignée, qui prend bien garde de ne pas se réfugier derrière des jump scares faciles, pour mieux se concentrer sur la construction d’une ambiance non pas propice aux sursauts, mais plutôt à l’émergence d’un dégoût qui met mal à l’aise et qui finit également par rameuter une peur sourde et tenace. À l’instar de la nouvelle, le long-métrage s’intéresse à la frontière de plus en plus fragile entre la folie et l’obsession, semant le trouble dans l’esprit du spectateur au fil d’évocations cauchemardesques où les rats tiennent une place de choix. Conte sur les regrets et sur l’ambition, 1922 raconte aussi l’Amérique des années 20. Celle qui, alors que rien ne le laissait spécialement présager, va bientôt subir la Grande Dépression. En 1922, comme l’évoque le personnage principal, la fierté d’un homme se situe dans la terre. Dans la possession et dans cette faculté à vivre grâce au travail de cette terre. Et c’est précisément cela qu’exploite avec brio le film pour faire naître l’épouvante. Loin d’être vide de sens et loin de se contenter de velléités purement horrifiques, 1922 sait aussi traiter de thématiques en apparence presque antinomiques pour venir nourrir une dynamique travaillée.
C’est précisément cela qui confère du corps au récit et c’est exactement pour cette raison, grâce à cette complexité et à ce désir de mettre en avant un contexte précis ainsi qu’une psychologie soignée, que 1922 est un excellent film d’horreur. Un long-métrage qui prend son temps, traversé de scènes tétanisantes. Une tragédie familiale aux multiples implications, où le fantastique et le morbide se font les incarnations de sentiments menant à la folie la plus insondable.
En Bref…
Franche réussite, à la fois formelle et narrative, 1922 jouit en outre de la présence au générique d’un Thomas Jane parfait. Imposant, l’acteur donne le change à l’impeccable Molly Parker et au déjà excellent Dylan Schmid, et contribue à l’émergence d’une peur perfide qui n’a rien d’opportuniste. Un authentique conte d’épouvante qui vient se placer d’emblée parmi les meilleures adaptations du King au cinéma.
@ Gilles Rolland