Il y a des livres muets. Oublions-les tranquillement. Il y a ceux dont la voix n'est pas encore placée, avec les hauts et les bas de la mue. Gardons un œil sur leur auteur en attendant les ouvrages qui vont suivre... Et puis un jour vous ouvrez un roman, un recueil de poèmes... et soudain vous entendez une voix qui ne ressemble à aucune autre. Vous tenterez plus tard de la caractériser, de la cerner. Peut-être même faudra-t-il résister à la séduction qu'elle exerce sur vous, pourquoi pas, il n'empêche qu'une histoire d'amour entre elle et vous est de l'ordre du possible. C'est pourquoi la lecture à haute voix d'un texte par son auteur, pour médiocre qu'elle soit, le plus souvent, dit toujours quelque chose, même en la recouvrant, de l'autre voix qui ne se perçoit que dans le silence. J'ai peine à imaginer Rimbaud cependant lisant, par exemple Le Bateau ivre, d'une "voix, très accentuée en ardennais, presque patoisante...". Et pourtant... Celle de Claudel avait un accent rocailleux, rural, qu'on prête difficilement à Tête d'or et qui cependant renvoyait à tout ce qu'il y a de charnel, voire de séminal, dans son oeuvre. "
Jean Ristat, Qui sont les contemporains, II, " La petite musique de nuit de Christian Giudicelli ", coll. Blanche, Gallimard, 2017, 432 p., 25€, p. 297
Sur le site de l'éditeur ( on peut feuilleter le début du livre)
" Jean Ristat réunit là un certain nombre d'articles publiés dans la revue Digraphe, Le Monde, L'Humanité ou Les Lettres françaises. Écrits avec la conviction qu'il faut transmettre au plus grand nombre le goût de la lecture, ils illustrent plus de cinquante années d'activité critique de l'auteur, dans les domaines de la littérature, de la philosophie et de l'art. "