Arabie saoudite: le droit de conduire

Publié le 19 octobre 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) L’autorisation de conduire concédée aux femmes de l’Arabie saoudite sonne comme un dénouement heureux d’un combat têtu. Pour parvenir à cette permission, la marche féminine fut longue et semée d'embûches. Il aura fallu, aux femmes saoudiennes, rien de moins que trois successives décennies émaillées de révoltes réprimées.

Selon les militantes de la cause, cette reconnaissance qualifiée d’historique n’est guère un cadeau servi sur un plateau d'argent. Elles soulignent qu’elle cristallise le fruit d’un effort titanesque mené par de nombreuses activistes qui ont défié les traditions sexistes et les coutumes surannées du royaume. Les précurseurs de cette marche épineuse ont connu la séquestration, l’emprisonnement voire l'exil. Une répression qui n'a pas empêché le rebondissement sporadique d’une série de petites luttes.

Parmi les temps forts qui ont marqué l’évolution de cette petite révolution, rappelons, qu’en novembre 1990, un groupe d’une quarantaine des femmes a surpris les autorités de Riyad, en conduisant des voitures en plein cœur de la capitale, dans un geste fort visant à exiger le droit des femmes à prendre le volant. Des faits pour lesquels, elles ont été arrêtées, malmenées, amendées et interdites de voyager en dehors de l’Arabie saoudite. Plus tard, en avril 2008, trois figures de proue engagées dans cette lutte - Wadjida Al-Huwaider, Ibtahal Moubarak et Fawzia Al-Ayouni ont lancé une vaste pétition qui a recueilli près d’un million des signatures.

Laquelle a été transmise au roi de l'époque, le roi Abdullah Bin Abdul Aziz, en vue de le pousser à reconnaître aux femmes le droit de conduire. En juin 2011, parallèlement à la vague du printemps arabe, la célèbre activiste de Djeddah, Manal Al Sharif a lancé une campagne appelée "Je conduirai ma voiture moi-même". Une dizaine des femmes de la ville ont pu rejoindre son initiative. Cette campagne, comme toutes les autres, a été rapidement maîtrisée par la police des mœurs. Néanmoins, les femmes saoudiennes sont aujourd’hui persuadées qu'elles doivent cette victoire à leurs luttes régulières et persévérantes. La mesure signée par le roi est loin de faire unanimité dans le royaume. Les avis divergent, les langues se délient et l'encre ne cesse de couler. D’abord, les ultraconservateurs religieux ne décolèrent pas. Ils soutiennent que cette permission ouvre une voie inédite menant à la perversion de la femme saoudienne. Ils développent, dans leurs forums, censurés pour la plupart, un argumentaire socio-religieux totalement hostile.

Ensuite le camp des perdants, les chauffeurs asiatiques expatriés - plus d’un million, selon le ministère du Travail, ils s'attendent à la perte pure et simple de leurs emplois. De même que le réseau urbain du transport public prévoit une évaporation d’une belle part de son marché qui causerait un licenciement massif. Enfin, les usagers de la route se joignent aux contestataires et tirent la sonnette d’alarme. Ils prédisent une pagaille d'embouteillage sans commune mesure.
Le son de cloche est plus optimiste chez les officiels du royaume. Le ministère du Travail avance un large éventail de bienfaits économiques immédiats sur la croissance de l’économie du pays. Il relève que grâce à cette permission, la femme saoudienne bénéficiera d’une augmentation du pouvoir d’achat, allant jusqu’à un tiers de son salaire. Un montant qu’elle verse aujourd’hui soit à un chauffeur particulier soit à un taximan. Les défenseurs de l'autonomisation de la femme, saluent la justice enfin rendue à travers cette décision, qui selon eux, va enterrer un monopole du volant qui n’a plus sa raison d'être.

Les diplomates saoudiens applaudissent et tirent, eux aussi, leur épingle du jeu. Ils estiment que la mesure vient à la rescousse de leur combat pour le rayonnement de l’image du royaume. Ils se réjouissent que le royaume se débarrasse, d’un revers de main, d’une pratique décriée par la communauté internationale. Les auto-écoles et les entreprises de vente automobile quant à elles se frottent les mains et s’apprêtent à accueillir des millions de nouvelles clientes.

Diplômé de communication, anciennement porte-parole de la diplomatie tchadienne, directeur de... En savoir plus sur cet auteur