Les lettres africaines sont en deuil. Une de leurs talentueuses figures vient de disparaître dans un petit hôpital de Sévaré, en République du Mali, à l'âge de 77 ans. Il s'agit de Yambo Ouologuem, alias Uttoh Rodolph.
Ancien élève d'Henri IV, diplômé de langues et docteur en sociologie, ce digne fils du pays Dogon doit sa notoriété, sur la scène littéraire mondiale, à un roman, Le Devoir de violence, qu'il publie en 1968. Dans ce texte très remarqué à l'époque, il met l'accent sur la dynastie africaine fictive des Saïfs (seigneurs féodaux africains) ainsi que sur la participation de la chefferie locale du continent noir au colonialisme. C'est cette seconde partie de l'oeuvre romanesque qui vaudra à son auteur tant de critiques et polémiques. Puisqu'elle remettait en cause cette Afrique mythifiée et célébrée par la poésie senghorienne et celle de la Négritude.
Mais cela n'empêchera pas celui que l'éditeur français Jean-Pierre Orban aimait à qualifier " d'anti-Senghor " de recevoir à vingt-huit printemps le Prix Renaudot. Une première pour un Africain.
Puis viendra à nouveau la tempête. Cette fois, il sera accusé de plagiat pour C'est un champ de bataille de Graham Greene et Le Dernier des Justes d'André Schwartz-Bart ; Utttoh Rodolph tentera de se défendre évoquant l'utilisation des guillemets dans son manuscrit. Mais le mal est fait...
Banni, il choisira le chemin de la réclusion. Afin de vivre cette condition de " sous développé " à laquelle il a toujours aspiré.
Guillaume Camara