Anne Collier est une artiste qui joue avec les clichés produits par la société du spectacle. L’une de ses stratégies récurrentes est de reprendre des images déjà existantes appartenant, pour la plupart, à l’industrie visuelle. Elle collectionne des pochettes de disques, des photos des films, des coupures de presse illustrée, des cartes postales, des photographies trouvées ou des livres. Ensuite, elle les photographie comme des « armes du crime », agrandis, sur un fond blanc. Sous cette forme elles deviennent des preuves de racisme, de voyeurisme ou de sexisme. Dans sa série Woman with Camera (publiée par les éditions Karma), commencée il y a des années mais qu’elle continue à étoffer, la photographe américaine reprend en photo des instantanés amateurs de femmes photographiées avec des caméras avant l’avènement du «selfie» numérique. Ces images, accumulées au fil des années dans des marchés aux puces et autres friperies, ont pour toile de fond la plage, des jardins, des salons, des fêtes de fin d’année, etc. Au lieu de circuler sur les médias sociaux, ces images abandonnées existaient autrefois pour un public privé. Ces photographies de photographies s’inscrivent dans la tradition du ready made, à l’instar d’autres images capturées par Anne Collier, celles de jaquettes d’albums ou de calendriers réalisés à partir d’images de films. En collectant ces témoignages, l’artiste attire l’attention sur les citations ironiques, chargées de multiples niveaux de sens qui envahissent le quotidien de notre ère des médias. Ses travaux oscillent entre le personnel et l’universel, accessibles pour le spectateur tout en maintenant une certaine tension ou ambivalence. Women With Cameras est imprégnée d’un profond sentiment de solitude, illustrant la relation conflictuelle de la photographie avec la mémoire, la perte et la représentation de soi. Le livre de 168 pages est maintenant disponible sur la boutique en ligne des éditions new-yorkaises Karma, ainsi que sur Amazon.com.