Me voici de retour en vidéo ! Je vous emmène autour du lac du Crès, dans l’Hérault, à la découverte de 5 secrets bien gardés sur ces formidables zones humides.
Et ici en version texte, pour ceux qui préfèrent la lecture !
1. Quelle est la différence entre un lac et un étang ?
« Non mais une fois qu’on est dedans, elle est bonne. » (© Andreea Chidu)Alors : étang, lac ? Lac, étang ? Quelle différence ? Et je vous vois venir : non, ça n’a rien à voir avec la salinité, puisqu’on trouve bien des étangs d’eau douce et des lacs salés ! En fait, c’est surtout une question de surface ou de profondeur, selon les définitions.
- Profondeur limite de 20 mètres (au-delà : c’est un lac ; en-deçà : un étang)
- Ou surface limite de 8 hectares (au-delà : c’est un lac ; en-deçà : un étang)
Petite anecdote bonus : la mer Caspienne porte mal son nom puisqu’elle n’a pas le statut juridique des mers. Ce serait plutôt le plus grand lac salé de la planète !
2. Comment évoluent les lacs ?
Ton heure est comptée, plan d’eau. (© Giammarco Boscaro)L’évolution naturelle d’un lac se ponctue par… sa mort. Il se couvre de plusieurs ceintures de végétation, les débris organiques et les sédiments s’accumulent au fond jusqu’à le boucher complètement. Une végétation prolifique prend alors sa place et c’est comme s’il n’avait jamais existé. En écologie, on parle d’atterrissement.
3. Ménage de printemps (et d’automne)
Stratification thermique dans les lacs dimictiques. (© Hydrated/Wikimedia Commons)Sous climat tempéré, certains lacs (dits dimictiques) sont le théâtre d’une drôle de valse : au printemps et en automne, leurs couches d’eau superficielles et profonde s’inversent ! Le seul moteur de ce grand chamboulement, c’est la physique.
Au printemps quand la glace fond, et en automne, quand l’eau se refroidit peu à peu, la couche d’eau de surface rejoint progressivement une température proche de celle du fond. Elles ont toutes les deux une densité comparable, c’est donc sans trop de mal que le vent enclenchera cette grande machine à laver (ou turnover pour les puristes).
Du coup, ça redonne une seconde vie aux nutriments qui s’étaient accumulés au fond et toute la chaîne alimentaire en profite joyeusement !
4. Un lac peut-il refroidir le climat ?
« Je romps et ne plie pas ; et ce faisant, je vous envoie direct en chambre froide » – Agassiz, sur son lit de mort (© Kleiven et al. 2008)Spoiler : oui ! Pendant le Dryas récent, il y a 11 à 13 000 ans, le climat s’est sensiblement refroidi en Europe et autour de l’Atlantique : on a perdu 7 °C dans l’hémisphère Nord et jusqu’à 10 °C au Groënland !
Une des causes de ce sursaut glaciaire : c’est un ralentissement du Gulf Stream, dû au déversement brutal dans l’Atlantique du plus grand lac d’eau douce de l’époque, en Amérique du Nord.
Les énormes quantités d’eau douce, moins denses que l’eau salée de l’Atlantique, auraient complètement perturbé la circulation océanique et bam ! des stalactites dans nos trous de nez. [Attention, dans la vidéo par étourderie je dis que l’eau douce est plus dense que l’eau salée… Mais c’est l’inverse ;)]
5. La magie des varves
Tremblez, zèbres ! Les varves sont plus aimables, moins bruyantes mais elles courent moins vite. (© James St. John/Flickr)Ce gros lac qui a cédé était un lac proglaciaire : il reçoit l’eau qui s’écoule des glaciers quand ils fondent. C’est justement dans ce type de lacs qu’on retrouve un des trucs les plus ahurissants que je connaisse : il répond au nom poétique de varves. C’est un type de sédiments qui affiche des rayures à faire pâlir d’envie les Dalton !
Figurez-vous que chaque paire de rayures représente une année, ni plus ni moins. La couche claire se forme en été, quand le glacier, en fondant, ramène masse de sédiments dans le lac. La couche foncée se forme en hiver, quand le lac est recouvert de glace, donc dans un milieu pauvre en oxygène. Grâce à ces rayures on peut remonter le temps, un peu à la manière des cernes du tronc d’un arbre.
Ces couches contiennent des informations précieuses sur notre histoire : en analysant les pollens qu’elles contiennent, on peut par exemple retrouver les espèces végétales de l’époque, et donc reconstituer les forêts du passé. J’avais déjà parlé de varves (c’est ma marotte) par icitte 🙂
Voilà pour cette fois, j’espère que ce format léger vous aura plu. Si c’est le cas, n’hésitez pas à parler de varves avec votre famille et vos amis, on n’en parle jamais assez. Dans tous les cas, on se retrouve très vite !
Sources
- Lac Vs étang : site gouvernemental sur les zones humides (avec l’ONEMA et l’Office International de l’Eau)
- Manuel de la Convention de Ramsar (6ème édition)
- Présentation de la Convention de Ramsar sur droit-nature.free.fr
- Beat Oertli, Pierre-André Frossard, 2013. Mares et étangs : Ecologie, conservation, gestion, valorisation. éd. PPUR Presses polytechniques
- Paul Tavernier, 1999. Le statut juridique de la mer caspienne : mer ou lac ? La pratique des États vue à travers les documents publiés par les Nations Unies. Actualité et Droit international
- Rob Nelson, 2013. What is lake succession? Untamed Science
- Wikipédia : varve, Dryas récent
- James T. Teller, 2012. Importance of freshwater injections into the Arctic Ocean in triggering the Younger Dryas cooling. PNAS
- Helga Fleshe Kleiven, Catherine Kissel, Carlo Laj, Ulysses S. Ninnemann, Thomas O. Richter, Elsa Cortijo, 2008. Reduced North Atlantic Deep Water Coeval with the Glacial Lake Agassiz Freshwater Outburst. Science
- Juzhi Hou, Yongsong Huang, Bryan N Shuman, W Wyatt Oswald, David R Foster, 2011. Abrupt cooling repeatedly punctuated early-Holocene climate in eastern North America. Holocene
- J. John Lowe, Michael J.C Walker, 2014. Reconstructing Quaternary Environments. éd. Routledge