Cinq ans après Le cas
Sneijder, Jean-Paul Dubois nous faisait, l’an dernier partager, de 1983 à
1987, la vie d’un pelotari professionnel, un joueur de pelote basque si le mot
ne vous est pas familier, en Floride. Du moins, c’est ce qu’on croit pendant
une bonne partie de La succession,
réédité au format de poche sous un titre qui ne se justifierait pas s’il
n’était question que de ce premier sujet.
Restons-y un peu, puisque cela nous occupe pendant un
certain temps. Paul Katrakilis, qui a fait des études de médecine, n’a jamais
eu d’autre ambition que d’être un pelotari, au risque d’être exploité par des
réseaux pas très nets pour lesquels les paris sont plus importants que le jeu,
et les joueurs, moins valorisés que des ouvriers peu payés. Le plaisir de
maîtriser son souffle, son corps dans l’effort, celui de renvoyer la pelote sur
les murs en compagnie de ses semblables, dont certains sont devenus des amis,
tout cela vaut bien des crises en cas de revendication salariale.
Pourquoi pas ? Cette histoire en vaut une autre, la vie
de Paul à Miami méritait bien un roman. Les retours vers le passé de sa famille
auraient pu en nourrir un deuxième tant il y a eu d’événements autour du
grand-père, Spyridon, qui fut le médecin de Staline et a emporté, en fuyant
Moscou, une partie du cerveau dictatorial. La mère de Paul, Anna, qui formait un
couple davantage avec son frère Jules qu’avec son mari Adrian, les ambiguïtés
entre eux, les malheurs qui s’abattirent sur ces personnages, fournissent des
interrogations sur le sens de leurs vies, et de quoi retenir l’attention du
lecteur. De quoi lui faire comprendre, aussi, pourquoi Paul a préféré échapper
à une atmosphère malsaine.
La mort du père de Paul ramène celui-ci en France pour
liquider non seulement l’héritage mais aussi et surtout un passé dont il peut
croire qu’il sera enfin oublié après l’inhumation. Mais le romancier a tiré de
nombreux fils et, au bout de la pelote, deux carnets noirs surgissent pour tout
remettre en question.
Nous ne dirons pas de quoi il est précisément question dans
les carnets noirs où Adrian notait quelques-uns de ses actes médicaux, mais
cela remet en question tout ce que Paul avait pensé faire de sa vie. La succession est, au final, un titre
mieux que justifié, nécessaire. Il n’y avait pas que de la légèreté dans les
mouvements d’un pelotari marqué par ses racines fragiles et complexes. Mais il
y a une vraie intensité à partir du moment où le roman bascule, plaçant Paul
face à des décisions liées à l’exercice de la médecine, quand il a accepté
l’idée de reprendre le cabinet de son père, et des décisions aussi éloignées que
possible de ses principes de base. La
succession est un roman qui, dans un sombre ravissement, nous entraîne vers
les abysses.