Grande gueule et provocation
Difficile d’échapper au phénomène Liam Gallagher. D’abord parce que le bonhomme occupait le terrain médiatique par ses frasques ou piques diverses sur Twitter, principalement envers son « potato » de frère (terme qu’il utilise pour désigner Noel). Puis vint le temps de son auto promo et de la sortie de Wall of Glass, premier single un peu balourd et pas très inspiré.
Avec ce premier retour, je dois avouer que je n’attendais pas grand chose du cadet Gallagher. Grande gueule, provocations et phrases choc, je pensais que tout cela composait le fond de commerce de Liam, que son inspiration musicale et ses capacités créatives ne devaient pas dépasser ce qu’il avait produit avec Beady Eye, c’est à dire rien qui puisse faire bouger un orteil de John Lennon.
Et pourtant, ayant été biberonné à Oasis à l’adolescence et conscient que n’en serais pas là musicalement sans les frères Gallagher, j’ai bien suivi l’actualité de Liam avant la sortie de As You Were. Oui je me suis retrouvé à scruter l’arrivée de nouveaux morceaux (et être très agréablement surpris par Bold), à les écouter plusieurs fois, checker la setlist de son concert retour à Manchester, regarder pas mal de vidéos, à trouver son backing band assez mauvais (tempo de batterie aléatoire, solos hasardeux, charisme proche de zéro…). Mais pas au point de me bouger pour ses concerts, et encore moins à pré-commander l’album. Et pourtant, me voilà à minuit pile sur Spotify pour écouter l’album le jour de sa sortie…Jolies balades et vraie part d’authenticité
Et la première impression fût franchement bonne. Les suivantes également. Globalement, je trouve l’album de bonne tenue. Globalement, c’est à dire que tout n’est pas parfait à mon goût. A commencer par le single inaugural. Non je n’aime pas Wall of Glass : très basique, trop formaté radio, ça sent le rock gras qui n’a pas grand chose à raconter. L’album continue sur ce fameux Bold qui avait fuité lorsque Liam l’avait jouée dans un pub en Irlande. Première nouvelle : Liam joue de la guitare ! Et il enchaîne même sur ce qui deviendra When I’m In Need sur l’album.
Ces deux ballades sont assez révélatrices de comment As You Were est constitué. Si Liam assure être un vrai frontman taillé pour le rock, à la différence de son frère à qui il reproche de faire des chansons débiles et ne plus avoir les couilles pour le rock, il n’en est pas moins quelqu’un qui a aussi sa part de sensibilité. Ouais, ça fait un peu bateau et pompeux d’écrire ça, mais on sent une vraie part d’authenticité et de sincérité sur cet album. Ce projet personnel vient des tripes. Cette interview réalisée lors de son passage à Paris en est aussi la preuve. Pour le coup, je pense qu’il est sincère.
Liam ne sait pas faire grand chose de nouveau, mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. Il fait du Oasis qui a bouffé du Beatles, et c’est finalement ce qu’il sait faire de mieux. L’intro de For What It’s Worth semble bien inspirée de I Am The Walrus (titre souvent repris par Oasis en live d’ailleurs), la voix nasillarde de Liam est souvent lennonesque sur les balades acoustiques (Paper Crown, Chinatown).
Ce studio rappellera d’ailleurs les fans de la grande époque…
Et c’est en ça que je trouve l’initiative salutaire : Liam a diversifié sa palette de compétence et est parvenu à sortir du rock parfois trop gras qui pouvait le caractériser. Le rock à guitare n’est toutefois pas absent : Greedy Soul, souvent entendue en live avant la sortie de l’album, se présente comme l’un des piliers rock’n’roll de As You Were aux côtés de I Get By.
You Better Run rappelle à quel point l’arrogance de Liam a son importance en live. Car oui, pour faire du rock qui a des couilles, il faut cette part de provocation dont Liam a le secret et qui en fait un super frontman.
Côté textes, on reste sur du basique, mais on y trouvera ça et là de nombreuses allusions, au point même de se demander si Liam n’a pas voulu écrire toutes les paroles à base de titres de chansons des Beatles ! « Stone cold, Helter Skelter » dans I Get By, « Cause happiness is still a warm gun » sur Chinatown, « Tomorrow never knows » sur All I Need . Avec également une petite pensée pour son frère : « There’s no love worth chasing yesterday » (en référence à Chasing Yesterday, deuxième album solo de Noel). Musicalement, Come Back To Me apporte son petit clavier qui pourrait être emprunté aux Charlatans, et Doesn’t Have To Be That Way apporte des sonorités un peu nouvelles pour Liam, presque Tame Impalaesque sur le refrain.
Bel équilibre pour un retour réussi
Non, tout n’est pas dans l’inspiration et la finesse. Mais As You Were montre un certain équilibre alternant de jolies balades au sens du songwriting indéniable, avec parfois le petit coup de main d’écriture de Simon Aldred du groupe Cherry Ghost (For What It’s Worth) ou le songwriter américain Andrew Wyatt qui a écrit, co-écrit et/ou produit certains pas mal de morceaux, comme en témoigne cette interview. En tous cas c’est un retour réussi, mais par pitié, arrêtons les accroches marketing du style « son meilleur album depuis la fin d’Oasis« . Si si, j’ai vu ça quelque part…
En tous cas, As You Were est un album très plaisant, et largement plus que ce que Noel nous a fait découvrir il y a quelques jours : une chanson à l’inspiration proche du néant, sorte de Vaccines qui reprend « ça plane pour moi », le tout emballé dans une prod super lourde et bien commerciale pour plaire aux radios qui diffusent déjà du U2 et Coldplay en boucle. Beurk !
Liam a désormais plein de projets, le fait de le savoir « back in business » a certainement relancé la machine. Il est certes déçu de la fin d’Oasis, mais assure que c’est Noel qui a splitté le groupe car « Monsieur » voulait tout faire tout seul. Il y a des quantités d’interviews sur le sujet. En tous cas les fans français peuvent se réjouir puisque Liam veut s’installer à Paris :
Entres les paroles et les actes on verra. On a souvent eu de belles paroles, annonçant chaque album d’Oasis comme meilleur que le précédent. Cette fois, la promesse est tenue pour Liam pendant que Noel s’embourbe tranquillement dans la caricature de lui-même, sauvé (pour le moment) par son passé. Une chose est sûre : la guerre est relancée !
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