Aujourd’hui, les algorithmes jugent tout ce que nous faisons, tout cela est mémorisé sur internet, stocké dans des serveur par le « big data », y compris nos erreurs. Cette trace de nous sur le web, ce jugement qui en est fait par la suite, a clairement un impact sur nos vies. Chez iProtego (Agence e-réputation), nous le voyons chaque jour avec nos clients. C’est une réalité. Vos employeurs consultent déjà tous votre e-réputation avant de vous recevoir en entretien. Vos profils Twitter, Facebook et Instagram sont déjà passés au peigne fin par vos proches, ou des connaissances simplement curieuses. Vous êtes espionnés, c’est un fait.
Mais si nous regardons plus loin, quel sera l’impact de cette nouvelle forme de jugement des individus sur notre société ? Voici un début de réponse avec le terme de Social Cooling.
Qu’est ce que le Social Cooling ?
Le social cooling (refroidissement social en français) est un terme inventé par un conférencier néerlandais du nom de Tijmen Schep, fervant défenseur de la vie privée.
Derrière ce terme étrange se cache une réalité assez simple : Si vous vous sentez observé, vous changez de comportement. Le Big Data amplifie cet effet à l’extrême : Cela peut limiter votre désir de prendre des risques ou d’utiliser votre liberté d’expression. Ainsi, l’accumulation de données peut, à long terme, entraîner un « gel » de toute la société.
Le terme Social Cooling vient d’un parallèle réalisé avec le réchauffement climatique. Tout comme le pétrole et autres énergies fossiles nous ont conduit au réchauffement climatique, l’accumulation des données quant à elles, conduisent au refroidissement social. (Social Cooling)
Comment fonctionne le Social Cooling ?
1. Vos données sont converties en milliers de notations différentes.
Avec les progrès technologiques récents, notamment en ce qui concerne le machine learning, les algorithmes sont aujourd’hui capables de « deviner » certaines données à partir d’autres.
Pour schématiser avec un exemple grossier : Vous aimez le foot, vous habitez paris, vous allez souvent au parc des princes, il est probable que vous soyez fan du PSG.
Ainsi, avec suffisamment de données, les entreprises pourront en calculer d’autres (que vous n’avez pas communiqués), et cela avec une précision défiant toutes nos attentes/craintes. Or vous ne serez pas propriétaire de ces nouvelles données puisqu’elles seront le fruit de savants calculs, vous ne les avez jamais transmises. En l’état, elles appartiennent donc aux entreprises qui les ont générées. Pour reprendre notre exemple, la donnée indiquant que vous êtes fan du PSG appartiendra à l’entreprise qui l’a « deviné » et vous n’avez donc aucun droit dessus. Ça commence à devenir dérangeant, non ?
2. Les gens commencent à comprendre que cette « réputation numérique » peut restreindre leurs opportunités.
Pour aller plus loin, imaginez ce que de simples recherches google peuvent révéler sur vous… Très bientôt les entreprises jouant avec du big data vous connaîtront bien mieux que vous-même.
Lorsqu’on comprend que les données que l’on met à disposition des entreprises permettent d’en calculer d’autres qui seront ensuite vendues pour êtres utilisées par tout un tas d’autres sociétés, cela commence à devenir gênant.
Mais le vrai problème est plus loin : Ces données sont ensuite utilisées comme indicateurs pour vous juger. Ce sont les notes qui aideront à la prise de décision tel que l’obtention d’un emploi ou d’un crédit par exemple… Il s’agit déjà d’une réalité !
3. Les gens se mettent à changer de comportement pour avoir de meilleures notes.
Naturellement, lorsque la population comprend que ce qui est laissé sur le web à un impact concret sur le quotidien, la manière de se comporter évolue. Puisqu’il faut avoir l’image la plus parfaite possible pour réussir, alors tout ce qui est potentiellement négatif disparaît.
La conséquence ? Les interactions sociales deviennent lisses : Les avis divergents disparaissent et les gens se tournent vers une forme de mutisme 2.0 …
Quelles conséquences sur notre société ?
Une culture du conformisme
La première conséquence est une certaine forme d’auto-censure. Plus vous donnez d’informations, plus le risque que celles-ci soient utilisées contre vous grandit. Les internautes hésitent donc à poster certaines photos, à commenter, ou même à liker certains statuts facebook par exemple… La liberté d’expression est toujours présente, mais la population utilise alors de moins en moins ce droit.
Une culture d’évitement du risque
Comme le disait le célèbre Theodore ROOSEVELT :
« Le seul homme à ne jamais faire d’erreur est celui qui ne fait jamais rien »
Ce proverbe s’applique particulièrement bien à notre seconde conséquence : Les dangers d’une prise de risque. L’exemple le plus frappant pour illustrer ce propos date des années 90 : Les médecins de l’Etat de NewYork ont commencés à être notés, puis leurs statistiques à être publiées.
Conséquences : Les chirurgiens qui prenaient les opérations les plus critiques avaient des statistiques moins bonnes que les chirurgiens se contentant d’opérations bien moins risquées.
Bilan : A la vue des statistiques, les patients ont fuit les médecins aux mauvaises statistiques pour se tourner vers des chirurgiens avec des taux de mortalité moins élevés… Alors qu’ils étaient peut-être moins bons en réalité ! Face à ce constat, les médecins expérimentés ont alors commencés à prendre moins de risques, afin de préserver la qualité de leurs statistiques… Vous voyez l’effet pervers de la chose ?
Le problème est le même ici. Si toutes nos actions sont enregistrées, stockées en vue d’être évaluées par la suite, alors la tendance sera à prendre le moins de risque possible. Pourquoi poster ce message qui risque d’être mal interprété ? Pourquoi signer cette pétition qui montre que mon avis diverge du reste de la société ? etc… « Pour ne pas s’attirer de problèmes, mieux vaut se taire »
Nous ne sommes certes pas en Chine où l’Etat veut noter ces citoyens en fonction de leur loyauté envers le gouvernement, mais il est clair qu’un système ou chacun est à la fois juge et jugé met en place une forme de pression sociale qui limite notre capacité et notre volonté de contester l’injustice. S’opposer au système c’est se marginaliser, et donc risquer de perdre des opportunités.
Au final, cela créé une société où l’auto-censure et la peur du risque sont la nouvelle norme… Triste. Mais allons plus loin…
Les problèmes que l’absence de vie privée engendre :
Une perte de liberté masquée, mais bien réelle
Certes, en théorie nous serons toujours libre de faire ce qu’il nous chante. Mais dans les faits, cette liberté est-elle réelle si nous n’osons pas l’utiliser ? La France entière, et même le monde entier a montré sa volonté à s’opposer à la censure lors de l’attaque de Charlie Hebdo en Janvier 2015 , pourtant pourra-t-on toujours parler de liberté d’expression si nous n’oserons plus l’utiliser ?
Serons-nous condamnés à utiliser notre liberté d’expression de façon anonyme pour éviter des conséquences sur notre quotidien ?
Quid de l’émergence des points de vue minoritaires ?
Dans une économie créative, les personnes qui osent être différentes sont notre plus grande ressource. Or une société telle que celle qui se dessine tend à faire disparaître ces profils. En effet, comment continuer à créer et à innover dans une société aseptisée à l’extrême ? Comment continuer à promouvoir la créativité si la société toute entière uniformise les individus ?
Et pour aller encore plus loin, quel avenir pour l’émergence des points des vues minoritaires qui permettent de faire évoluer notre société ? Par exemple, le mouvement féministe aurait été probablement bien différent s’il avait émergé dans une telle société, qui enregistre et note les moindres faits et gestes de chacun… Pourtant aujourd’hui il est clair que c’est un mouvement qui a fait évoluer notre société…
Comment pouvons-nous pour continuer à évoluer si nous faisons taire les points de vue minoritaires ?
Quelles solutions à court terme ?
Faute de pouvoir endiguer cette « traque » numérique, la solution sera peut-être d’essayer de dissocier au maximum web et vie « réelle », en se créant une seconde identité sur le web par exemple. Vous avez le droit à votre vie privée, aussi bien dans la vie « réelle » que sur internet. Commencez donc par paramétrer correctement vos options de confidentialités, utilisez des pseudos, et limitez l’envoi d’informations trop personnelles.