"Il faudrait enfoncer un couteau dans la matière des journées, trancher le gras, y découper ce qui seul vous éblouit : a-t-on besoin d'autre chose que de vertige ?"
Incompris, le narrateur-écrivain a écrit un scénario sur Herman Melville intitulé The Great Melville. Malheureusement aucun producteur ne l'accepte. Sur les conseils d'un ami, il décide alors de s'adresser à Michael Cimino. Cimino accepte de le rencontrer à New-York et notre homme fait donc l'aller-retour pour passer une journée aux côtés du célèbre réalisateur de Voyage au bout de l'enfer et de La Porte du paradis. Il lui laisse son manuscrit, confiant, et revient à Paris pour se terrer dans son appartement à visionner encore et encore des films mythiques comme Apocalyspe now. A côtoyer des oeuvres marquantes du cinéma, il espère qu'une étincelle s'allumera et donnera tout à coup un sens profond à sa vie.
"Les ténèbres attendent que nous perdions la lumière ; mais il suffit d'une lueur, même la plus infime, la pauvre étincelle d'une tête d'allumette pour que le chemin s'ouvre : alors, le courant s'inverse, vous remontez la mort."
Il recherche une forme de vérité, obsédé par cette phrase de Melville : " En ce monde de mensonges, la vérité est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc effarouché. " En tant qu'artiste et en tant qu'homme, il tente de trouver sa place dans un monde souvent effrayant et trop grand pour l'humain.
"Au fond, il était possible de vivre : avec les récits, avec toutes les histoires contenues à l'intérieur des récits, on avançait mine de rien d'une île à une autre, on faisait se rejoindre le commencement et la fin, on allait mieux."
Le monde s'offre à lui dans une suite d'aventures rocambolesques, il rencontrera Isabelle Huppert, sera suivi par deux moustachus à l'allure louche, s'inquiètera de la disparition de son ami Tot, perdra son dalmatien dans la ville, rencontrera la conservatrice du musée de la Chasse, pour peut-être, enfin, trouver une forme de lumière.
"A la fin, me dit-il, véritable politique consiste à garder son âme ; et plus simplement encore : à avoir une âme."
A travers cet être indécis Yannick Haenel allume une lumière dans l'obscurité de nos vie, il nous invite à découvrir le sacré sous la patine des jours, à vibrer, pour simplement, survivre digne dans un monde qui chavire.
Tiens ferme ta couronne, Yannick Haenel, Gallimard, juin 2017, 352 p., 20 euros