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Sous le silence, Eugénie, de Frédérique Baud Bachten

Publié le 12 octobre 2017 par Francisrichard @francisrichard
Sous le silence, Eugénie, de Frédérique Baud Bachten

Longtemps, tu n'as été qu'un silence, une suspension dans la phrase, une ellipse. Cette interruption soudaine de la conversation signifiait une présence.

Emilie, la narratrice, découvre Sous le silence, Eugénie, sa grand-mère paternelle. Et ses enfants: Augustin, le fils de personne, Julie, la grande dame, Emile le beau parleur (son père) et Rose, la cadette, morte à vingt ans à peine.

Emilie a fait des recherches pour restituer les vies de ces membres de sa famille, mais elle n'a retrouvé que des bribes. Alors elle a laissé flamboyer [son] imagination : Pour mieux vous servir j'ai préféré vous inventer afin de ne pas vous trahir.

Et ces vies inventées, à partir de riens, sont plus vraies peut-être que des vies réelles, parce que l'auteur aime ces ombres familiales et qu'animée d'un véritable amour pour elles, elle les devine, les fait revivre, pleinement, avec ses propres mots.

Le silence gêné qui entoure l'histoire interdite de sa grand-mère est donc rompu parfois dans une conversation. Et quelqu'un prononce alors la phrase rituelle: "Quelle belle voix elle avait pourtant". Et le fait est que sa religion est un chant :

Oui, c'est un don déraisonnable, reçu du ciel, qui l'enivre et la possède. Il exige d'être le seul: l'amant passionné et le vampire. Il ronge le temps, il est colère et tempête, il est beauté ardente et plaisir sublimé.

Jean a épousé Eugénie, jeune fille de seize ans, qui attend un enfant d'un autre pour la sortir de sa condition infamante, mais il n'admet pas que sa voix puisse être faite pour autre chose qu'honorer Dieu. Un jour, elle n'en peut plus et le quitte:

Elle n'imagine pas un instant ce que son abandon va entraîner de douleur et d'errance chez ses enfants, elle ne sait pas ce qu'elle leur inflige, elle ne veut pas le savoir.

A chacun de marcher vers sa propre destinée.

Ces enfants, en tout cas, ont hérité de la colère sombre de leur père et de la soif de liberté éperdue de leur mère et Emilie raconte que des colères raclent leurs gorges et épuisent leurs poitrines enflammées:

Leurs insoumissions les poussent sur les plus solitaires des sentiers et l'horizon arrive toujours trop tôt au-dessus de leurs têtes levées. La terre ne paraît pas assez vaste sous leurs pas.

Leur père ne peut pas comprendre ses enfants, coureurs de vent. Il n'aura pas réussi à les ancrer dans le foyer qu'il a tenté de leur offrir en se remariant. En vain il les exhorte à la probité et au sens moral et les conjure de s'en remettre à Dieu.

Quoi qu'il fasse, ils restent attachés à celle qui les habillait de musique, éblouis par cette promeneuse du vent et des tumultes, à cette mère fantasque et libre, qui n'admettait de contraintes que celles qu'elle se choisissait elle-même...

Emilie sait maintenant qu'elle a de qui tenir et ce qu'elle doit en retenir... Au terme de sa quête, elle pose la question: Que portons-nous dans nos cellules des frasques et des mérites de nos ancêtres? et esquisse une réponse:

Peut-être est-ce à nous de choisir ce que nous voulons qu'ils soient...

Francis Richard

Sous le silence, Eugénie, Frédérique Baud Bachten, 108 pages, Samizdat


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