[Critique] Detroit

Par Wolvy128 @Wolvy128

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. A Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis 2 jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd…

Nouvelle réalisation de Kathryn Bigelow (Démineurs, Zero Dark Thirty), Detroit est un film qui avait tout pour plaire sur le papier mais qui se révèle au final particulièrement décevant, la faute en grande partie à un scénario manquant cruellement de relief. Beaucoup trop simpliste dans son approche narrative, le long-métrage échoue en effet totalement à apporter un véritable regard sur cette tragique période de l’histoire, se contentant du début à la fin d’illustrer les événements plutôt que de les raconter. Certes, le script prend bien la peine d’installer le contexte du récit, de manière inutilement longue d’ailleurs, mais sa simplification à outrance le rend en définitive incroyablement inoffensif, là où il aurait justement pu offrir une réflexion intelligente sur les raisons et les stigmates du conflit. L’écriture du flic interprété par Will Poulter – complètement à contre-emploi – est d’ailleurs parfaitement représentative de cette absence d’épaisseur dramatique. Caractérisé uniquement comme le méchant pur et dur, il ne raconte absolument rien sur les forces de l’ordre de l’époque, le racisme généralisé ou les violences policières. Pire, il ne constitue qu’un vecteur de la brutalité policière, ressort récurent d’un thriller en réel panne d’audace.

De manière générale, les protagonistes ne brillent d’ailleurs pas par leur profondeur, se résumant pour la plupart à des personnages fonctionnels, intervenant seulement dans l’histoire pour faire naître un sentiment spécifique. Un procédé décevant qui aurait toutefois pu passer si les ficelles n’avaient pas été aussi évidentes. Même dans sa volonté de nuancer ses propos, le film se montre effectivement trop mécanique et artificiel. A l’image par exemple de ses quelques policiers honnêtes intégrés maladroitement au récit pour venir contrebalancer l’image trop négative des forces de l’ordre. Malgré ce constat fort peu réjouissant, le long-métrage n’est pas dénué de qualités et peut, notamment, s’appuyer sur une mise en scène immersive. Tourné quasiment intégralement en caméra à l’épaule, dans un style nerveux très proche du documentaire, le film nous plonge en effet de plein fouet dans le Detroit de la fin des années 60. Sans être un amateur du genre (la caméra bouge beaucoup trop à mon goût), il faut néanmoins reconnaître l’efficacité du processus et sa contribution au rythme. Enfin, coté casting, malgré le peu de consistance des personnages, Will Poulter, John Boyega et surtout Algee Smith parviennent tout de même à tirer leur épingle du jeu.

Plus qu’un mauvais film, Detroit est donc surtout une véritable déception. Manquant atrocement de relief, le long-métrage reste complètement en surface, se contentant d’illustrer les événements plutôt que de les raconter. Il en découle une œuvre insuffisamment nuancée, utilisant la violence policière comme un vulgaire ressort dramatique.