Samedi 30 septembre et Dimanche 1 octobre, la comédie musicale de Jacques Demy a fêté son demi-siècle dans la grande salle étoilée du Grand Rex à Paris. Retour sur l'événement.
Sorti en 1967, Les Demoiselles de Rochefort est une œuvre phare du répertoire du réalisateur mythique Jacques Demy, ainsi qu'évidemment de son " frère jumeau " le compositeur Michel Legrand, comme il aime à s'appeler. Le film devenu culte ne se présente plus, notamment grâce au succès de la Chanson des jumelles, chantée à tue-tête dans les cours de recréation depuis plusieurs décennies maintenant.
Les Demoiselles de Rochefort perdure. Après Les demoiselles ont eu 25 ans, documentaire d' Agnès Varda, épouse du cinéaste, tourné à l'occasion de la fête organisée par la ville de Rochefort en célébration des 25 ans du film, c'est au tour du Grand Rex de rendre hommage au long-métrage.
Salle comble 50 ans après
C'est dans une salle comble que débute le spectacle. 50 ans après, la comédie-musicale attire encore les foules. Bérets colorés, petites robes pastels, uniforme de marin, et même trois demoiselles en costumes de Delphine et Solange, les fans de la première heure ont su honorer cet anniversaire à leur façon.
Un concert de Michel Legrand, au piano, débuta la soirée, accompagné d'un big bang d'une dizaine de musiciens jouant un nouvel arrangement exclusif de la bande originale du film, La Suite des Demoiselles, un medley aux accents jazzy. Le penchant naturel de Legrand pour le jazz est facilement décelable dans la composition originale du film, en particulier sur la Chanson de Solange. Cet ascendant est ici exploré à son paroxysme pour atteindre une partition entièrement musicale, sans parole, s'échappant parfois vers le free jazz, mais sans jamais dénaturer l'œuvre originale. Cette nouvelle interprétation lui a valu une standing-ovation de l'auditoire.
Bravo Michel Legrand et son big band. @melodygardot @LWILSONOFF Magique ! @LeGrandRex merci @Antoine_iop pic.twitter.com/6dHad2FKEg
- Pascal Tallon (@pastallon) 30 septembre 2017
Le compositeur a ensuite invité Lambert Wilson et Melody Gardot sur scène, à la surprise générale, afin d'interpréter en duo la Chanson de Maxence et sa reprise anglophone par Bill Evans en 1977, You Must Believe in Spring. Interprétation " improvisée " selon les dires de Legrand, les deux chanteurs ont délivrés une jolie performance, aussi inattendue qu'appréciée.
Séance de dédicace
Durant l'entracte, le Grand Rex avait prévu une séance de dédicace avec le célèbre musicien mais devant la gigantesque attente, nombreux sont ceux qui ont renoncé, s'ajoutant à cela qu'il fallait acheter une affiche de l'événement pour pouvoir obtenir sa signature. Seuls quelques chanceux ont pu repartir avec leur autographe, la foule étant tellement compacte qu'il était même difficile de se mouvoir.
En fin de soirée, la projection du film en version restaurée a été précédée d'une entrevue avec le compositeur, accompagnée d'extraits du documentaire d'Agnès Varda, notamment de charmantes séquences du tournage filmés par Legrand lui-même, ainsi que d'extraits des maquettes des chansons. Le musicien fit à l'époque jusqu'à 40 propositions par chanson à Demy. " Voilà ce à quoi vous avez échappé " nous rétorque-il alors que nous venons d'entendre une version jazzy au possible de la Chanson des jumelles, très symptomatique du style Legrand. Il a promis de revenir pour le centenaire de son film.
Le réalisateur de Lalaland de la partie
Enfin, on apprend que Damien Chazelle a écrit la préface du prochain livre de Michel Legrand, le second tome de son autobiographie coécrite avec Stéphane Lerouge, rendant lui aussi hommage à l'artiste en déclarant qu'il n'aurait pas fait de cinéma sans Demy et Legrand. Une évidence lorsque l'on regarde la séquence d'ouverture de son désormais déjà célèbre film La La Land, directement inspirée de la séquence des camionneurs en introduction des Demoiselles de Rochefort.
De plus, Chazelle avait décidé en janvier dernier de faire la première avant-première du long-métrage à Paris dans l'optique d'y inviter Legrand, afin qu'il soit l'un de ses tout premiers spectateurs. Chazelle a voulu retranscrire, à travers La La Land, l'harmonie entre gaité, légèreté et drame, mélancolie présente dans les films du duo. A en voir le succès retentissant de la comédie musicale avec Emma Stone et Ryan Gosling, le duo Damien Chazelle et Justin Hurwitz, son compositeur, pourrait bien devenir leurs successeurs, du moins on leur souhaite.
Hanna Giffard