Lundi, 30 Juin 2008 16:54
Un problème démocratique majeur, dans la forme et sur le fond Par Corinne LEPAGE
La révolution de l'audiovisuel qui est en marche en France pose un problème démocratique majeur dans la forme comme dans le fond, sur le plan politique comme sur le plan économique et sociétal.Dans la forme tout d'abord, puisque c'est le choix du Président de supprimer la publicité sur les chaînes publiques qui a entraîné la mise en place de la commission Copé chargée de répondre à l'exigence présidentielle. Or, cette décision initiale qui pourrait trouver sa source dans le désir d'améliorer le service public, a surtout pour effet de complaire à TF1, chaîne en perte de vitesse, mais mise dans la nécessité de renforcer sa valorisation dans le cadre du grand meccano permettant la prise en main de l'industrie nucléaire française par Bouygues.
La réaction de la Bourse à cette suppression, permettant d'accroître la manne publicitaire de TF1 ne s'est du reste pas faite attendre.
Mais l'avantage de TF1et plus modestement des autres chaînes privées n'est pas seulement sur l'augmentation de la publicité. Au moment où le service public va devoir séduire davantage, il est affaibli, en toute connaissance de cause, puisqu'aucune sécurité sur son propre financement n'est assurée.
En effet, les solutions de taxation des chaînes privées et d'acccès à internet envisagées sont juridiquement fragiles de telle sorte que rien ne prouve qu'elles seront menées à bien et que la compensation sera totale, voire même partielle.
Lorsqu'en janvier , la publicité sera supprimée entre 2h et 6h du matin, privant la télévision publique de 280 millions d'euros, la question risque de n'être pas tranchée définitivement, laissant la programmation dans l'incertitude. Compte tenu de l'état des finances publiques et du pouvoir d'achat, la solution ne sera ni dans l'augmentation de la redevance, ni dans celle d'une subvention. D'où la quasi-disparition de FR3 nationale, envisagée par la commission Copé et la perte de moyens des autres chaînes publiques.
A cette mise en coupe réglée financière s'ajoute désormais la mise en coupe réglée politique.
Le tollé suscité par l'annonce de la nomination du Président des chaînes publiques par le Président de la République est plus que justifié. Un parfum d'ORTF viendrait s'ajouter à des exemples peu glorieux d'information très peu objective, voire de propagande et constituer une menace évidente pour le pluralisme politique ( il suffit de comparer les programme de TF1 et ceux de Canal par exemple...pour avoir une idée de ce qu'est l'information et de ce qu'elle n'est pas). Si on ajoute le temps de parole du Président de la République non pris en compte par le CSA, la situation française serait unique dans un pays classé comme démocratique ( à l'exception de l'Italie Berlusconienne). La bonne vieille pratique du copinage politique et du verrouillage subséquent deviendraient ainsi la règle, en sus des exemples récents , licenciement , mise au placard ou au contraire promotion de journalistes ,qui pourraient illustrer,-dit-on- un certain activisme présidentiel dans ce domaine.Sans moyens et sans autonomie-on n'ose employer le gros mot d' »indépendance » de la presse, le service public n'est guère promis à un brillant avenir . Redevenu la voix de son maître, la télévision publique mise dans l'impossibilité de fournir des programmes de qualité servira de faire-valoir aux multiples émissions de variétés et de télé réalités, devenues les « circences »contemporains chargés de détourner nos concitoyens des réalités de leurs quotidiens aux quels les mêmes, publiques et privés, ne sont pas étrangers.
Mais malheureusement, ces atteintes envisagées à la liberté de l'information et de la presse ne sont pas les seules, à tel point que l'on peut s'interroger sur le point de savoir si ce n'est pas, en réalité,un système global de contrôle qui se met en place.
Sur internet tout d'abord, par le projet de loi liberticide qui sous couvert de protéger l'œuvre intellectuelle met en place un système de flicage des internautes et de sanction qui pourrait un jour s'étendre à d'autres domaines. Dans le domaine du renseignement en proposant dans le cadre du livre blanc sur la défense, la mise en place d'un service dédié à la communication et couvert par le secret défense permettant ainsi bien sûr, et c'est légitime, de couvrir la communication et l'échange d ‘information dans la lutte contre le terrorisme ou le piratage des secrets industriels mais aussi de faire de l'espionnage tout à fait anti démocratique à l'abri de tout regard...
Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'état de la presse écrite est dramatique, alors qu'elle constitue un rééquilibrage du bourrage ou du vidage de tête éventuel.
Comment dans un tel contexte parler de démocratie, alors que plus que jamais l'information est la mère de toute réflexion et donc de tout choix.
Une seule réponse possible : considérer que telle ne peut pas être la volonté de l'Exécutif et aller jusqu'au bout des logiques que la rupture annoncée pourrait générer
Par exemple, si le service public n'est alimenté que par des fonds publics, c'est aux citoyens de choisir les responsables des chaînes et de pouvoir influer sur les programmes. C'est donc au Parlement de nommer les responsables, voire de définir les contreparties d'intérêt général.
Si les chaînes privées sont ainsi favorisées, les règles élémentaires d'évitement des conflits d'intérêt consistent à leur fermer les marchés publics....
Alors peut-être, à défaut de reconnaître le pluralisme politique comme un principe constitutionnel, le Parlement aura à cœur de voter une réforme de la télévision publique qui garantisse la qualité des programmes, la liberté de l'information, l'équité politique et la compréhension par nos concitoyens des enjeux contemporains.
Corinne LEPAGE
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