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La Présidence française: Le Jour J

Publié le 30 juin 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Lundi, 30 Juin 2008 17:27
La Présidence française: Le Jour J

"L'Europe, cette Emmerdeuse", le livre que Daniel RIOT a écrit en collaboration avec Sandrine Kauffer et qui reste en vente dans les bonnes librairies (city editions), s'ouvre une Lettre ouverte au Présidence Sarkozy dans la perspective de la Présodence française du Conseil de l'Union européenne. Depuis la sortie de cet ouvrage, le "NON" irlandais a compliqué les choses pour la diplomatie française. Il a surtout renforcé l'urgence nécessité mise en relief dans cet ouvrage: celle de réconcilier les citoyens et cette fantastique aventure politique collective d'un continent. Nous publions ici cette Lettre ouverte qui, dans l'Europe cette Emmerdeuse", précède les préfaces de Bernarb-Henry Lévy et d'André Glucskmann
Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy
Réconciliez de Gaulle et Monnet

La Présidence française: Le Jour Jpar Daniel RIOT
Monsieur le Président de la République,
Cette « Lettre ouverte » n'est qu'une démarche citoyenne. Dans « l'Europe, cette emmerdeuse »,  je tente, à travers des conversations avec Sandrine Kauffer, de montrer que l'aventure européenne est d'abord une entreprise vécue en « chair et en os », avec le coeur, l'esprit et les tripes et que le  Désir d'Europe reste l'un des moteurs de ce XXI ième siècle naissant.  
Ce livre est donc une exhortation adressée à celles et à ceux qui  ont en charge l'héritage des « Pères de l'Europe » : assumez ce « devoir d'audace », cet « héroïsme de la raison », ce « courage de l'arrachement à la quotidienneté » dont nous avons tant besoin.
La « maladie  d'Europe » dont souffre la France  est d'abord un ... « mal français » qui exige des remèdes politiques. Cela me fait prendre au pied de la lettre deux expressions par vous lancées lors de votre message de vœux aux Françaises et aux Français en ce début d'année 2008.
« Une politique de civilisation », avez-vous promis. Vaste dessein dont les dessins restent à préciser.
« Une nouvelle Renaissance » avez-vous souhaité. Un bel objectif qui est aussi celui de cet ouvrage qui se veut témoignage autant qu'essai.
Vous dégagez ainsi un bel horizon alors que vous allez assumer une Présidence de l'Union européenne visiblement préparée avec soin.  
« Politique de civilisation » ... La France ne peut la mener que par l'Europe
« Renaissance »... Elle  ne peut être qu'européenne.
Mais permettez-moi, Monsieur le Président de la République, ne laisser affleurer quelques interrogations.

Cette « politique de civilisation » me permettra-t-elle de mieux reconnaître « la France que j'aime » dans votre manière d'incarner « notre cher et vieux pays » ? Nous permettra-t-elle d'atténuer les effets négatifs de cette ère d'une pipolisation plus médiacratique que démocratique, de  cette période du paraître plus  que de l'être, de ces temps marqués par l'accroissement des inégalités, les confusions des genres,  et surtout cette « montée de l'insignifiance » qui atteint des sommets ?
Dans cette « politique de civilisation », le personnalisme et l'esprit de résistance qui dominent cet ouvrage s'opposeront-ils  à cet « individualisme possessif de masse » qui caractérise ce début de siècle et risque d'aboutir à une « massification des individus » et au triomphe d'un « économisme » plus mû par un esprit de compétition que par la volonté de remettre l'homme au cœur et en finalité de toute action ?
Dans cette « Renaissance », l'expression si pertinente du général de Gaulle, « l'Europe sera un levier d'Archimède pour la France » saura-t-elle trouver tout son sens ?
Saurez-vous pousser l'Europe politique jusqu'à son seuil d'irréversibilité et donner à  l'Europe ce qui lui manque le plus : les moyens de ses ambitions ? Réussirez-vous, surtout, à donner au Traité de Lisbonne un contenu qui soit plus générateur d'enthousiasme populaire et d'espérances que le contenant ? Un cadre est tracé, mais quel sera le tableau ? Votre responsabilité est évidemment engagée.  
Pour l'heure, vos élans européens ont installé un trouble qui ne demande qu'à  être dissipé. Quelques constats négatifs m'ont rendu pessimiste, en effet.
Faire de Tony Blair un « grand européen », ne relève-t-il pas davantage d'un compliment trop flatteur que d'une appréciation réaliste ?
Etait-il judicieux d'adresser de chaleureuses félicitations à Poutine pour son sens de la démocratie alors qu'il muselle ses oppositions d'une façon qui suscite la réprobation de l'Union européenne, de l'OSCE et du Conseil de l'Europe ?
N'était-il pas aventureux de se réfugier derrière des notions géographiques contestables et de laisser percer une peur de l'Islam pour trancher prématurément une « question turque » si complexe ? Est-il possible que vos conseillers aient oublié que cette Europe, mère de la borne, du tracé et des limes, est aussi fille d'une transfiguration de la notion de frontière ?
« L'Europe est capable de mériter son avenir, en refusant le repli de ses particularités, réelles ou mythiques ». Dans les « labyrinthes de la complexité », les inévitables  schématisations politiciennes peuvent être à l'origine de contre sens très négatifs. Cette « Question turque » mérite un double débat, sur le futur de la Turquie et sur celui de l'Union. Et ce débat ne peut se clore par le seul « droit au dernier mot » des détenteurs, des locataires, du pouvoir.
N'est-ce pas  manquer de réalisme et de simple bon sens de ne pas tout faire pour que la compréhension franco-allemande se traduise par une coopération accrue et une concertation permanente entre Paris et Berlin, dans tous les domaines et à tous les niveaux ?
En donnant l'impression de jouer les « cavaliers seuls» en trop d'occasions, ne serait-ce qu'à des fins médiatiques, ne prenez-vous pas le risque de  compromettre vos ambitions pour une France forte et écoutée dans une Europe influente ?
Vous n'ignorez pas que nos faiblesses nationales inévitables ne sont en rien compensées par une arrogance mal placée, et à juste titre, sévèrement jugée par nos partenaires. Une «Europe européenne » n'est pas, par définition, une  « Europe... française ».
À ce propos, vos services ont-ils bien saisi à quel point la Présidence française de l'Union, est une responsabilité nationale mise au service de l'ensemble de l'Europe et non un privilège semestriel qui permettrait à la France de tirer parti de l'Europe sans autre souci que ses propres intérêts à court terme ?
Vous n'êtes pas sans savoir M. le Président, que ce seront nos partenaires européens qui jugeront du degré de réussite de votre Présidence, et non les Français.
Dans la même optique, votre grand dessein d'une Union méditerranéenne, ce projet qui avait tant et si bien mobilisé, entre autres, l'esprit de Paul Valéry, sera-t-il conçu dans le respect et l'enrichissement des solidarités euro-méditerranéennes  de l'Union européenne ? Cette Mer Méditerranée  devenue un grand lac est la matrice de cette Civilisation européenne ne se cantonne pas qu'à ses pays et ses peuples riverains...
D'autres constats très positifs m'ont au contraire, fort heureusement, incité à l'optimisme. A tel point que mes commentaires sur votre discours au Parlement européen  notamment  ont été perçus comme très élogieux à votre égard contrairement à la tonalité générale des revues de presse.
En vous écoutant, ce jour là, j'ai eu la confirmation du bien-fondé d'une de mes intuitions. Pour  que l'Europe connaisse son indispensable « Renaissance » et fasse mentir  Paul Valéry (« Nous autres civilisations savons que nous sommes mortelles »), il est urgent et impératif de réconcilier les philosophies d'action et les conceptions de l'unité européenne du Général de Gaulle et de Jean Monnet. Cette longue Lettre ouverte  vise surtout  à vous encouragez à être l'Homme de cette Réconciliation.
Je ne vais pas ici revenir sur ce qui a uni et divisé ces deux personnages  qui occupent dans l'Histoire de la France des places distinctes mais complémentaires, et qui ont eu des divergences plus tactiques  et psychologiques que réelles et idéologiques.
Monnet pensait que le redressement de la France et l'unification de l'Europe devaient être menés de conserve. Le Général voulait d'abord assurer le redressement de la France avant de se lancer dans  l'unification de l'Europe, une unification qu'il prévoyait en 1963  pour « dans 50 ans, peut-être »... Nous y sommes !
Concilier - ou réconcilier - Monnet et De Gaulle, qu'est-ce que cela veut dire aujourd'hui ?
1) Une « Europe européenne » au service d'un monde multipolaire organisé suppose des Européens qui s'aspirent plus à être « dirigée par une Commission américaine ».Cela implique une  Europe  capable d'assumer effectivement, dans le respect de ses alliances mais d'une manière autonome,   sa sûreté  intérieure et extérieure.
Vous avez, Monsieur le Président, des projets sur ces deux terrains. Vous avez raison d'en faire des priorités. Ne serait-ce que parce que « l'épée reste l'axe du monde ». L'Europe politique sera claire, lisible, ou ne sera pas. Elle devra surtout rester une communauté de valeurs qui ont du sens. L'Europe de la défense, de la police, de la justice et de la protection civile constitueront de vraies  épreuves de vérité : sécurité, liberté et droits de l'homme doivent être soudés, indissociables, plus  que jamais. .
2) Le Traité de Lisbonne, malgré ses insuffisances, peut réussir à concilier « l'Europe des nations » ou des « patries » et « l'Europe communautaire » ou « intégrée ». « Le mot supranational est un mot que je n'aime guère », disait d'ailleurs Jean Monnet, trop souvent caricaturé... La guéguerre autour  du mot « souveraineté », qui n'a pas le même sens dans toutes les langues doit être dépassée.
L'Europe est même, aujourd'hui, un moyen pour les Etats membres de sauvegarder ou de recouvrer une souveraineté effective amputée par les phénomènes de globalisation et de mondialisation.
La fin de cette fausse querelle plus  d'ordre théologique que politique suppose une adhésion des peuples au processus d'unification. Comme le soulignait De Gaulle : « Cette Europe prendra naissance si ses peuples, dans leurs profondeurs, décident d'y adhérer »
Cette adhésion  peut se faire  si l'Union européenne cesse d'être considérée comme un bouc émissaire et  si la dimension européenne est développée sur le plan infranational, au niveau des villes, des régions et de la nation. Vous trouverez dans ce livre plusieurs propositions allant dans ce sens : les affaires européennes ne sont plus des affaires intérieures. Partagez-vous cette opinion ?
3) Vous avez obtenu la création d'un Comité des Sages chargé de réfléchir au futur européen. Cet « Objet politique inédit » qu'est l'Europe exige des révolutions mentales et intellectuelles qui doivent commencer dans les écoles, dans les programmes scolaires et universitaires. Là se montrer « sage », c'est se montrer audacieux.
La France prendra la tête de la « nouvelle Renaissance » si elle est en flèche dans ce domaine si essentiel. Une « politique de civilisation » est d'abord une politique de culture et d'éducation. Quelles mesures comptez-vous prendre  pour développer cet « esprit européen » qui est d'abord d'ordre philosophique et culturel ?
4) Cet « objet diplomatique inédit » qu'est aussi l'Europe allie les conceptions de « l'intégration » chère à Monnet et à Schuman et celles de la « coopération » prônée par le général de Gaulle. Concrètement cela doit se traduire par un renforcement des moyens du Conseil de l'Europe dont les activités sont fondées sur la coopération intergouvernementale.
Il est regrettable que le traité de Lisbonne n'ait pas clarifié davantage le partage des tâches, des compétences, des missions et des moyens entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe.
Un signe fort serait évidemment donné par la France si «  Strasbourg l'Européenne » devenait une vraie cause nationale avec tout ce que cela implique. Et si le rayonnement de l'Europe A Strasbourg et de l'Europe De Strasbourg, creuset d'une « Renaissance »  et outil d'une authentique « politique de Civilisation », était accru. Au-delà des déclarations péremptoires du style « le statut de Strasbourg est intouchable », que préconisez-vous ?
5) L'Europe peut se faire à plusieurs vitesses. Elle se fait d'ailleurs déjà depuis 1950 selon ce schéma. Mais elle ne peut en aucun cas se faire « à la carte ».Il peut y avoir du différé mais non du différent.
Surtout, personne ne doit pouvoir ralentir ou arrêter la marche des autres vers davantage de cohérence, de progrès et d'efficacité. Les règles communes s'appliquent à tous. Tout au plus faut-il prévoir des modules d'action à options qui s'ajoutent au tronc commun. Des « accords partiels », selon la formule de Pierre Pflimlin. Des « coopérations renforcées » dit-on aujourd'hui. L'Europe sera structurée et cohérente ou ne sera pas.
Sur ce point, Monsieur le Président, une difficulté vous attend. Au-delà des divergences qu'ils ont pu avoir, Monnet et De Gaulle avaient les mêmes appréhensions face au Royaume-Uni qui, conformément au jugement de Churchill, « choisira toujours le grand large ». « Vous verrez qu'ils vont tenter de détruire de l'intérieur ce qu'ils n'ont pas réussi à empêcher de l'extérieur », avait dit De Gaulle à Peyrefitte. « Avec les Anglais, il faut travailler, biens sûr, mais il ne faut surtout pas leur faire de concessions », avertissait Monnet.
Trop de concessions ont déjà été faites dans la préparation du traité constitutionnel et dans l'élaboration du Traité de Lisbonne. Nous devons désormais  placer nos amis anglais en face de choix clairs. Une Europe « à l'anglaise » serait encore moins « européenne » qu'une Europe « à la française »... Comment conciliez-vous ce constat avec une autre réalité : aucune « Europe de la défense »' ne peut sérieusement être envisagée sans une participation britannique ?
6) « C'est la sauvegarde de notre civilisation, de notre culture qui est aujourd'hui l'enjeu majeur. », disait Jean Monnet dont les Mémoires éclairent encore notre avenir. Des mots qui convergent avec les vôtres. La question-clef n'est plus « faut-il faire le pari de l'Europe ?», mais « quels paris faut-il faire pour l'Europe ?». L'enjeu n'est plus « faire l'Europe sans défaire la France », mais « mieux faire l'Europe pour parfaire la France » Au niveau national, cela ne doit plus se  traduire  par « quelle politique française face à  l'Europe ? », mais « quelles politiques françaises pour l'Europe ?». Quelles leçons en tirez-vous ?
7) Pour faire triompher ces politiques, il importe d'avoir conscience que l'Europe n'est pas la « purée de marrons » que redoutait De Gaulle... Cette définition de Jean Monnet reste un Code de conduite : «  L'intégration, ce n'est pas de se fondre les uns dans les autres, se perdre dans une union fusionnelle qui n'existe pas même dans les mariages d'amour. L'intégration, c'est intégré le grand jeu social de la reconnaissance mutuelle des uns et des autres ».
La génération de celles et de ceux qui ont compris que « l'Europe est une grande patience » et les jeunes de la  première vraie « génération Europe » qui manifestent une légitime impatience se retrouvent d'accord sur un constat confirmé par nombre d'études d'opinions et développé dans ce livre : « Les offres d'Europe des responsables politiques  sont  pas à la hauteur des attentes d'Europe de la majorité des citoyens. »
Ces « offres d'Europe » dépendent  en grande partie de vous. Et des résultats de vos rendez-vous avec l'Histoire. Quelles réponses pouvez-vous apporter aux nombreuses questions formulées dans cette longue lettre ?  « L'Europe cette emmerdeuse » a bien des vertus trop sous-exploitées. Que vos actions d'aujourd'hui puissent se faire en « mémoire de demain »....
En vous remerciant pour votre attention, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en  mes sentiments les plus respectueux.
Daniel RIOT

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