Antony Hegarty est avant toute chose une voix. L'une des voix du XIXème siècle sans l'ombre d'un doute. Ensuite, cette voix est celle d'un homme qui a toujours voulu être ce qu'il n'a pas eu la chance d'être à la naissance : une femme. Une femme qu'il s'est depuis tout temps senti être au plus profond de son corps et de son âme.
Dès lors, impossible de passer outre cet aspect si personnel d'une artiste - puisque, dorénavant, Antony Hegarty est officiellement devenu la femme qu'il espérait tant devenir - totalement envahie par son art tout autant que son être.
On comprend alors aussi pourquoi son projet classique avec le groupe The Johnsons, après quatre œuvres chacune magistrale pour des raisons diverses, a été arrêté pour un second et nouveau projet, cette fois-ci dans un version carrément électronique. Retour sur cinq albums qui sont autant de chapitres dans une vie qui, jusqu'ici, ne semble pas souffrir de la moindre erreur ni errance.
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Pourtant, l'éponyme Antony And The Johnsons, souvent relégué au rang de simple " premier album " dévoilait bien plus que de simples prémices aux chefs-d'œuvre qui allaient immédiatement lui succéder. À tel point qu'il serait même plutôt superflu de vouloir en dégager des moments-phare : les dix titres, aussi percutants qu'intimistes, aussi profonds qu'humbles, ne se cachent finalement que derrière un seul défaut esthétique - et encore, ce n'est qu'une question de goût personnel, pour preuve le pied de nez que sera le quatrième et dernier avec sa pochette digne des faits divers altermondialistes -, lequel détonne dans une discographie finalement parfaitement entamée.
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Il m'est difficile, très honnêtement, de vous dire vers quels titres vont mes préférences tant c'est un album homogène en terme de qualité et d'efficacité. De même, les participations externes sont en parfaite symbiose avec le groupe : ainsi, Devendra Banhart est au chant sur " Spiralling " (à noter qu'il joue également de la guitare sur " You are my sister "), Boy George sur " You are my sister ", Lou Reed sur " Fistful of love " (sur lequel il joue aussi de la guitare et dont le titre est une référence directe à un poème de Marc Almond intitulé " L'esqualita"), Rufus Wainwright sur le très court " What can I do ? " ou encore Julia Yasuda sur " Free at last " qui s'occupe du code morse et lit plutôt qu'elle ne chante un poème anonyme. [...] lire la suite
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Le clin d'œil est poussé à l'extrême avec l'inclusion dans le livret d'une photo de Julia Yasuda. Cette fois-ci, je ne peux pas oublier de mentionner un titre en particulier : non pas qu'il soit meilleur que les dix autres, mais son titre " Kiss my name " m'a marqué dès le début et, encore aujourd'hui, m'éblouit de sa précision pourtant émouvante que seul Hegarty est capable d'atteindre avec une simplicité a priori évidente. [...] lire la suite
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Attention à " Violetta " est très bref mais très beau, même si sa légèreté semble le perdre entre " I'm in love " et l'éponyme " Swanlights ". L'ambiance de l'album, et plus encore du titre lui-même est ainsi planté. C'est d'ailleurs le morceau central, en sixième position sur les onze titres au total. Il bénéficie, de plus, d'une petite introduction, avec " Violetta ". L'ours Swanlights, malgré sa force, est finalement tout aussi fragile qu'une fleur.
" Thank you for your love " retrouve cette ambiance de début d'album, et fait un très bel écho à " I'm in love ". Saxo et trompette apporte à la vie de cet amour très bellement chanté une chaleur que l'on ressent rarement chez Antony And The Johnsons. Le final est presque extatique...
Björk vient reformer un duo avec Antony sur " Flétta " (sur l'album de l'Islandaise Volta, ils avaient déjà partagé leur talent et mélangé leurs voix sur " The dull flame of desire " et " My juvenile "). [...] lire la suite
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Hopelessness fait du bien, et renouvelle profondément la musique de cette artiste qui, autrement, aurait commencé à stagner dans un style trop cloisonné. Alors que, dorénavant, il semble évident que toutes, absolument toutes les portes seront ouvertes pour elle. [...] lire la suite
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En cette année 2017, difficile de médire le choix de l'artiste d'avoir abandonner The Johnsons. Anohni lui va définitivement comme un gant. À tel point que la candeur de l'EP Paradise, véritable appendice à l'album de l'an dernier, ne provoque finalement qu'une chose chez nous : accentuer la hâte d'écouter l'album numéro 2. S'il est incontestable qu'Antony Hegarty est l'une de voix majeures de ce siècle, il en devient tout aussi indéniable qu'il s'impose déjà, et quels que soient le pseudo derrière lequel il se cache ou le clivage homme-femme (aussi flagrant en musique qu'ailleurs, si ce n'est davantage encore), comme l'un(e) des artistes de notre temps.
(in heepro.wordpress.com, le 11/10/2017)