« L’accomplissement sera le privilège de ceux qui prendront leurs désirs pour la réalité »…Vaste projet que nous propose Francis Huster dans cet ouvrage ! Francis est un combattant. Il est pour moi la synthèse entre Cyrano de Bergerac, un guerrier qui ne reculait devant rien ni personne, et Don Quichotte le chevalier idéaliste et généreux. Deux héros qui ont du panache.Francis Huster est un homme engagé, un citoyen de ce monde dont il est un observateur sensible et avisé. Il est incapable de rester indifférent à quoi que ce soit et ses prises de position, parfois abruptes, sont le plus souvent frappées du sceau du bon sens… Si je fais référence à Cyrano et à Don Quichotte, ce n’est pas fortuit. Dans cet ouvrage dont, c’est à souligner, le titre est un alexandrin, Huster nous incite à « redevenir des combattants et à « réhabiliter l’esprit d’aventure ».Déjà, à la base, il faut préciser une chose : il n’est dupe de rien. Il sait bien que « la vie n’est pas spécialement belle » et qu’« elle est même souvent moche ». Il ne tombe pas dans un angélisme béat. Car ce n’est pas parce qu’il est lucide sur la brutalité de ce monde qu’il ne faut pas renoncer à l’épanouissement personnel. Bien au contraire !
Tout au long de ces 200 pages, utilisant énormément l’impératif, il est dans l’exhortation. Francis ouvre grand les vannes de sa révolte et l’eau qui s’en écoule n’est pas tiède. En fait, il nous remonte carrément les bretelles. C’est un passionné et son écriture le démontre. Il a le sens de la formule, de la phrase qui frappe et se complaît à jouer avec les mots. Il les aime tellement les mots ! Il parvient même parfois à succomber à un petit travers : exagérer un tantinet rien que pour le plaisir d’un bon mot. Voir un comédien émettre des sentences à « l’emporte-pièce », c’est tout de même paradoxal !
Ce livre est un mode d’emploi. D’emploi de soi d’abord. Puis de soi par rapport aux autres et à la société. Tout en assumant son intention philosophico-pragmatique, il ne nous fait pas du Francis austère. Loin de là. Il est bien plus dans l’encouragement et le conseil que dans la critique ou le mépris. En nous secouant ainsi, en nous incitant à garder les yeux bien ouverts, et en nous recommandant d’être nous-même, il nous tire vers le haut.Je me suis essayé à compiler quelques phrases-clé qui, d’après moi, résument la pensée de l’auteur :
Il faut commencer par s’aimer soi-même ; oser être soi ; donner libre cours à ses instincts ; avoir le goût de l’exploration, du risque, de la nouveauté ; ne pas avoir de regrets ; s’abandonner au plaisir de la transgression ; pour savoir vivre, il faut être joueur ; lutter contre la résignation ; savoir accueillir l’imprévu ; il incombe de laisser une trace ; les rieurs sont les enchanteurs du monde (en cela, il m’a fait penser à « Au nom de la rose »)…J’ai juste relevé une petite contradiction, due sans doute à son enthousiasme chronique. Lorsqu’il déclare « N’attends rien des autres ; ils finiront par te suivre… ». Si ces fameux « autres » se fient à ses recommandations, s’ils recherchent leur épanouissement en osant être eux-mêmes, il est inconcevable qu’ils puissent devenir des suiveurs ! Dans l’absolu, si chacun suit les préceptes hustériens, il ne devrait plus exister de suiveurs…Enfin, tout au long de ce livre, en fil rouge, il y a un personnage dont la vie vient en illustrer le titre « N’abandonnez jamais, ne renoncez à rien », c’est Molière. Inutile de préciser que Francis Huster est un fervent « Moliérolâtre »… Molière et Jean-Baptiste Poquelin, indissociables mais séparables, sont pour lui l’exemple parfait de l’accomplissement de soi à travers leur exigence du vérité et leur « désir illimité de liberté »… Il y a de superbes pages sur l’homme et sur le dramaturge.En conclusion, je m’amuserai un petit pastiche qui, hélas, n’est pas emprunté à Molière mais à Corneille, mais qui pourrait synthétiser l’exhortation de Francis Huster à prendre son destin en main :Et aux âmes burnées La valeur n’attend pas Le nombre des annéesGilbert « Critikator » Jouin