Roman de formation dans sa
première moitié, Stone Junction évolue ensuite vers le thriller fantastique. Un mélange des genres risqué mais
dont Jim Dodge, salué par Thomas Pynchon dans sa préface, fait un festival très
réussi. Il embrasse large et séduit par la multiplicité de thèmes qu’il prend
la peine d’approfondir suffisamment pour que le lecteur ne se sente jamais
stupide.
Sauf quand Daniel Pearse, le
personnage principal, apprend à gagner aux cartes. Le récit de longues parties
sera bien obscur pour le non connaisseur. Mais peu importe : l’obscurité
même est un moteur d’un ouvrage où interviennent bien des données ésotériques.
Parmi celles-ci, l’association qui a recueilli Daniel à la mort de sa mère
n’est pas la moins étrange. L’AMO – Alliance des Magiciens et Outlaws –
rassemble des membres qui vivent en marge de la société et possèdent tous des
talents utiles à la bonne marche des activités illégales qui sont les leurs.
Initié par quelques-uns
d’entre eux à la maîtrise de domaines dont il ne comprend pas la pertinence –
la méditation, l’effraction, le jeu, etc. –, Daniel se construit une
personnalité qui l’amène à une perception supérieure du monde. Et à la maîtrise
de l’invisibilité qui lui permettra de dérober un énorme diamant aux pouvoirs
mystérieux.
Résumer l’histoire est un peu
vain. Car elle vaut surtout par les couches multiples qui lui donnent une
étonnante épaisseur. Et conduisent à accepter les faits les plus
irrationnels : dans ce cadre, ils sont bienvenus. Tout ce par quoi passe
Daniel enrichit non seulement son expérience mais aussi la nôtre, cas
exceptionnel d’une transmission de l’indicible – ou réputé tel.
On devine les
réticences : quoi, encore un fatras occulte digne d’un Alchimiste ? (Pour reprendre le
titre d’un célèbre roman de Paulo Coelho.) Pas du tout. Stone Junction puise, certes, dans un fonds commun à toutes les
pensées… disons, moins logiques. Mais il le fait avec une manière qui
enthousiasme. Et où se retrouve un souffle qui est celui-là même d’un grand
roman.