Personnellement je n'ai jamais pu m'y faire : je rangeais avant son arrivée, je faisais le plus gros ... ça m'épuisait de devoir me hâter alors je lui ai vite rendu sa liberté, façon de parler, pour pouvoir m'y mettre à mon heure et sans contrainte. J'ai sans doute un rapport particulier aux tâches ménagères : elles me reposent ... l'esprit, me permettent de faire une pause quand je suis en panne d'écriture, m'autorisent à fuir quand les soucis m'encombrent les neurones.
La couverture du roman de Jérémy Bouquin m'a fait penser à une de ces peintures pop-art qui aurait pu être signée par Andy Warhol et j'ai imaginé que j'allais voyager dans un univers vintage.
Je voulais du polar et j'ai été servie au-delà de mes espérances. Il faut avoir le coeur bien accroché parce qu'on baigne dans le sang dès le début. On ressent pourtant une forme d'empathie pour Sandra, qui n’est pas une femme de ménage ordinaire. Je me suis demandée si c'est son sérieux ou sa détresse qui m'avait touchée. La misogynie dont elle est victime peut-être car c'est elle qui fait le sale boulot pendant que les machos attendent (patiemment) que la scène de crime soit débarrassée et que l'espace soit redevenu nickel-chrome comme avant, ni vu, ni connu.
Le métier qu'exerce Sandra n'est pas inscrit au répertoire des formations professionnelles classiques. Elle a toutes les qualités pour devenir thanatopracteur : avoir une grande maîtrise de ses émotions et savoir faire preuve de beaucoup de tact et de discrétion. Mais la crise touche aussi cette spécialité et Sandra a dû accepté des contrats pour subsister. La situation convient à son tempérament et devrait lui permettre de gagner beaucoup d'argent en un temps record avant de filer sous d'autres cieux.
Sandra a une double vie. Quand elle a un peu de temps libre elle dessine mais ne parvient pas à vivre de son art. Ses monstres hyperréalistes effrayeraient les enfants. Aucun éditeur n'a encore répondu favorablement à ses sollicitations. Même French Pulp éditions n'a pas osé publier un de ses croquis et a préféré une couverture plus policée. Le trash a de quoi effrayer.
La vie de Sandra est rythmée par les commandes de clients de plus en plus exigeants. Entre le boulot proprement dit et les réapprovisionnents en acide et engins de boucher, il lui reste peu de temps libre pour s'adonner à sa passion du dessin, réhabiliter la ferme abandonnée où elle ne fait que crécher, s'abandonner dans les bras de son amant, lequel est d'ailleurs marié et bien surveillé par sa femme.
Le train-train ... jusqu'à ce qu'une rose fraichement coupée ne vienne semer le doute dans l'esprit (parfois embrumé) de la jolie brune. On ne regarde pas les femmes de ménage, pense-t-elle. Alors qui l'aurait remarquée, et dans quelle intention ?
On croit avoir lu le pire et Jérémy Bouquin parvient à nous plonger encore davantage le nez dans l'horreur.
Autodidacte, réalisateur de courts et moyens-métrages et auteur français de polars, il est le président de l’Association tourangelle "Les Tontons Filmeurs". Alias Jrmy, il est aussi scénariste sur la Bd polar “Le Privé” et animateur radio. Une femme de ménage est le premier roman que je lis de lui. Privé d'origine, sorti en septembre dernier, sera le second, dans un registre très différent, plus historique, centré sur l'Italie des années de plomb.
Une femme de ménage de Jérémy Bouquin, French Pulp éditions, avril 2017