Taram et le Chaudron magique a sombré dans l'oubli. Et pourtant, il détonne dans la filmographie de Disney. Pas de séquences chantées ou dansées; pas de sermons sur la vertu du « cœur » ; pas d'aventure amoureuse au premier plan. Tiendrait-on là un bon film ?
Une époque malheureusement oubliée
Taram fait partie de ce qu'on appelle communément « l'âge sombre » de Disney. Vingt ans après la mort de Walt Disney, le studio n'arrivait toujours pas à réinventer une formule originale. A posteriori, le « second âge d'or » au cours des années 90, celui bien connu des Petite Sirène, Roi Lion et autre Mulan, qui puise son inspiration dans les comédies musicales de Broadway, achèvera d'enterrer les films de l'entre-deux.Mais peut-être la singularité de Taramréside-t-elle dans son style loin de la naïveté charmante des premiers Disney et la gloire tonitruante des films postérieurs. Sans aller jusqu'à parler d'un film « adulte », on peut néanmoins s'étonner du Seigneur des Ténèbres, inquiétant roi-liche dont le visage se dissimule toujours sous une épaisse capuche, un des rares vrais méchants de Disney qui ne multiplie pas les saillies grotesques (comme Hadès dans Herculeou Clayton dans Tarzan).
Comment dépasser Disney
Le Seigneur des Ténèbres amène avec lui une noirceur qui fait défaut à l'essentiel des films du studio. On peut ainsi compter parmi les originalités (jamais renouvelées par la suite) de Taram un chaudron maléfique, bâti sur une sombre histoire celtique, un suicide, une omniprésence du noir et du rouge et un vrai travail sur la profondeur de champ.Ces deux dernières caractéristiques techniques rompent avec l'esth-éthique disneyenne héritée du maître. Si Taram emprunte au style gothique de La Belle au bois dormant (1959) et à l'imagerie médiévaliste de Merlin l'enchanteur (1963), le film les assombrit et renoue avec la tradition macabre - et fantasmée - des Dark Middle Ages. La séquence dans la forêt où Taram s'égare et contemple, impuissant, à l'enlèvement de son cochon Tirelire par deux guivres, travaille particulièrement la profondeur de champ, contribuant à créer une atmosphère ésotérique surprenante chez un tel producteur.Bien entendu, Taram reste bien en-deçà de chefs-d’œuvre du cinéma fantastique, tels Willow, Excalibur ou Conan le Barbare. Nombre de personnages mignons (Tirelire, les fées, Ritournelle) tentent d'adoucir le climat ténébreux dans laquelle baigne le récit. Mais précisément, leurs efforts pour contenir des puissances maléfiques paraissent dérisoires ; et eux-mêmes ressemblent à de fébriles poupées destinées à conjurer le mauvais sort.Au vu de l'échec commercial de Taram, Disney n'a pas poursuivi dans cette voie. Et les joyeuses comédies des années 90 viendront, tel un Surmoi, refouler cet inconscient qui, un instant, faillit submerger le fragile édifice de l'innocence.
Taram et le Chaudron magique, de Ted Berman et Richard Rich, 1985Maxime