Voici donc le troisième volume d'une trilogie non annoncée. Car, après avoir refermé le premier volume, on ne s'attendait pas à un deuxième, même s'il restait de nombreuses questions en suspens; et, après le deuxième, on ne s'attendait pas non plus à un troisième... En l'occurrence, un volume pouvait en cacher un autre...
S'il est recommandé de lire les deux premiers volumes, le troisième peut toutefois se lire isolément. En effet, dans L'Ordre des choses, Sébastien Meier raconte une histoire qui est à la fois une suite, ou plutôt une conclusion des deux autres, et une histoire à part entière puisque les choses sont en quelque sorte remises en ordre...
Dans les années 1989 - 1990, l'auteur met tout de suite le lecteur dans l'ambiance avec deux meurtres commis à Lausanne, celui d'Albert Karpa, tout juste libéré après avoir été soupçonné de blanchiment d'argent de la mafia italienne, et celui de Constant Bonnard, juge d'instruction, tué de deux balles dans une ruelle sombre.
Quelque dix ans plus tard, le lecteur apprend que l'avocat Jacques-Edouard Croisier, à la mort de son père, hérite de ses 30% d'actions de BFHG, multinationale spécialisée dans le négoce pétrolier, mais que son oncle, Beat Flückiger, qui en est le PDG, parvient à le faire mettre sous PLAFA, à Cery, l'hôpital psychiatrique du coin.
C'est là que Jacques-Edouard fait la connaissance de Florence Osbald, avec laquelle il se lie d'amitié et qui lui fait connaître Commune présence, un recueil de poèmes de René Char. Or, non content de l'avoir fait interner, son oncle veut le faire mettre sous tutelle, mais il n'y parvient pas. Son neveu demande alors l'aide de Florence.
Car Jacques-Edouard s'est donné pour objectif d'écraser son oncle en frappant BFHG: il ferait de cette entreprise le symbole d'un grounding honteux pour l'économie helvétique. Florence est en fait un génie de l'informatique et lui concocte un virus espion, grâce auquel il accède à des données compromettantes pour BFHG et pour Beat.
Après que Jacques-Edouard est mort, les années 2013 - 2014 voient sa lutte contre BFHG et Beat reprise par Paul Breguet, puis, après son suicide, par la procureure Emilie Rossetti, ce qui lui coûte son poste, et par Florence Osbald, qui a changé d'identité, tire des ficelles et agit dans l'ombre, comme tout bon hacker qui se respecte.
Cette lutte d'individus contre une multinationale de connivence avec les pouvoirs politique et judiciaire se révèle être celle de David contre Goliath et le capitalisme prédateur en prend un juste coup. C'est à tort, bien sûr, que d'aucuns attribuent ses nuisances au libéralisme, fût-il qualifié d'ultra, puisqu'il n'en respecte aucun des principes...
L'auteur en tout cas est à l'aise pour décrire des milieux et des lieux très différents, de même que les ombres et lumières de ses personnages, petits et grands, qui, parce qu'ils ne sont ni tout noirs ni tout blancs, restent humains; et il sait maintenir jusqu'au bout l'addiction du lecteur pour son récit, quand bien même la noirceur y domine.
Francis Richard
L'ordre des choses, Sébastien Meier, 352 pages Zoé
Volumes précédents de la trilogie :
Le nom du père (2016)
Les ombres du métis (2014)