Le 10 Janvier de chaque année est considéré au Bénin comme un jour de fête des divinités Vaudou. Diverses manifestations se font ce jour. Ainsi, nous contemplons le spectacle des divinités telles que Hêviosso, Tohossou, Abikou, Zangbéto, etc. Mais après ce jour, il faut encore attendre un an avant de voir de telles manifestations se reproduire, chose curieuse n’est-ce pas ? Loin d’être une occasion de simple fête, cette journée nous rappelle notre identité culturelle. Le Vaudou est béninois, le Vaudou est africain.
Nous pouvons utiliser le Vaudou comme pôle de développement et c’est ce que je vais vous montrer dans cet article. Mais avant tout, laissez-moi vous raconter une courte histoire :
« Je me souviens avoir vécu les horreurs de la divinité Oro à l’âge de 14 ans. J’étais en vacances à Sakété, une région du plateau non loin de la frontière avec le Nigeria, région par excellence du Oro. C’était pendant le mois de juillet où les cérémonies du Vaudou se déroulaient. Pendant trois jours trois nuits, personne n’a eu le droit de voir la lumière du jour ou les étoiles scintillantes dans le ciel nocturne. Seuls les initiés pouvaient sortir pour aller faire les courses. Aucune femme n’est tolérée dans son couvent. Ma tante, sage-femme principale de la région et donc bénéficiant de respect, était la seule autorisée à négocier afin que les parturientes, voilées, puissent venir chez elle pour accoucher. Ma tante faisait dos à la porte fermée et négociait avec un des prêtres. Cette divinité incarne le respect ».
En langue fon, Vaudou signifie ce qu’on ne peut élucider, la puissance efficace. Il peut également être traduit par dieu, ou esprit. Il est l’ensemble des divinités ou orisha que l’on adore dans la plupart des régions Adja Tado (le sud du Bénin) et Yoruba.
VAUDOU ET TOURISME
Grand pourvoyeur d’emplois et de revenus, le tourisme permet à un nombre important de demandeurs d’emplois de trouver du travail et d’accéder à un niveau de revenu non négligeable. Malheureusement, le continent africain ne tire que 4% des flux touristiques mondiaux contre 60% pour l’Europe et 18% pour l’Amérique. Les statistiques de l’OMT révèlent que de ces 4%, l’Afrique du Nord détient une grande part (près de 50%) alors que l’Afrique de l’ouest ne reçoit que 8% environ du nombre des touristes qui visitent le continent. Des statistiques produites par la CCIB, on retient que le Bénin est la cinquième destination ouest-africaine après le Ghana, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Nigéria. Notre pays n’accueille environ que 200.000 touristes par an pour des recettes d’environ 58 milliards de francs CFA. Malgré cette recette annuelle, le tourisme est une activité peu développée au Bénin qui dispose pourtant de nombreuses potentialités.
Parlant de potentialités, La fête du 10 janvier de chaque année reste un potentiel à exploiter pour faire venir des milliers de touristes dans notre pays. Cette fête peut être organisée de manière à ce que chaque divinité fasse découvrir ses atouts aussi bien sur le plan culturel que cultuel. Ce serait l’occasion rêvée de connaitre le Sakpata béninois, les Pythons de Ouidah, et autres divinités extraordinaires de ce pays.
Mais pourquoi attendre le 10 janvier si on peut organiser des festivals de Vaudou dans les grandes cités historiques du pays, histoire de faire découvrir aux touristes les divinités qui s’y cachent ? L’organisation des festivals du Vaudou dans les cités historiques de notre pays à intervalle de temps régulier permettrait d’attirer des touristes et contribuerait de ce fait à faire découvrir au monde entier le patrimoine culturel béninois et africain et en même, cela constitue une source de richesse pour le pays.
Etant donné que certaines divinités comme Oro, ou Egoun goun ont une période de sortie, on peut rendre plus visible et attractif ces sortis en des journées de la fête de Oro ou la fête des Egoun goun à l’instar des autres fêtes telles la fête de l’igname.
On peut également construire un grand musé où seront rassemblés toutes les sortes de divinités Vaudou du Bénin. Ce sera un musé gigantesque qui peut raffoler les touristes.
Il faudra également renforcer le tourisme international en incluant les béninois de l’extérieur (Agence des Béninois de l’Extérieur) et les services diplomatiques à la l’image de l’expérience actuellement en cours au Ghana et au Mali.
On peut aussi créer des postes d’attachés touristiques, animés par des spécialistes qui seront des vendeurs du Vaudou béninois. Ces spécialistes seront dans les ambassades du Bénin près d’autres pays et leur rôle serait de faire la publicité du Vaudou béninois aux étrangers à destination du Bénin.
Parmi tous les modèles de développement, le développement auto centré reste un bon modèle pour les pays en voie de développement comme le nôtre. Le défi majeur pour notre pays après l’acquisition de l’indépendance politique, reste une indépendance économique.
La croissance économique, condition nécessaire à tout développement est loin d’être une condition suffisante. Pour un développement durable et soutenu, la croissance économique doit s’accompagner de certaines transformations parmi lesquelles figure l’éducation. Quelle relation existe- t-elle entre Vaudou et éducation ?
VAUDOU ET EDUCATION
Une étude sur l’éducation dans les couvents Vaudous permettrait à la recherche scientifique du Bénin de penser à un type d’éducation plus adaptée au contexte de l’enfant béninois. De cette façon, les couvents Vaudous pourraient être un lieu de haute manifestation d’une éducation et d’une philosophie typique de la culture béninoise.
La question de la culture est incontournable dans un débat qui implique l’école et un mode d’éducation religieux. Pour le professeur Albert TEVOEDJRE, s’il est un sujet qui devait hanter chaque Africain, où qu’il se situe sur le continent, s’il est un sujet qui ne peut laisser indifférent nul de tous ceux qui se reconnaissent originaires de notre univers particulier d’hommes et de femmes dispersés à travers le monde, c’est bien le thème de la culture. La culture nous prescrit de rechercher et de recourir à nos origines, à notre Histoire. La culture nous enjoint de définir, de décrire et d’apprécier l’environnement biologique, physique et humain dans lequel nous avons connu la mère, la famille, la société. S’il est une vision de l’homme et du destin qui nous interpelle au fond de nous-mêmes et à chaque instant, c’est bien la culture qui nous l’enseigne, parce que c’est elle qui la détermine.
En effet, la culture donne à l’homme la capacité de réflexion sur lui-même. C’est elle qui fait de nous des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et éthiquement engagés. C’est par elle que l’homme s’exprime, prend conscience de lui-même, se reconnaît comme un projet inachevé, remet en question ses propres réalisations, recherche inlassablement de nouvelles significations et crée des œuvres qui le transcendent.
Si la culture définit à ce point l’individu, comment comprendre l’incapacité du système scolaire de s’adapter à la culture béninoise ? Les acteurs de l’éducation peuvent-ils rechercher au sein même de la culture béninoise des approches de solution aux dysfonctionnements de l’école moderne ? Si l’école continue d’inculquer aux jeunes des notions étrangères empruntées à la civilisation européenne, n’y a-t-il pas là un risque énorme pour la culture et le développement du Bénin dans les années à venir ? Dans tous les cas, force est de constater que l’école moderne forme des hybrides, des personnes qui ont des difficultés d’intégration au sein de la société.
Émile Durkheim, dans L’évolution pédagogique en France (Durkheim, 1938) invite l’opinion à songer à la révolution qui s’accomplit en l’enfant lorsqu’il va pour la première fois à l’école ou au lycée. Il change de manière d’être et, presque, de nature. A partir de ce moment, il y a en lui une véritable dualité. Lorsqu’il revient chez lui, ses parents sentent qu’il leur appartient de moins en moins. Pères et enfants : la différence entre les générations se détermine alors. Soumis à la discipline du milieu scolaire, l’enfant, le jeune découvre progressivement tout un monde social extérieur à la famille, dans lequel il ne se fera sa place qu’à condition de s’y plier, de s’y incorporer. La famille elle-même en est peu à peu modifiée.
Les Africains ont connu et connaissent encore ce malaise lié à l’école en tant que structure bouleversante et peu respectueuse de l’identité culturelle. C’est une approche qui permet d’appréhender le conflit omniprésent entre école moderne, famille, et éducation traditionnelle.
« Je pense que le rôle de l’éducation est absolument central, encore qu’il faille mettre des bémols car le type d’éducation formelle que nous développons dans nos sociétés occidentales n’est peut-être pas exactement celui qui correspond aux besoins humains fondamentaux. Pour transformer toute une vision du monde qui permet non pas de supprimer les valeurs du passé, mais de les intégrer dans un ensemble qui tienne compte de l’ensemble des situations contemporaines et actuelles dans lesquelles le monde vit, il faut au moins une éducation secondaire complète, sinon il n’y a pas de transformation profonde. Mais ce n’est pas la seule voie. Une autre voie très importante, ce sont les pratiques concrètes des milieux populaires, comme dans des mouvements sociaux, ou dans des pratiques économiques comme par exemple l’organisation de coopératives, etc, qui ont le même effet sur le plan de la transformation des mentalités que peuvent avoir par exemple une éducation secondaire complète. La question de l’éducation ne peut être séparée de l’univers dans lequel l’éducation s’accomplit et se réalise. Elle est un facteur, un facteur très important, mais pas l’unique manière de transformer des mentalités et des cultures. »
Les couvents de Vaudou constituent des hauts lieux de savoir et de développement des valeurs qui fondent notre société. Une éducation axée sur les pratiques culturelles et cultuelles de notre pays permettrait d’assurer une parfaite connaissance de notre identité culturelle, gage d’un développement durable.
Le développement durable est un développement qui permet à la génération actuelle de satisfaire ses besoins sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Cela suppose, entre autre une conservation de la faune, de la flore, bref, de l’environnement de génération en génération.
Quel rôle joue le Vaudou dans la protection de l’environnement ?
VAUDOU ET ENVIRONNEMENT
Il est aujourd’hui acquis et accepté de tous que le bien-être de l’humanité est intimement lié à la prise en compte de notre milieu, cadre et au respect qu’il faut avoir pour les autres formes de vie (SINSIN, 1999). De plus, la faune sauvage est importante dans la vie et le développement des communautés humaines compte tenu de sa contribution alimentaire, son poids économique, son rôle écologique et sa valeur socioculturelle (KPERA, 2002).
Pour faire des rituels, les adeptes de Vaudou font recours aux feuilles et aux animaux. De même, certaines divinités comme Dan incarne des animaux (serpent). Les ressources naturelles sont donc d’une part exploitées, et d’autre part vénérées. Les adeptes veillent donc à la protection et à la conservation de ces ressources car, elles leur sont chères. Ainsi, ils contribuent à la protection de l’environnement.
Toutefois, de nos jours, de nombreuses ressources naturelles, végétales et animales, sont surexploitées. De ce fait, certaines ont déjà disparu pendant que d’autres sont sur la liste des espèces menacées d’extinction. C’est le cas des ophidiens au Bénin qui sont en forte diminution du fait des prélèvements anarchiques et frauduleux dont ils font l’objet. En 2000, il y a un total de 68.141 pythons royaux et pythons de Séba ont été exportés du Bénin vers les pays d’Europe et les Etats-Unis d’Amérique (REPTILE MAGAZINE, 2002). Il n’y a pas longtemps, des pythons en provenance du Bénin ont été découvert dans une boite dans un aéroport. Il s’avère alors opportun de protéger ces animaux tout en développant des techniques permettant la restauration des éventuelles espèces menacées de disparition. A cet effet, plusieurs espèces de reptiles (serpents, crocodiles, caméléons, tortues), pour ne citer que ceux-là, représentent, pour de nombreuses ethnies béninoises, des animaux sacrés et vénérés. Pour la sauvegarde des valeurs qu’incarnent ces espèces animal et végétal, ils sont protégés par les adeptes.
Le Vaudou fait partie intégrante de la culture béninoise, de la culture africaine. Il peut contribuer au développement économique du pays à travers le nombre important de touristes qu’il peut attirer pan an. Il permet aussi un développement durable car prône une éducation basée sur nos valeurs culturelles, et également la protection de la faune et de la flore.
FS.