Révolution des mœurs et contes pour enfants
Président du puissant groupe industriel « Rupaben Sitaram », Somabhai Patel est à l’origine de ce projet de rénovation : l’infrastructure en question, vieille d’une trentaine d’années, nécessitait un sérieux coup de jeune, pour continuer à assurer la crémation des disparus issus des nombreux bourgs voisins. Le métamorphoser en aérodrome suscite donc un vif intérêt parmi les médias du pays et la population, dans ce pays où la crémation fait partie les traditions séculaires, mais est généralement opérée sur les places publiques, au su et au vu de tous.
Il s’agit donc d’un véritable tournant dans les usages puisque Patel inaugure là le premier site cinéraire à thème, équivalent dans sa conception à un parc de loisirs inspiré par ce que lui contaient ses parents quand il était enfant pour le rassurer face à la mort : l’âme des défunts s’envole vers le ciel en avion. Imprégné par ces récits merveilleux et poétiques, l’homme d’affaire a donc repensé tout le crématorium … comme un aéroport.
L’atmosphère d’un aéroport
Les trois incinérateurs électriques et les deux fours à bois plus classiques qui équipent le complexe sont positionnés autour d’un terminal, comme des portes d’embarquement numérotées ; les familles sont invitées à les rejoindre par des annonces vocales au moment où le défunt est introduit dans l’habitacle. Un bruit de moteur au décollage couvre le son des brûleurs, et c’est le vrombissement d’un atterrissage qui accompagne la fin de l’opération, au moment de récupérer les cendres. Par ailleurs, tout le décorum suit les codes d’un aéroport.
La salle d’attente est surmontée d’un panneau annonçant une gigantesque liste de destinations, des caméras surveillent le lieu, des affiches de prévention sanitaire couvrent les murs, avertissant des dangers du tabagisme et de l’alcoolisme. A l’extérieur un grand parc fleuri favorise la promenade sous le regard des statues de divinités. Point d’orgue du complexe, devant l’entrée du hall trônent deux répliques d’avions, Air Paradis et Air Délivrance, qui à l’origine auraient dû accueillir les fours, installation finalement impossible d’un point de vue technique.