Le Graal de tout jeune artiste, c’est la reconnaissance du monde de l’art.
Comment l’obtenir ? C’est bien là toute la question. Cela se révèle souvent un vrai parcours du combattant.
De nombreux ouvrages de conseils sont édités. Ils préconisent en général de choisir une galerie renommée qui fréquente assidument les foires internationales. Mais il faut être deux pour signer un contrat, donc déjà, avoir retenu l’attention d’ une galerie suffisamment inscrite dans le monde de l’art pour passer le barrage d’une sélection sans pitié et qui plus est, financièrement à l’aise pour faire face aux frais de participation de deux ou trois foires par an. Avoir ses oeuvres accrochées dans une foire internationale représente en effet un premier pas vers la notoriété.
Le second conseil, c’est de décrocher l’intérêt d’un collectionneur médiatique. Une anecdote bien connue en donne la preuve. Lors de la Biennale de Venise de 2008, de jeunes artistes avaient accroché une banderole sur une façade face au Palazzo Grassi qui accueillait la collection Pinault : « S’il vous plaît, Monsieur Pinault, achetez nos œuvres ». En effet, entrer dans une collection renommée met incontestablement l’artiste sous les projecteurs. Mais on reste sans nouvelle du résultat de l’entreprise de ces jeunes gens vite délogés par la police.
Le troisième point consiste à entretenir soigneusement un réseau efficace de professionnels du monde de l’art car toute activité créatrice nécessite une chaîne de collaborateurs qui concourent à la réussite des talents. Sans l’appui des instances de légitimation de l’art, impossible d’intégrer le milieu international de l’art. La carrière fulgurante de Pascale Marthine Tayou, jeune artiste camerounais qui, après une première manifestation au centre culturel français de Yaoundé, a réussi le parcours sans faute des six biennales internationales les plus en vue en moins de sept ans, n’est pas offerte au premier venu.
Tout cela est bel et bon mais peu applicable sous nos latitudes. Alors comment s’y prendre ?
Miser sur une participation aux salons indépendants pour l’émergence artistique
Cette participation s’inscrit dans une stratégie. C’est une porte entrebâillée. La notoriété du salon et des membres du jury comme la nature des prix sont les premiers critères à considérer, toujours dans l’objectif d’accroître sa visibilité et d’élargir son réseau
Le salon de Montrouge est une manifestation artistique Créée en 1955, organisée et financée par la ville de Montrouge. Cette manifestation artistique présente pendant quatre semaines, au printemps, une centaine d’artistes. L’accès en est gratuit. Chaque artiste sélectionné bénéficie d’un mini-module d’exposition individuel (25 m2 environ) lui permettant de présenter sa démarche en un ensemble d’œuvres ou une installation importante. Chaque exposant du Salon est accompagné en amont de la manifestation, de façon individuelle, par un membre d’un « collège critique » qui réunit des journalistes, des historiens, des critiques d’art, des galeristes et des commissaires d’exposition. Les membres du jury désignent, lors du vernissage, les trois lauréats du Salon.
Le Palais de Tokyo accueille un projet personnel du lauréat du Premier prix dans le cadre de sa mission de soutien à la création émergente.
Le second prix est une aide à la production de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris (ENSBA).
Le troisième lauréat reçoit le soutien du Conseil Départemental des Hauts de Seine pour la réalisation d’un projet inédit.
Ce salon est un vrai coup de pouce pour les jeunes artistes dans la mesure où il les met en contact avec des critiques, des journalistes, des galeristes. Depuis 2013, le président du jury Bernard Blistène est directeur du Musée National d’art moderne-Centre Pompidou.
De nombreux artistes, aujourd’hui reconnus, de la création contemporaine française ont exposé au Salon de Montrouge :
Jean-Michel Alberola, Carole Benzaken, James Brown, Pierre Buraglio, Catherine Bourdon,Jean Dries, Valérie Favre, Cristine Guinamand, Fred Kleinberg, Arnaud Labelle-Rojoux, Philippe Lepatre, Claude-Max Lochu, Ernest Pignon-Ernest, Hervé Télémaque…
SteeveBauras
Novocaine for a dodgy tune
Salon de Montrouge
2014
Le salon de la Jeune création est organisé par l’association Jeune création fondée en 1949. Jeune Création est une association d’artistes, reconnue d’utilité publique, qui a pour vocation de promouvoir la création contemporaine. La 67e édition de Jeune Création, rendez-vous désormais incontournable de l’art contemporain qui rassemble des artistes émergents de tous les continents, s’est tenue du 8 au 21 juillet 2017. Cette nouvelle édition a prolongé le partenariat établit avec la galerie Thaddaeus Ropac à Pantin. La particularité du Salon Jeune création — au-delà de sa longévité — est que la sélection des artistes est réalisée par un jury collégial d’artistes exposés les années précédentes. 53 artistes parmi 1800 dossiers de candidatures. La commission de sélection 67e édition réunissait Steeve Bauras, Johan Decaix, Quentin Euverte, Rémi Louchart, Gregory Mc Grew, Nathalie Novain, Julien Toulze, Julie Vacher et Luca Wyss.
Steeve Bauras
Small local abattoirs3 Jeune création
2014
Décrocher le prix Marcel Duchamp
Beaucoup plus improbable parce que très sélectif : un artiste par an et de plus, déjà bien inséré dans le paysage artistique.
Le Prix Marcel Duchamp a été créé en 2000 par l’ADIAF. Son ambition est de distinguer un artiste français ou résidant en France, représentatif de sa génération et travaillant dans le domaine des arts plastiques et visuels : installation, vidéo, peinture, photographie, sculpture … A l’image de l’artiste essentiel qui lui prête son nom, ce prix souhaite rassembler les artistes de la scène française les plus novateurs de leur génération et encourager toutes les formes artistiques nouvelles qui stimulent la création.
Unique en son genre, ce prix de collectionneurs permet à une nouvelle génération d’artistes de bénéficier d’une structure qui favorise leur reconnaissance, donne une plus grande visibilité à leurs propositions artistiques, et les aide dans leur parcours international. Plus de 70 artistes, lauréats et nommés, ont été distingués par le Prix Marcel Duchamp depuis son lancement. Le PRIX MARCEL DUCHAMP est organisé depuis l’origine en partenariat avec le Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, qui a choisi d’ouvrir son mode de sélection d’artistes exposés par le biais du regard des collectionneurs.
Le site Artprice analyse l’impact de cette instance de légitimation de l’art sur ses lauréats.
Les 10 derniers artistes récompensés par ce prix Marcel Duchamp, créé en 2000 par l’ADIAF (Association pour la diffusion internationale de l’art Français) regroupant 400 collectionneurs d’art contemporain, sont Claude Closky (2005), Philippe Mayaux (2006), Tatiana Trouvé (2007), Laurent Grasso (2008), Sâadane Afif (2009), Cyprien Gaillard (2010), Mircea Cantor (2011), Daniel Dewar et Grégory Gicquel (2012), Latifa Echakhch (2013), Julien Prévieux (2014) et Melik Ohanian (2015).
Parmi ces lauréats, deux artistes ont enregistré des enchères exceptionnelles à plus de 100 000$ : Cyprien Gaillard (2010) et Latifa Echakhch (2013), grâce au travail de leurs galeries et à leur diffusion hors Hexagone. Mais plusieurs lauréats non pas bénéficié de relais internationaux suffisant après leur récompense. De fait, l’offre et la demande aux enchères demeurent faibles, et franco-françaises, pour des artistes tels que Sâadane Afif (sept résultats de ventes seulement, tous emportés à Paris) Laurent Grasso (cinq résultats de ventes, tous emportés à Paris), ainsi que pour Melik Ohanian, Daniel Dewar & Grégory Gicquel et Philippe Mayaux, dont les marchés balbutiants ne s’exercent encore que sur le territoire français (sauf rares exceptions) sans accès aux salles de ventes-tremplin de Londres et de New York.
D’après l’analyse d’Artprice, le prix Marcel Duchamp est donc un bon outil pour ses lauréats, certes, mais il demeure un outil seulement, n’offrant ni la garantie d’un succès à venir, ni une revalorisation immédiate sur le marché des enchères.
https://aica-sc.net/2016/12/02/le-prix-marcel-duchamp-une-instance-de-legitimation-de-lart/
Multiplier les résidences
Les résidences offrent un espace de travail et aussi quelquefois une allocation. C’est pour l’artiste soit un temps de pure recherche plastique soit un temps de production dans la perspective d’une exposition ou d’un catalogue.
Il existe plus de deux cents résidences d’arts visuels en France, répertoriée dans cette publication en ligne du CNAP :
http://www.cnap.fr/223-residences-darts-visuels-en-france
Il existe aussi plusieurs résidences plus spécifiquement caribéennes dont l’excellent dispositif de la Davidoff art initiative : résidences en Chine, en Allemagne, en République Dominicaine, aux Etats – unis. Ces quatre dernières années, plus de soixante artistes de la Caraïbe ont bénéficié de ce programme dont David Gumbs.
David Gumbs à Beijing
http://www.davidoffartinitiative.com/artists/david-gumbs
http://davidoffartinitiative.com/residency
Participer à la Biennale de La Havane
La biennale de La Havane n’est pas la première biennale créée dans la Caraïbe mais elle est incontestablement, depuis 1984, la plus dynamique, la plus novatrice, la plus médiatique. C’est le point de convergence de curators, critiques, journalistes, artistes internationaux. Il n’y a pas de candidature libre ni de directeur artistique invité. C’est l’équipe de commissaires cubains qui sélectionne les artistes. Les biennales dites “périphériques” des années 1990 n’étaient pas simplement des biennales de plus, mais de réels outils pour valoriser une nouvelle génération d’artistes issue de différents contextes culturels et pour expérimenter « les idées tests des commissaires »
Daniel Buren
Installation in situ Casa Blanca
Biennale de La Havane 2015
Performance de Pistolleto à la Biennale de La Havane 2015
https ://aica-sc.net/2014/04/29/xii-eme-biennale-de-la-havane-art-contexte-et-experience/
https ://aica-sc.net/2015/05/21/biennale-de-la-havane-le-programme/
https ://aica-sc.net/2014/12/19/qui-sont-les-artistes-invites-a-la-biennale-de-la-havane-2015/
Depuis 2000, Alex Burke, Serge Goudin-Thebia, Ernest Breleur , Alex Burke, Jean-François Boclé, Steeve Baureas , Henri Tauliaut ont été invités aux biennales de La Havane.
Steeve Bauras
Biennale de La Havane 2015
Bien connaître le réseau professionnel caribéen
Le réseau britannique et américain est bien plus impliqué dans la diffusion de l’art de la Caraïbe que le réseau hexagonal. Donc repérer les musées, les curators et critiques actifs dans ce domaine est un premier pas indispensable.
Par exemple, la programmation du Pérez Art Museum Miami (PAMM) privilégie souvent les artistes de la Caraïbe.
Du coté des curators, en ce moment même, Tatiana Flores, après Wrestling with the Image: Caribbean Interventions à Washington, D.C. en 2011 et Disillusions: Gendered Visions of the Caribbean and its Diasporas à New York en 2011 présente au musée d’art latino – américain de Los Angeles Relationnal Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago, qui poursuivra sa tournée dans quatre autres musées des USA.
https://aica-sc.net/2017/03/23/une-exposition-majeure-sur-lart-contemporain-de-la-caraibe/