Du temps que j’allais à l’école,
je ne manquais pas de courage, –
c’est-à-dire, jusqu’au moment où le soleil
se couchait derrière le sommet de la montagne.
Mais quand les ombres de la nuit
couvraient la croupe des monts et les tourbières,
j’étais effrayé par les hideux fantômes
des fables et des contes.
Et pour peu que je fermasse les yeux,
je faisais des rêves en foule, –
et tout mon courage était envoyé –
Dieu sait jusqu’où !
Maintenant il s’est opéré un changement
complet en mon esprit ;
maintenant mon courage s’en va quand je marche
À la clarté du soleil levant.
Maintenant ce sont les gnomes du jour,
maintenant c’est le vacarme de la vie,
qui répandent dans mon sein
toutes les terreurs glacées.
Alors je brave la mer et les flammes ;
Je fends la nue comme le faucon,
J’oublie angoisse et misère
Jusqu’à l’aube suivante.
Mais quand l’abri protecteur de la nuit
me fait défaut,
Je ne me sens capable de rien ; –
Oui, si jamais je fais quelque chose de grand,
Ce sera une œuvre de ténèbres.
***
Henrik Ibsen (1828-1906) – La peur de la lumière (Ressouvenances, 1985) – Traduit du norvégien par Charles de Bigault de Casanove.