Quatrième de couverture :
Joseph Djougachvili, dit Staline, est né en Géorgie, à Gori, en 1878. Quatre ans plus tard, à deux pas de là, naissait un autre Joseph, Davrichachvili. Enquêtant sur son mystérieux arrière-grand-père et son supposé demi-frère encombrant, Kéthévane Davrichewy ravive la mémoire familiale. Mais prise dans ces destins croisés fabuleux, l’histoire intime prend une dimension vertigineuse… Avec sobriété, d’une justesse saisissante, l’auteure de La Mer noire poursuit le roman passionnant de ses origines, éclairé in fine par une bouleversante lettre au père. Magnifique.
Comme le fait pressentir la quatrième de couverture, l’histoire de l’arrière-grand-père de Kéthévane Davrichewy est troublante et troublée : l’écrivain retrace les années d’enfance de Joseph en Géorgie, dans la petite ville de Gori dont son père est préfet.(Davrichchvili est son patronyme géorgien) Joseph fréquente celui qui deviendra Staline, dit Sosso dans son enfance : ils jouent ans les rues de la ville, la mère de Sosso travaille pour les parents de Joseph mais on sent surtout que la relation entre les deux garçons est marquée par la violence et la roublardise de Sosso et le malaise, la fascination – répulsion qu’éprouve Joseph à son égard. Ce n’est que bien plus tard qu’il comprendra (et nous avec lui) que Sosso est sans doute son demi-frère. Forcément, ce malaise que laisse planer l’auteur éclaire l’enfance de Staline d’un jour particulier.
Kéthévane Davrichewy explique ensuite les sources et les difficultés à accéder à la véritable histoire de son aïeul : elle va donc imaginer des détails et ce que ressentait Joseph à travers son histoire personnelle, mêlée à la grande Histoire.
Elle passe alors à la jeunesse de Joseph et de Sosso, marquée par les troubles grandissants dans le Caucase, le désir d’indépendance de la Géorgie face à l’empire russe, nourri, attisé par les revendications socialistes, soit démocrates (ceux que l’on appelle les mencheviks), soit volontiers terroristes. Joseph et Sosso sont pris, engagés dans le tourbillon des révoltes, le second encourageant clairement la violence en tirant toujours son épingle du jeu, le premier préférant l’action mais ne sachant trop comment se situer idéologiquement. Exilé à Paris, Joseph fréquentera un temps Léon Trotsky.
A travers les soubresauts de l’Histoire (et sa narration au présent implique forcément le lecteur dans les « aventures » des deux Joseph), l’arrière-petite-fille trace le portrait d’un homme privé de tendresse parentale, souvent livré à lui-même, un homme qui se lance constamment dans l’action, dans l’initiative, sans doute pour combler ce vide initial qui l’a empêché de nouer des relations stables à l’âge adulte. Un homme qui, même s’il résistera aux sirènes du Kremlin, gardera ses mystères, en témoigne ce titre (incroyable !) de ses mémoires parues en 1979 : Ah ce qu’on rigolait bien avec mon copain Staline.
« L’héroïsme se transforme en crime et le crime en héroïsme selon la comédie que jouent les hommes, dira Joseph à Guivi, lors d’une ultime virée parisienne. Une seule chose reste intacte, c’est la valeur de l’homme qui se bat pour un idéal. Pourquoi les historiens de la première révolution russe ont-ils oublié ces hommes qui ont combattu armes à la main et fait chanceler le régime ? Pourquoi Staline n’a-t-il jamais voulu se souvenir de ses camarades de combat fusillés, pendus par centaines ? Pourquoi a-t-il renié leur sacrifice ? Ce sont eux qui lui ont permis de monter des imprimeries, d’éditer des journaux de devenir le chef qu’il était dans le Caucase. Il a tiré un rideau d’oubli. Peine perdue, on ne tue pas le passé. Un jour il resurgit. »
Kéthévane DAVRICHEWY, L’autre Joseph, Sabine Wespieser éditeur, 2016 (et 10/18, 2017)
Première étape à l’Est avec ce roman qui évoque la Géorgie et le Caucase.
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