La salle 12 présente des danses, qualifiées de sacrées. Certaines le sont évidemment, ainsi sur les émouvantes photos d’
Aby Warburg chez les Hopis. Quant à la
Danseuse Nègre de
Kirchner (1909), on aurait aimé un peu de contextualisation : en quoi le regard sur l’exotisme au début du XXème siècle projette-t-il nécessairement sur l’Autre des fantasmes de sacré, de transe, de syncrétisme. Bien sûr, Picasso vient à la rescousse, et le
Phénomène de l’extase de Dali; resterait à montrer comment l’extase amoureuse serait aussi religieuse chez l’un et en quoi l’intérêt pour les formes des masques africains se prolongerait en un intérêt pour leur sacralité chez l’autre.
Il faut parvenir à la salle sur l’Art sacré (18), thème que les commissaires abordent avec une infinie précaution, pour retrouver une certaine ascèse, une pureté qui s’était enlisée au fil des salles précédentes. Là, les artistes assument clairement la dimension sacrée (ici, chrétienne) de leur travail, et, de ce fait, au lieu d’allusions et de citations plus ou moins démontrées, on a clairement devant soi des oeuvres délibérément chargées de spiritualité. Parmi d’autres, les deux croix de
Joseph Beuys,
Symbole du sacrifice et
Symbole de la rédemption, l’une convexe et l’autre concave, sont parmi les pièces les plus fortes de l’exposition (et auraient bien mérité d’en être l’emblême, plutôt que la photo spectrale de main par un médecin spirite de la fin du XIXème).
La salle suivante (19) ‘Malgré la nuit’ parle du doute, de la nuit, de la recherche à tâtons de la foi. Elle regroupe certaines des plus belles pièces de l’exposition, un Rothko vibrant (ah, si on avait pu déplacer ici la
chapelle de
Houston..), les frêles colonnes de fumée du
Souffle du Récitant de Yazid Oulab, et une installation de
Bill Viola reconstituant la cellule (de prison) où
Saint Jean de la Croix fut incarcéré par l’Inquisition. Dans une grande salle se trouve au centre la petite cellule où le saint était prisonnier, trop petite pour se tenir debout, avec une table, un verre d’eau, une cruche et une image fixe de montagne enneigée. Sur l’écran derrière cette cahute, l’image se déchaîne au contraire : des images saccadées de paysage montagneux, le souffle du vent hurlant sur les sommets, esprit qui souffle ou haleine du diable. Dans la cellule, une voix grave récite les poèmes mystiques du saint. Conflit entre le monde et la vie intérieure, entre le pouvoir et la sainteté, entre le doute et la paix de la foi. Bill Viola est peut-être le plus grand artiste religieux de notre temps, lui qui s’efforce de donner une spiritualité au monde contemporain, qui en manque tant. Cette installation aurait pu donner son sens à toute l’exposition, si celle-ci avait été plus ramassée, plus moderne, plus critique.
Allant vers la fin de l’expo, quelques belles vidéo, ‘I like America..’ de Beuys au coyote, le film noir et blanc de Hans Namuth sur Pollock (celui en couleur, avec la peinture sur verre, est présenté au 4ème étage juste en face de Tichy) et Spiral Jetty.
En résumé, de belles oeuvres, mais trop nombreuses, pas assez sélectives, et surtout un discours critique trop absent de l’expo elle-même (mais présent dans le catalogue, par exemple sous la plume de Mark Alizart).
PS: Le titre vient d’une citation, non de Göbbels, ni de Göring, ni du Général Millán-Astray, mais du dramaturge nazi Hans Johst, dans la bouche d’un de ses personnages : “Wenn ich Kultur höre… entsichere ich meinen Browning.”