Un poème, un arbre. Dans un premier temps, à l'état de brouillon, tout semble confus, le poème emprunte à tâtons de nombreuses directions, il va trop vite ou trop loin, il revient en arrière, et pourtant, si nous le laissons faire, même en accumulant les variantes, il croît et il s'élève. Il faudra prendre du recul, non pas pour diriger le mouvement, mais pour que se révèle son dessein secret. Ce travail, qu'il ordonne, est délicat. Nous ne disposons d'aucune méthode : comment intervenir afin de dégager le poème de ce qui l'étouffe, à quel instant cesser d'intervenir ? Mais nous n'avons pas en vain regardé les arbres, nous avons appris de leur fréquentation qu'ils ne se dressent que s'ils n'encombrent pas l'espace : en le faisant rayonner, ils rayonnent. Tel est le principe de leur beauté. Ne prenons soin que de l'élan, veillons à ne pas l'altérer en fonction d'un idéal préconçu, le poème infaillible ira vers l'épure : de tous ses mots il frémira, il s'épanouira. Chaque poème est unique, tous sont chez eux dans la forêt.
Pierre Dhainaut, Paysage de genèse, avec des aquarelles de Caroline François-Rubino, Voix d’encre, 2017, 20 € (sans pagination)
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Pour l'artiste évadé ailleurs dans ce froissement de pensées diverses, ne se perd pas pour autant la route qui borde un travail concret, fait de traces, rythmes, surfaces, structures à appuyer ou estomper.
C'est bizarre, j'en conviens, mais c'est quand même comme ça que ça se passe. Et dans cette application à l'ouvrage, accompagnée de cette plénitude flottante, de cet état de rêverie avancée, advient une sorte de miracle ou de révélation, au sens photographique du terme : le motif tout d'un coup se présente dans une force d'existence, dans un apparaître qui enfin vous suffit et vous comble.
Jacquie Barral, Le Ralenti des choses, Fata Morgana, 2017, p. 32.