"Abdallah pense qu'on n'habite pas vraiment les lieux, que ce sont eux qui nous habitent."
En 1935, Edmond Charlot imagine une librairie "qui vendrait du neuf et de l'ancien, ferait du prêt d'ouvrages et qui ne serait pas juste un commerce mais un lieu de rencontres et de lecture. Un lieu d'amitié en quelque sorte avec, en plus, une notion méditerranéenne : faire venir des écrivains et des lecteurs de tous les pays de la Méditerranée sans distinction de langue ou de religion, des gens d'ici, de cette terre, de cette mer, s'opposer surtout aux algérianistes. Aller au-delà !" Ainsi naît à Alger la librairie - maison d'édition - bibliothèque "Les vraies richesses" qui publiera et sera fréquentée par des grands noms de la littérature comme Albert Camus, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, Emmanuel Roblès ou Kateb Yacine.
" Charlot fut un peu notre créateur à tous, tout au moins notre médecin accoucheur. Il nous a inventés (peut-être même Camus), engendrés, façonnés, cajolés, réprimandés parfois, encouragés toujours, complimentés au-delà de ce que nous valions, frottés les uns aux autres, lissés, polis, soutenus, redressés, nourris souvent, élevés, inspirés, [...]" Jules Roy sur Edmond Charlot
Mais la révolte gronde en Algérie comme ailleurs, et Edmond Charlot aura alors son rôle à jouer car il sera aussi le grand éditeur de la France libre en 1944 publiant notamment Le silence de la mer d'Henri Vercors et éditant la revue L'Arche.
En 2017 Ryad est chargé de vider cette même librairie gardée par Abdallah, le dernier libraire des "vraies richesses", mais les habitants du quartier font bloc pour préserver ce lieu emblématique.
Kaouther Adimi a voulu rendre hommage à cet homme emblématique de la vie culturelle algérienne, mais son roman manque de souffle, juxtaposant des carnets fictifs de Charlot et l'histoire de la librairie, mais de façon relativement lisse, presque documentaire. Le style ne s'envole pas, nous laissant déçus devant les belles promesses que laissaient présager le sujet.
Bilan : Un sujet passionnant mais traité de façon un peu trop lisse à mon goût ...
Nos richesses, Kaouther Adimi, Seuil, août 2017, 224 p., 17 euros