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Sommes-nous tous alcooliques ?

Publié le 01 octobre 2017 par Tiavina Kleber @ktiav_

L’alcoolisme estudiantin devient un sujet de prédilection pour la presse à frissons. Les histoires de bizutage et le taux de suicide chez les étudiants de santé ont certes de quoi faire fuir le chaland, mais alors l’alcoolisme, mesdames et messieurs, rien de mieux pour affoler l’honnête contribuable sur l’état de la génération qui paiera sa retraite. Enfin, c’est bien beau tout ça, mais à quel point c’est vrai cette histoire ?

Sommes-nous tous alcooliques ?
En général, quand on parle d’alcoolisme on a tendance à viser des filières bien ciblées, à commencer par les étudiants en médecine et les écoles de commerce. A Paris Descartes nous n’avons pas d’école de commerce mais on a des étudiants en médecine, nous allons donc pouvoir les situer par rapport aux autres. Puis on va aussi pouvoir prendre la température de la conscience des risques de l’alcool chez les cartésiens.

Avant de commencer…

Je tiens à partager une anecdote personnelle. Moi-même je me suis fait à l’image de l’étudiant leveur de coude, alors quand mon médecin m’a recommandé de faire attention je lui ai répondu qu’en tant qu’étudiant boire est le propre de moi-même et que lui, ayant fait des études de médecine, devait connaître le phénomène. Il m’a alors expliqué que non, que cette tendance à boire plus que de raison avait à peine trente ans et était arrivé en France avec la culture américaine. S’il dit vrai, il faut croire que l’alcoolisme estudiantin a profité de la guerre froide plutôt que du plan Marshall et qu’il a été galvanisé par un bonne décennie d’American Pie et autres teen moviesglorifiant le bukkake à la bière sur fond Star-splanggled banner
Quoi qu’il en soit, nous nous sommes posé des questions sur le rapport à l’alcool des cartésiens. Au-delà de la question habituelle tu taux d’alcoolisme chez les étudiants, nous avons cherché à savoir si des filières sont plus propices à la consommation d’alcool ou, à défaut, s’il existe d’autres facteurs de l’alcoolisme.

Les étudiants, buveurs réguliers ?

Oui, revenons à nos moutons. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la régularité ne fait pas partie de la définition de l’alcoolisme. Il faut bien comprendre qu’une fois par mois à date fixe c’est ce qu’on appelle de la régularité,mais pour autant peut-on considérer que la personne qui boit une pinte tous les premiers du mois est vraiment alcoolique ? Non, pas vraiment. Mais d’un autre côté, peut-on considérer qu’une personne qui boit au moins une pinte tous les jours n’a pas un petit problème ? Si, c’est probable. Bon, considérons que c’est plutôt la fréquence qui est que le fait de boire au moins une fois par semaine est un indice fiable, où nous situons-nous ? La moitié des étudiants interrogés consomment de l’alcool plus d’une fois par semaine ! Mais attention, les plus gros consommateurs ici sont les étudiants en pharmacie qui comptent le plus de buveurs quotidien, les carabin arrivent après avec le plus grand nombre de personnes buvant au moins 3 fois par semaine. Ce sont ensuite les étudiants de droit économie-gestion qui boivent le plus entre 2 et 3 fois par semaine. Pour finir, les buveurs les moins réguliers appartiennent aux filières de l’ordre des sciences sociales. On semble donc pouvoir en conclure que la fréquence de consommation est liée au stress des études qui serait alors assimilable à un vecteur d’alcoolisme.

Qui sont les plus gros consommateurs ?

Il n’y a pas de quantité de consommations déterminée pour considérer qu’un individu est alcoolique. Pour autant, certains sites internets à la crédibilité douteuse nous disent que 4 conso c’est trop, d’autres préciserons que pour un étudiant ça va mais que 7 ça va pas. Bref, rien de bien fixé, mais ça reste un paramètre intéressant : une consommation équivalant à 10g d’alcool, on peut plus ou moins en déduire l’état des personnes. Une trentaine d’étudiants sur les 80 interrogés prennent au moins 4 consommations à chaque fois qu’ils boivent. 4 consommations c’est le double de la limite autorisée pour conduire (pour une personne de corpulence standard et sans prendre en considération l’effet véritable sur elle). Deux tiers d’entre eux sont en filières de santé ou scientifique (médecine, pharma, biomédicale), le tiers restant est composé d’étudiants de droit économie-gestion. Encore une fois, on constate que ce sont les filières considérées comme les plus stressantes qui contiennent les plus gros buveurs. Si on considère que pour un étudiant qui fait souvent la fête il est normal de consommer 4 consommations et qu’il faut rehausser le seuil de risque à 7, alors on diminue de moitié le nombre de personnes qui ont un consommation à risque, cependant ce n’est pas parmi eux que se trouvent les buveurs les plus réguliers.

La date du premier verre joue-t-elle sur la consommation ?

La majorité des sondés a consommé son premier verre entre 15 ans et 16 ans ; seulement 6 personnes sur 80 ont commencé à boire à 18 ans. Ceux qui boivent le plus fréquemment (consommation hebdomadaire à quotidienne) ont commencé à un âge compris entre 12 ans et 17 et on constate que plus les sondés ont commencé à boire jeune, plus il ont tendance à consommer régulièrement. De plus, force est de constater que parmi ceux qui boivent moins de 4 consommations à la fois, deux tiers d’entre eux ont bu leur premier verre entre 15 ans et 18 ans, alors que ceux qui boivent plus de 4 consommation ont plutôt commencé entre 12 ans et 16 ans.

Y a-t-il une conscience du risque ?

J’écris ces lignes alors qu’hier, en soirée, j’ai vu étudiant s’ouvrir le crâne en tombant dans un bar. Et ce n’était pas parce que sol était glissant… Ça va être dur d’être objectif. Ici, on ne parle pas de l’habituel accident de la route, non. L’alcool est certes responsable de nombreux accidents en tout genre, mais cela a tendance à moins concerner les personnes habitués à ses effets. En effet, quelqu’un buvant fréquemment a tendance à ne pas forcément prendre de risques de ce genre ou s’est habitué à l’état d’ébriété au point de pouvoir anticiper les situations à risque. Cependant, sur le long terme, l’alcool peut avoir des effets néfastes sur la vie sociale, professionnelle ou familiale : cela peut être dû au phénomène d’addiction mais également à l’état d’ébriété fréquent.
Dans les faits, 20 % des sondés pensent avoir une consommation à risque et la moitié d’entre eux font partie des 20 % pour lesquels quelqu’un s’est déjà inquiété de la consommation. Pratiquement tous boivent 2 à 3 fois par semaine. Malgré cela, seulement 5 des sondés pensent avoir un problème avec l’alcool et consomment tous au moins 3 fois par semaine sauf un et 5 autres répondent ne pas savoir et consomment également 2 à 3 fois par semaine voir quotidiennement. De plus, 13 personnes déclarent avoir eu un accident à cause de l’alcool et 4 ont fait un coma éthylique. En jouant sur un autre tableau, 6 sondés estiment avoir été pénalisés socialement et 10 disent avoir rencontré des problèmes de couple.

C’est bien beau tout ça, mais qu’est-ce qu’on en fait de vos 3 pages de texte, là ?

Si nous reprenons les chiffres depuis le début, on peut se rendre compte de certaines choses. A commencer par le fait que plus on consomme son premier verre jeune, plus on a de chance de développer une consommation à risque. La majorité d’entre nous avons consommé avant, voir bien avant, notre majorité, pourtant donner accès à l’alcool à un mineur est prohibé. On peut donc en conclure qu’il y a un manque de prévention criant, au moins auprès des bonnes personnes. Si les messages de prévention sur les dangers liés à l’abus d’alcool sont omniprésents, on ne voit aucune prévention sur le fait (pour des parents par exemple) de permettre à un mineur de boire de l’alcool. Comme nous l’avons constaté plus tôt, la sur-consommation d’alcool semble être encouragée par les filières stressantes ou sélectives. D’ailleurs, près de 40 % des sondés déclarent boire pour se détendre, 20 % boivent sans raison particulière et 15 % déclarent boire ou avoir bu pour oublier. Bien évidemment, tous les étudiants ne se jettent pas sur l’alcool simplement pour contrer le stress, mais là encore les chiffres témoignent d’un manque d’accompagnement. Si certains ressentent bel et bien un besoin d’alcool pour se sentir mieux, cela représente une porte ouverte à l’alcoolisme. On constate, enfin, que la conscience du risque est relativement faible et que seulement 5 % des sondés ont déjà songé à arrêter l’alcool ou diminuer leur consommation, soit encore moins de personnes que celles qui sensibilisées au problème.

Alors on est tous foutus… ?

Non, quand-même pas. Analyser ces chiffres aussi simplement c’est faire des raccourcis. Il faut prendre en compte le fait que les études sont une période de la vie rythmée par les soirées et les sorties entre amis. Alors certes rien n’oblige à alcooliser tous nos événements, mais seraient-ils toujours aussi vendeurs ? Sur le même principe, l’alcool est, pour les étudiants, un outil d’intégration social au même titre que la cigarette (pas tellement meilleur me direz-vous). La très grande majorité des sondés consomment pour faire la fête (70%) ou marquer un événement (50%) et dans des cadres adaptés aux soirées entre amis (boîtes, pubs, soirées chez des amis). Finalement, si on ne peut que constater que les étudiants sont nombreux à avoir adopté un comportement à risque avec l’alcool, on ne peut pas ignorer le fait qu’il est lié à un contexte limité au temps des études et qui ne saurait laisser présumer d’un véritable alcoolisme un fois entré dans la vie active.

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