Hello à tous!
Tous ces livres qui se retrouvent dans vos mains sont souvent le fruit du hasard et… D’un peu de chance :)
Ma co-lectrice m’écrit un matin, au moment où j’avais déjà bouclé le contenu des abonnements de septembre, qu’elle n’a pas dormi de la nuit tant elle a été captivée par un livre qui faisait partie des recommandations de sa bibliothèque. Elle l’avait pris sans trop réfléchir, commencé à le lire… Et là, coup de coeur. Ca m’a un peu intriguée, mais j’avoue pas plus que ça comme ma co-lectrice lit BEAUCOUP et qu’elle a donc beaucoup de recommandations :-D
Mais il se trouve que ce jour-là, je pouvais passer par une bibliothèque de mon quartier qui avait un exemplaire du livre et moi aussi, je l’ai démarré sans en attendre quoi que ce soit.
Et ce livre, Née Contente à Oraibi de Bérengère Cournut, a été d’une évidence incroyable. J’aime évidemment tous les livres que je vous envoie, mais mon attachement est à chaque fois différent. Il y a des livres qui m’ont pris la main avec douceur, d’autres qui m’ont plutôt désarçonnée au départ avant de révéler leur profondeur au fur et à mesure…
Mais Née Contente à Oraibi fait partie de ces rares livres dont la grâce et la poésie vous emportent dés les premières pages, où l’écriture et l’histoire sont si éclatantes de beauté que je ne me suis même pas posée la question du quoi, quand, comment. Il fallait absolument que je vous envoie ce livre au plus vite en septembre, dans ce thème qui parlait de contes, de liberté, de nature.
C’est à cette occasion que j’ai recommencé à parcourir le catalogue de la maison d’édition Le Tripode, qui a publié Née Contente à Oraibi.
Je vous le raconterai prochainement dans un article, mais une grosse partie de mon travail de repérage se fait en épluchant le catalogue des maisons d’édition, notamment celles qui ont une cohérence et une identité fortes, où vous savez qu’il y a la même personne et la même sensibilité qui est derrière chacun des livres.
Le Tripode, que Frédéric Martin a fondé en 2013 en fait partie. Une maison d’édition avec évidemment des textes et des styles très différents, mais où on retrouve un fil rouge subtil, un appel à l’imaginaire, une qualité d’écriture, et des livres dont la beauté graphique est juste un régal des yeux.
En explorant ce catalogue aux mille tentations, et après avoir tant aimé Née Contente à Oraibi, je me suis dit qu’il fallait que je rencontre Frédéric Martin. Et que je partage avec vous l’histoire de ce livre magnifique et ses impressions d’éditeur.
J’espère que découvrir le chemin qu’a parcouru ce livre et ce portrait en quelques questions vous plaira… Et il ne me reste plus qu’à vous dire : bonne lecture :)
Histoire d’un livre :
Née contente à Oraibi de Bérengère Cournut
La rencontre entre Frédéric Martin et Bérengère Cournut remonte à l’époque où il travaillait à Attila, la maison d’édition qu’il a cofondée avec Benoît Virot en 2009. Bérengère et Benoît s’étaient rencontrés lorsqu’ils étaient étudiants. Elle avait notamment écrit plusieurs textes courts pour une revue que Benoit avait créée, des textes qui allaient finalement donner naissance à son premier roman, L’Écorcobaliseur, publié chez Attila en 2010.
En 2013, Frédéric et Benoit ont décidé de continuer à faire leur chemin séparément, Frédéric en créant Le Tripode et Benoit Le Nouvel Attila. Parce que Bérengère s’entendait très bien avec les deux éditeurs, elle a eu la grâce, pour reprendre le terme de Frédéric, de chercher un troisième éditeur afin de ne blesser la sensibilité de personne. Ils sont restés proches, et lorsqu’elle a eu un manuscrit à proposer, il a voulu l’aider à trouver une maison d’édition pour ce texte parmi des éditeurs qu’il connaissait. Et… Il se trouve qu’aucun d’entre eux n’a été intéressé par ce manuscrit. Puisqu’elle n’avait pu trouver un autre éditeur, Bérengère est revenu le voir pour lui proposer de publier ce texte… Ce qu’il a accepté, « avec un grand sourire », comme me l’a raconté Frédéric :) Quelques mois après, cela donnait donc Née Contente à Oraibi :)
Je suis née contente à Oraibi, ancien village hopi perché sur un haut plateau d’Arizona. Je dis née contente, car à l’âge de vingt jours, quand les femmes m’ont présentée au soleil levant, il paraît que j’ai poussé des cris qui ressemblaient plus à des éclats de rire qu’aux pleurs ordinaires des enfants. Après la période rituelle durant laquelle j’étais restée dans le noir, encore en lien avec le monde d’en dessous, j’étais sans doute heureuse de découvrir enfin la lumière du Quatrième Monde, celui dans lequel j’allais devoir trouver ma route, en harmonie avec le grand projet de vie de notre créateur le Soleil Dieu, Taiowa.
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Questions à Frédéric Martin
Qu’est-ce qui vous a touché dans ce texte ?
Sa générosité, sa lumière, sa bienveillance. Et littérairement, c’est une écriture précise, très posée, qui ne cherche pas à faire des effets. Bérengère ne cherche pas à impressionner. Mais il y a dans son écriture une grande humilité qui est la marque des grands écrivains. En fait, on ressent à travers son texte qu’elle est en paix avec elle-même.
Et à la fin, on est un peu devenu Hopi sans se rendre compte. Le début est très prosaique, mais petit à petit, sans effet spectaculaire, on se découvre hopi. Bérengère est parvenue à ramener l’étranger à une altérité qui nous était proche.
D’ailleurs, j’ai pensé qu’il fallait donner une mesure de ce qu’on venait de vivre à travers sa lecture. Bérengère avait pensé à proposer une préface qui présenterait le peuple Hopi, sa culture, etc. Mais cela aurait réduit le livre à une dimension ethnologique, alors qu’il est bien plus que cela. D’où cette idée d’un livret de photos à découvrir à la fin de sa lecture.
De la fragilité du destin d’une oeuvre.
L’histoire de Née Contente à Oraibi témoigne quelque part de la fragilité du destin de chaque livre. Le texte de Bérengère Cournut, qui a été d’une évidence éclatante pour tant de lecteurs, aurait très bien pu ne jamais être publié. Cela montre la fragilité d’une oeuvre, combien il faut faire attention, réfléchir à tout, pour porter au mieux un livre.
Qu’est-ce qui vous a amené à devenir éditeur ?
A dix ans j’aimais beaucoup lire. Devenir éditeur était en quelque sorte un remerciement par rapport à ce que j’avais pu recevoir. Et au fond, j’aurais pu être bibliothécaire ou libraire : j’aurais continué à défendre des livres que j’aime, mais de manière différente. En fait, le plus important pour moi était de travailler dans un monde où les livres avaient la première place.
Après, par rapport à ma manière de faire de l’édition, ma rencontre avec Francis Ponge a été importante, sur le rapport à la langue, la nécessité de trouver le mot juste.
Et Hugo Pratt m’a aussi énormément marqué, car il a été ma première expérience de lecture d’un artiste qui était fou de littérature. C’est quelque chose qu’on retrouve dans la maison d’édition, comme j’essaie de faire le pont entre littérature et art, entre le texte et l’image. On travaille avec des artistes qui sont aussi écrivains et vice versa.
Mais c’est avec L’art de la Joie que j’ai vraiment compris l’importance du travail d’éditeur. Goliarda Sapienza est morte quasi méconnue en Italie. J’ai découvert ce texte grâce à un éditeur allemand, et elle est devenue une auteure très importante pour moi, ma femme dit même que nous formons un couple à 3 avec elle! Le livre a connu un grand succès en France, et maintenant, suite à cette publication et la réédition du livre en Italie, elle est considérée comme l’un des auteurs les plus importants de la littérature italienne du 20e siècle.
Frédéric Martin en quelques dates
1975 – Vient au monde
2001 – Secrétaire général aux éditions Viviane Hamy
2009 – Fonde avec Benoît Virot la maison d’édition Attila
2013 – Après la scission d’Attila, fonde Le Tripode
Un livre à conseiller à nos abonnés ?
Le Vagabond des Etoiles de Jack London, parce que c’est un livre généreux, politique et doux en même temps. Dénonçant les conditions d’incarcération aux Etats-Unis au début du 20e siècle, c’est un vrai brûlot contre la prison, mais c’est aussi une sorte de mille et une nuits à l’américaine, comme c’est l’histoire d’un homme torturé par un directeur de prison, et qui s’échappe de sa condition en revivant ses vies antérieures.
J’étais émerveillé, j’étais comme un enfant en lisant ce roman qui défend la dignité humaine tout en étant un livre qui fait du bien.
Merci à Frédéric Martin pour avoir répondu à nos questions… Et pour nous avoir offert cette jolie lecture qu’est Née Contente à Oraibi!
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Née Contente à Oraibi a été proposé dans l’abonnement Bonheur de Lecture de Septembre 2017.
Comme nous avons vendu cette première version, nous vous invitons à passer la porte de votre librairie ou de votre bibliothèque préférée pour vous procurer l’ouvrage! :)
A noter que Le Tripode vient de publier un magnifique coffret avec des aquarelles d’Hugo Pratt, avec des textes rares d’Arthur Rimbaud, Rudyard Kipling et Giorgio Baffo, que votre serviteure a pu contempler émerveillée ;-)