En sortie sur les écrans français le 18 octobre 2017, ce premier documentaire long métrage montre comme on l’a rarement vu des jeunes femmes de Ouagadougou dans leur entrée dans le monde adulte à travers une formation en mécanique, en contradiction avec les usages. Ses choix esthétiques réduisent par contre sa portée.
Née en Suède et ayant grandi au Burkina Faso, Theresa Traoré Dahlberg tenait à revenir sur son adolescence à travers un documentaire sur les jeunes femmes à Ouagadougou aujourd’hui. Elle choisit une classe de tôlerie peinture dans un centre de formation féminin spécialisé dans la mécanique. Donc des femmes qui ont choisi un métier d’hommes, dans un milieu où, dit une garagiste qui a réussi à s’imposer, « c’est comme la jungle ». Quel avenir pour ces femmes lorsque tout le monde s’étonne de leur choix ? L’une d’elles dit devoir insister sur sa volonté de faire ce métier auprès de son futur mari, sachant bien que dans l’intimité de la cour, il risque ensuite de lui interdire de le pratiquer…
Pourquoi un choix aussi radical ? Elles n’en font pas un slogan. On sent moins pointer la vocation que la nécessité de trouver une voie pour travailler. Mais aller ainsi à l’encontre des coutumes d’une société augmente l’incertitude de leur situation, d’autant plus que le pays est en plein changement politique, après la chute de Blaise Compaoré, ce que le film évoque par des plans sur les affiches électorales ou quelques sons de radio. Ce centre de formation féminin a été créé par Thomas Sankara, qui s’était engagé pour l’accession des femmes à des métiers jusque là interdits.
Theresa Traoré Dahlberg insiste dès lors sur la solidarité du groupe, sa bonne entente, et combien chacune appuie l’autre dans sa résilience et sa détermination. Ce sont des jeunes, souvent plus intéressées par leurs portables ou leurs tresses que par les exercices pratiques sur les vieilles bagnoles du centre de formation. Leurs bleus de travail cachent mal des chaussures fantaisies… On les voit cependant peu à peu évoluer de la désinvolture à la lucidité, à la recherche de leur place dans la société. Difficilement imaginable dans des centres de formation en France, elles ont des cours d’éducation sexuelle tandis qu’une psychologue les accompagne sur la durée. Cela permet à la réalisatrice d’accéder à quelques témoignages touchants où les jeunes femmes révèlent leurs blessures et des pans de leur sensibilité.
Ce n’est cependant que dans ces petits moments que le film transcende la pesanteur qu’il installe. Evitant l’interview, Theresa Traoré Dahlberg privilégie des mises en scène d’échanges et de situations jouées ou rejouées où la caméra pèse fort. Est-ce la crainte d’avoir trop de sous-titres ? Les conversations sont essentiellement en français, tandis qu’on voit parfois le mooré s’imposer plus naturellement. Cela contribue à figer quelque peu les comportements alors que les jeunes femmes pétillent de vie. Les nombreux plans de coupe sur les rues de Ouaga et les tribulations des étudiantes neutralisent le rythme du film et semblent être préférés à l’approfondissement d’un ou deux personnages tandis que la relation à la réalisatrice est éludée. Tout cela contribue à faire de Ouaga Girls un exercice inaccompli alors même que la vie est là, qui ne demanderait qu’à être captée.