Où il est enfin question de cette présidence des riches enfin en marche, du boulet fiscal et des menaces sur nos libertés.
Jupiter ne déçoit que celles et ceux qui l'ont pris pour un nouveau Kennedy social-démocrate. Cette semaine, ses sbires ministériels dévoilent l'un des budgets publics les plus inégalitaires que notre Vème République ait connu. En parallèle, l'Assemblée docile achève de voter la légalisation de l'emprisonnement et de l'espionnage sur la base de soupçon. Et quelques éditocrates se réjouissent que la grève des routiers contre la loi Travail ne bloquent pas suffisamment le pays.
Merci Macron, merci patron.
Macron, pénible
Mardi, l'émission Cash Investigation d'un service public télévisuel à qui le gouvernement confirme qu'il perdra 80 millions d'euros de budget l'an prochain dévoile une enquête sur ce que signifie réellement la pénibilité au travail à travers deux cas exemplaires de réussites françaises - l'expansion de la filiale du groupe allemand Lidl et la pépite cool-zen et moderne "Free". On y découvre ces casques audio qui robotisent les préparateurs de colis du nouveau champion de la grande distribution française, les maladies professionnelles qui fracassent des corps pourtant jeunes et "fabriquent des chômeurs de longue durée" comme l'explique un chercheur, ou ces listes noires de salariés constituées par la direction de l'entreprise Free.
Interrogée en fin d'émission, la ministre du Travail cache mal son malaise mais répète les éléments de langage sur ce "dialogue social" si important. Elle ment à trois reprises. Elle ment d'abord quand elle justifie que le plafonnement des indemnités prudhommales a été défini sur la base d'une moyenne"de ce qui se fait aujourd’hui aux prud’hommes". La réforme réduit de moitié au moins ces indemnités pour les salariés d'ancienneté inférieure à une décennie. Pénicaud ment ensuite quand elle explique que le juge aura le dernier mot. Elle ment enfin quand elle promet que ce plafonnement réduira les écarts d'indemnités.
Deux jours plus tard, le premier ministre Edouard Philippe répète les mêmes éléments face à Jean-Luc Mélenchon à la télévision sur la même chaîne: "vous ne croyez pas au dialogue social". Chez Lidl France, malgré le "dialogue social", les préparateurs qui n'atteignent pas les 250 colis par heure sont ... virés.
"Un quart des salariés va travailler avec la boule au ventre, plus d'un tiers affirme avoir fait un burn-out et 43 % ressentent des douleurs à cause de leur métier. Derrière le succès de certaines grandes entreprises se cachent parfois des méthodes de management ravageuses. Lidl, enseigne majeure de la grande distribution, est sortie du hard-discount en bouleversant le fonctionnement des magasins comme des entrepôts. A quel prix ? Enquête chez Free, auprès des salariés employés dans les centres d'appels, les «ouvriers du XXIe siècle», selon Xavier Niel, son dirigeant." Présentation de Cash Investigation, 25 septembre 2017, France 2.On se rappelle la formule du président des riches, le 11 juillet dernier:
"Je n’aime pas le terme [de pénibilité] donc je le supprimerai. Car il induit que le travail est une douleur".
Oui, le travail est parfois une douleur.
Mercredi, Macron est à la Sorbonne pour "parler d'Europe". On croit rêver. Il faut l'écouter pour le croire. L'avant-veille, Angela Merkel a été réélue de justesse, mais pour la quatrième fois, à la tête de l'Allemagne: elle a capté un gros tiers des suffrages, mais l'extrême droite xénophobe fait une entrée fracassante au Bundestag. Alors Macron parle d'Europe, discours retransmis sur les chaînes d'info et spectacle garanti. Son "projet européen" est si généreux qu'on se demande pourquoi il ne commence pas à l'appliquer déjà dans le pays qu'il dirige avec les pleins pouvoirs. Jupiter veut « rendre au peuple » l’Europe, et davantage de « contrôle démocratique. » En France, la loi Travail est ratifiée sans débat par lui-même, monarque vertical, devant les caméras. Et l'un de ses ministres fait voter l'une des pires lois sécuritaires du moment.
Deux rapporteurs de l'ONU sur les droits de l'homme s'inquiètent justement de ce projet de loi sécuritaire, le 12ème en 15 ans, que son sinistre ministre de l'intérieur défend à l'Assemblée. Pour sortir de l'état d'urgence, un régime d'exception qui a au moins le mérite d'être obligatoire examiné par les parlementaires tous les 6 mois, Jupiter l'inscrit définitivement dans la loi ordinaire. Désormais, le droit commun autorise l’exécutif, sans contrôle d’un juge, de surveiller quelqu’un et de le punir sur la base de simples présomptions.
Le simplet qui sert de porte-parole gouvernemental explique benoitement que les honnêtes gens n'ont rien à craindre. Cette loi est non seulement digne d'un Etat totalitaire, mais elle est surtout complètement inutile contre les terroristes islamistes isolés qui décident d'écraser en camion ou de trucider dans les rues.
Macron crée une nouvelle insécurité intérieure, le primat du soupçon sur la preuve. Et croyez vous qu'il attaque les financiers du terrorisme ?
Le boulet fiscal de Jupiter
Tout le monde a encore en mémoire le "paquet fiscal" de Sarkozy voté précipitamment lors de l'été 2007 suivant son élection: en échange d'une mésure prétendument sociale mais ruineuse pour l'emploi (l'exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires), Sarkozy avait fait passer l'essentiel des mesures les plus symboliques de sa présidence des riches (bouclier fiscal, réduction de l'ISF et des droits d'héritage, etc).
Les rentiers avaient gagné.
Macron fait mieux encore. La réduction de l'impôt des revenus du capital, sans contrepartie en termes d'embauches ou d'investissements, est hallucinante.
Jugez plutôt.
Le président des riches réduit l'ISF à quasiment néant, mais il réduit aussi les aides au logement pour financer le cadeau: "120.000 à 150.000 contribuables paieront le nouvel impôt sur la fortune immobilière, contre 340.000 pour l'ISF" explique le quotidien libéral Les Echos. Et le nouvel "IFI" ne rapporterait que 850 millions d'euros, contre plus de 5 milliards pour l'ISF. Et ce nouvel IFI épargnera les yachts, les lingots d'ors, les œuvres d'art.
Merci Macron, merci patron.
Pour se dédouaner, le gouvernement promet que 80% des foyers français seront exonérés de taxe d'habitation (dont 40% qui l'étaient déjà). Mais le cadeau sera livré "d'ici 2020". La quasi-suppression de l'ISF interviendra au contraire dès l'an prochain car les plus aisés ont des besoins plus urgents. La justification est connue: en exonération tout ce qui n'est pas du patrimoine immobilier (entreprises, actions, obligations, lingots d'or et œuvres d'art), cette épargne libérée va "ruisseler" en investissement dans l'économie productive.
Le gouvernement jupitérien veut aussi réduire les prélèvements sur les revenus du capital (qui en bénéficie, à votre avis ?), en créant un prélèvement forfaitaire unique (PFU) une "flat tax" à la Thatcher qui s’appliquera aux revenus de valeurs mobilières (dividendes, intérêts, plus-values de cessions d’actions), à compter du 1er janvier 2018, fixée à 30 % et qui coutera à l'Etat 2 milliards d'euros la première année.
En d'autres termes, à revenu égal, le capital sera moins taxé que le travail. Voici le résumé de cette Présidence des riches.
Récapitulons, sur les 11 milliards d'euros de réduction d'impôt promises dans ce budget pour l'an prochain, plus de 5 milliards portent sur les revenus du capital et le patrimoine des ex-assujetis à l'ISF, 3 milliards en faveur des entreprises et seulement 3 milliards pour les ménages (assujettis à la taxe d'habitation). Belle répartition des cadeaux. Le Père Noël jupitérien a le sens des priorités.
Il y a quelques dizaines de députés socialistes, passés avec armes et bagages chez En Marche, pour encore applaudir ce grand recul. Ces brebis égarées savent-elles seulement à quoi collaborent-elles ?
Merci Macron, merci patron.
"Quand on regarde l’ensemble des mesures proposées dans le programme présidentiel, elles sont clairement au bénéfice des ménages les plus riches." Un économiste de l'OFCE.Punir la masse Pour financer ces réductions d'impôts qui bénéficient majoritairement à quelques centaines de milliers de foyers aisés, le gouvernement Macron a prévu des économies. Croyez vous qu'il s'attaquerait à quelques niches fiscales profitant aux mêmes aisés ? Que nenni ! Jupiter frappe là où cela fait mal ... pour le plus grand nombre: voici d'abord 3 milliard de réduction des aides au logement, 1,5 milliards sur la réduction du nombre d'emplois aidés (4 milliards en 2020!). L'argument, répété par Edouard Philippe (qui ?), le premier ministre, jeudi soir sur France 2, est le même: ces dispositifs seraient "inefficaces". Inefficaces pour qui ? La réduction de 80% de l'ISF sans contrepartie serait-elle plus efficace ?
Le reste des 15 milliards d'économies (et non 20, première promesse non tenue les amis macronistes), sera ponctionné sur des secteurs "inefficaces", ne riez pas: la sécurité, les collectivités locales, la sécurité sociale... Autre mesure, écolo et anti-sociale: le diesel sera taxé davantage, pour quelque 3,7 milliards d'euros supplémentaires l'an prochain.
Sans commentaire.
Merci Macron, merci patron.
Pour sa présentation, concoctée par on-ne-sait-quelle agence de publicité, les "slides" fleurent bon les éléments de langage. La gouvernement met en avant ce qu'il fait pour "le pouvoir d'achat" puis "les salariés", les "familles", les "indépendants". Bizarrement, il manque un "slide", ou plusieurs car cela ne tiendrait pas sur une feuille, un "slide" pour expliquer, assumer, justifier ce que cette présidence des riches fait pour les riches.
Une paille.
70% des réductions d'impôts promises l'an prochain sont promises aux entreprises, au capital et à une minorité de foyers les plus riches.
Les labos disent merci...
La Sécurité sociale a été fondée en 1944. C'est sans doute l'un des anciens et plus précieux progrès républicains. Chaque coup de canif contre elle, au nom de cette vulgate libérale qui veut que chacun devrait être davantage "responsable" de sa santé et de l'orthodoxie budgétaire, est plus important que sa valeur même. Il témoigne d'un état d'esprit, d'une trahison.
Jeudi, la ministre de la Santé Agnès Buzyn révèle justement son projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Cette présidence des riches table sur 4,2 milliards d'euros d'économies, sur le dos des patients ou des établissements de santé, pas sur les labos.
Les labos seront satisfaits: le gouvernement rend 11 vaccins obligatoires (contre 3 aujourd'hui), sous peine d'exclusion de crèches. Le projet de loi ne détaille pas combien coutera cette nouvelle vaccination obligatoire, ni bien sûr si ces vaccins seront obligatoirement "génériques". Seules 12% des économies sur la Sécu incomberont aux labos (baisse du prix des médicaments: 480 millions d'euros).
Les établissements de santé et médico-sociaux devront trouver 1,2 milliards d'euros d'économies. Pour les patients, la note est également salée: le forfait hospitalier augmentera de 2 euros par jour (+200 millions d'euros), en sus des 2 euros supplémentaires sur les consultations de médecins généralistes votées sous Hollande. S'ajouteront quelque 340 millions d'euros de déremboursements de médicaments. La ministre explique que les patients ne subiront rien puisque les mutuelles paieront. Quelle belle "novlangue" macroniste ! Quatre millions de foyers n'ont aucune mutuelle. Et les pour les autres, les mutuelles augmenteront leurs tarifs, comme elles l'ont déjà annoncé (+5% en moyenne l'an prochain).
Les autres baisses ou déremboursements de soins les plus importants concerneront la réduction des arrêts de travail et du transport médicalisé (240 millions), la réduction du nombre de soins (335 millions d'euros), la baisse des prescriptions (320 millions).
La revalorisation des retraites (0,8%) est repoussée de 2018 à 2019. La CSG augmentera dès janvier de 1,7 point (tandis que la baisse des cotisations chômage est versée en deux temps, janvier puis octobre). Généreux, le gouvernement a exclu les retraites de moins de 1 400 euros mensuels de cette hausse.
Pour les familles, l'unique réelle bonne nouvelle de ce projet de loi est aussi modeste que le nombre de familles concernées: l'augmentation de 30% du complément de mode de garde (CMG) pour concernera 78 000 familles monoparentales à faibles revenus. Cette mesure sera financée par une baisse des prestations familiales (environ -15 euros mensuels pour 1,5 million de foyers bénéficiaires; ) et un durcissement des critères d'attribution (10% de familles seront exclues du dispositif). Au final, par ce tour de passe-passe, ce sont 500 millions d'euros que le gouvernement veut économiser sur les prestations familiales.
Enfin, Jupiter sanctuarise le pacte irresponsable de François Hollande: le CICE est remplacé par un allègement sans contreparties des cotisations sociales (6 points dans la limite de 2,5 fois le SMIC). Il prévoit aussi la suppression du RSI et le transfert de la Sécu des travailleurs indépendants au régime général de la Sécu, avec une phase transitoire de 2 ans.
Merci Macron, merci patron.