Combattre et pérorer

Publié le 30 juin 2008 par H16

Une terrible nouvelle a secoué le pays ces derniers jours : le PS, par le truchement de sa fière représentante injustement boutée hors de la présidence par un électorat chafouin, avait réussi à formuler des idées chocs, un programme clair et une position limpide dans un ensemble de documents électroniques. Las, à la suite d'un "inquiétant" cambriolage au domicile de la Pudibonde du Poitou, ces merveilleuses idées, ces traits de génie ont été définitivement perdus : pas de backup, plus de souvenirs. Se ressaisissant à peine, la dame aux caméras n'a donc même pas pu nous promettre du sang et des larmes, tout juste des petits fours et un peu d'air chaud...

Pour les petits fours, gageons que le Parti Socialiste aura su faire ce qu'il fallait. Pour l'air chaud, c'est avec son modeste opus en ... 42 pages que Ségolène nous présente son combat et ses propositions péroraisons.

Péroraisons qui commencent très fort dès les premières lignes, je cite :

La France va mal. Elle a besoin de nous. Elle nous attend. Elle nous appelle, elle nous cherche. Mais elle ne nous trouve pas, elle ne nous reconnaît pas, elle ne nous comprend pas. « Où êtes-vous ? », nous crie-t-elle. Que veut le plus grand parti de gauche ?

Il manque vraiment le son à cette introduction, qu'on imagine à souhait lacrymogène, sur une musique triste aux envolées quasi-messianiques. Mais, les lignes suivantes nous ramènent bien vite à terre.

Après les quelques constatations d'usage (sur le moral des Français, l'état général du pays, etc...), le discours prend un tour intéressant : alors que Chirac faisait dans la fracture, et Sarkozy choisissait la rupture, Ségo, elle, utilisera la déchirure. Généreux, ce blog en profitera pour offrir les noms communs utilisables par les prochains candidats à l'élection ; je propose ainsi bromure, raclure, et enfin pourriture. Parions qu'ils serviront à un moment ou un autre.

Cependant, quelques lignes plus loin, en guise de déchirure, Ségo ne frôle en tout cas pas la ligamentaire en allant chercher une analogie assez bateau, et en puisant dans les pages d'un Dickens très en phase avec le socialisme du XIXème siècle. On regrettera Zola... Cette utilisation nostalgique des références d'une époque depuis longtemps révolue explique fort bien, d'ailleurs, la perte de vitesse d'un parti qui se morfond dans des schémas de plus en plus dépassés...

Le reste de l'indigeste épistole poitevine est à l'avenant et les têtes de chapitre en parfaite illustration du grand courant d'air qui agite les crânes socialistes. L'ex-candidate enfile en effet les phrases plus ou moins creuses sans répondre aux questions qu'elle se pose elle-même. Par exemple, partant du titre ronflant "Une lucidité radicale", on a le droit, sur plusieurs longs paragraphes, à des considérations générales sur une société plus rose, plus douce, plus sympa, plus sociale, en somme, dans laquelle on trouvera des citoyens plus funs, plus fluos, plus festifs et (bien sûr) plus citoyens. Société dans laquelle le PS se fera fort de garantir à chacun, d’où qu’il vienne, l’émancipation individuelle d’un bout à l’autre de son existence, ce qui veut dire, comme chacun le comprendra bien, ... rien du tout.

Je passerai sur la prose épuisante (elle me fait presque penser à la mienne, c'est vous dire !) basée sur un remplissage ventripotent (eh oui, garantir à chacun une émancipation qui ne soit pas individuelle, je voudrais bien voir ce que ça donne), des tournures sonores comme des tonneaux vides lancés sur des roues pavées de bonnes intentions mal ajustées, comme par exemple cette volonté stupéfiante de vouloir un PS, je cite, avec une équipe dirigeante et un leader - non ?! sans blague - qui incarnent une espérance, un souffle, une envie de se mettre en mouvement : en résumé, un PS avec un chef et de la musique techno dans le fond. C'est jeune, c'est festif, et ça donne envie de bouger...

C'est à partir de la page 14 qu'on peut commencer à espérer quelques actions concrêtes. Notre sémillante candidate perpétuelle nous propose ainsi de grever le budget de l'état en mettant en place un "chèque syndical" (prise en charge de tout ou partie de l’adhésion par l’État), ajoutant ainsi à l'opacité totale des comptes syndicaux et aux subventions qu'ils touchent un mécanisme de financement des adhésions dont on se demande exactement comment il sera financé.

En vrac et un peu plus loin, le volatile politique propose :

  • de réformer l'indice INSEE (indispensable en cas de panique : changer les indicateurs)
  • mettre 300.000 logements sur le marché (ce qui ne va pas du tout amplifier le krach à venir)
  • de faire des rapports fiscaux transparents (pour stimuler la concurrence avec la Cour des Comptes, sans doute) visant à "rétablir la vérité fiscale", projet politiquement désastreux, les gens décidant probablement d'étêter un pouvoir mafieux si coûteux
  • de réserver une part de l'impôt à la sécu, mélangeant les concepts et flanquant ainsi par terre des années de comptabilité publique
  • etc...


Grand comme ça, que je vous dis !

A noter avec attention, son chapitre 4 sur l'Etat Préventif, qui résume à lui seul des années de socialisme-nounou, dans lequel l'Etat s'occupe de tout et n'importe quoi, depuis le téton jusqu'au sapin, en passant par l'assiette, l'école ou la prison : l'autoroute de la servitude à vitesse régulée et en quelques paragraphes péniblement troussés...

Le chapitre 5 assure la trajectoire constante "Plus de problèmes nécessite plus de moyens donc plus de prélèvements qui provoquent plus de problème et passez par la case départ sans toucher 20.000 €", en l'appliquant à la Sécurité Sociale. Quant au chapitre 6, c'est un salmigondis pathétique de mesures éculées tant de fois essayées et tant de fois prouvées idiotes qu'il ne trouve son originalité que dans la forme, confuse et ampoulée, visant à exprimer de façon amphigourique des platitudes consternantes. Proposant de mettre des choses là où il n'y a rien et d'en enlever là où il y a trop, on vise ainsi à améliorer la desserte des quartiers en heures creuses, développer les écoles de parents, et financer de manière prioritaire les associations. Voilà qui va faire du bien aux phynances publiques et redonner du peps aux brûleurs de voitures, tiens !

Je n'évoquerai même pas le chapitre 7, Bricolage des Institutions et Agitations Constitutionnelles. Chacun sait que les Français n'attendent qu'une chose comme un treizième mois : c'est une autre constitution !

Finalement, pauvre Ségolène... Elle se fend d'un épais document indigeste et inutile, fait beaucoup de bruit autour en espérant probablement déclencher chez le militant PS de base un désir d'avenir pour elle, et l'actualité, via un militaire oublieux et une vingtaine de blessés graves, la renvoie dans l'azur éthéré qu'elle a tant de mal à quitter.

Quand on ajoute aux productions soporifiques de la pintade charentaise les agitations dramatiques agaçantes du Lider Minimo sarkozien, le constat reste malheureusement le même : aucun dirigeant ne semble encore apte à relever le niveau de ce morne pays, qui, encore un peu plus qu'hier et certainement bien moins que demain, apparaît bel et bien comme foutu.