Eugène et Pierre Fankhauser
Hier soir, pour sa première rencontre du lundi soir de la saison 2017-2018, l'association littéraire Tulalu!? a reçu Eugène, pseudo de l'écrivain Eugène Meiltz, au Bellevaux, à Lausanne, une salle obscure d'art et essai, ouverte en 1959 par un passionné de cinéma, carreleur de son métier...
Les circonstances ne prêtaient guère à sourire, encore moins à rire. La veille, l'écrivain Philippe Rahmy était mort, subitement. Et Pierre Fankhauser, l'animateur de l'association, en guise d'hommage, a lu un texte de l'écrivain disparu, dédié à Tulalu!? pour ses dix ans d'existence.
Philippe Ramy y parle de Manès et de son livre, Shabuhragan, qu'il dédicaça au roi sassanide Shapur 1er, texte magnifique, lu avec beaucoup d'émotion par Pierre, qui, une fois terminée sa lecture, a demandé à l'assistance de bien vouloir observer une minute de silence...
Eugène, dans son oeuvre
Après quoi la vie a repris ses droits. Philippe, qui, en dépit des vicissitudes, était le sourire incarné et la joie de vivre, n'aurait certainement pas désavoué que la soirée soit souriante, et même riante. Avec Eugène, véritable bout-en-train, pouvait-il d'ailleurs en être autrement ?
Eugène a écrit il y a deux ans un livre singulier intitulé Le livre des débuts, qui comprend effectivement onze débuts de livre. Très naturellement Pierre lui en a demandé la genèse. Ce qui a permis, si l'on ne le savait pas déjà, d'apprendre qu'Eugène anime des ateliers d'écriture.
Comme Eugène, le faiseur de mots, n'est pas du genre passif, pendant un certain nombre de ses ateliers, il ne s'est pas contenté de donner un thème et un temps à ses apprentis-écrivains, il a mis la main à la pâte à papier et a écrit des textes soumis aux mêmes contraintes qu'eux.
Delphine Grataloup et Eugène, en pleine action
Pourquoi écrire seulement les débuts ? Pour ouvrir à ses lecteurs la porte de l'imaginaire. Un concours des suites a même été lancé dans la foulée et, d'ici la fin 2017, mieux vaut tard que jamais, un livre rassemblera les meilleures suites données à ces débuts, tous prometteurs...
Eugène avait-il en tête des suites quand il a écrit ses débuts ? Il reconnaît que, pour trois d'entre eux, c'était le cas. L'un de ses amis a deviné lesquels. Mais personne n'a deviné, pas même cet ami, quelles en étaient les suites. Quant aux suites du concours, elles sont la diversité même...
Eugène a lu hier soir, corps et âme, accompagné en musique par Delphine Grataloup, en tout ou partie, trois chapitres 1, des textes énergiques, comme lui : certaines phrases sont des aphorismes; certaines images sont de l'époque, dont Eugène se plaît à souligner le burlesque.
Cyrielle Cordt-Moller et Eugène
Eugène dit que le manque d'inspiration n'existe pas. Ou plutôt que les excuses d'en manquer ne tiennent pas. Il suffit de prendre le bus - il n'en coûte que quelques francs - et de regarder quelques personnes autour de soi : il y a alors matière à écrire et à noircir une page blanche...
Ne dira pas le contraire Cyrielle Cordt-Moller, dont Eugène fut le mentor à l'Institut Littéraire Suisse de Bienne, où il enseigne depuis le début... en 2006. Dans un texte d'elle, où un hôtel est devenu le personnage principal, il lui a montré, à elle qui écrit bref, tout l'intérêt de développer... le passage sur une vitrine.
Partir de petits faits vrais et, l'imagination aidant, les transformer par l'écriture, sont le secret de la fertilité d'Eugène. C'est vrai dans son Livre des débuts; c'est également vrai dans les textes de bandes dessinées auxquelles il a participé récemment :
- Dans Yoko-Ni, écrit avec Christian Denisart, illustré par PET, il décrit l'addiction bien réelle aux jeux vidéos de personnages qui sont tantôt IRL (in real life), tantôt IG (in game)...
- Dans La chasse à la licorne, illustré par Gilles-Emmanuel Fiaux, il décrit des animaux de légende que démythifie la cryptozoologie...
Après une soirée passée avec Eugène, la plume ne peut que démanger...
Francis Richard
Delphine en solo et l'ombre portée d'Eugène