Rentrée littéraire 2017
Le livre :
Mes pensées sont des papillons d’Eveleen Valadon avec Jacqueline Remy aux éditions Kero, 198 pages, 16 € 50.Publié le 6 septembre 2017
Pourquoi cette lecture :
Il s’agit d’un partenariat avec les éditions Kero.J’avais très envie de lire ce livre repéré dans les listing des publications de cette rentrée littéraire. Pour une fois que c’était la personne malade qui prenait la parole (fait exceptionnel au vu de la pathologie).
Le pitch :
"Cette maladie est quelque chose d'impalpable. Une pensée qu'on oublie, ça ne se raconte pas, ça ne se rattrape pas, comme les papillons ! Il n'y a pas de symptômes physiques. Cela ne se voit pas. C'est comme un déraillement, mais on en est conscient. On se voit flotter. On est soi et on est une autre. Cela ressemble à un dédoublement de personnalité. Et cet autre, il faut le rencontrer, l'apprivoiser.
C'est un enfant adopté. Tantôt, on l'accepte, tantôt on ne l'accepte pas. J'essaie de bien le recevoir, de ne pas me mettre trop en colère. Mais c'est un grand bouleversement". Eveleen Valadon a été diagnostiquée malade d'Alzheimer voici quatre ans. Elle se souvient très bien du passé, mais sa mémoire immédiate lui fait parfois défaut. Aidée deux heures par jour, elle vit encore seule et autonome.
Ce livre raconte son combat contre une pathologie qu'elle se refuse à nommer. Elle a voulu nous dire, en son nom et en celui de tous les autres, qu'elle n'est ni démente ni agressive, et tordre le cou aux stéréotypes dont cette maladie est porteuse. Eveleen lutte pour retrouver la femme qu'elle n'a pas cessée d'être. Ce livre est son défi, pour montrer à cet ennemi de l'intérieur qu'elle ne va pas se laisser effacer.
Ce que j’en pense :
La maladie peut frapper n’importe qui et chacun réagira différemment. Eveleen Valadon souhaite mener jusqu’au bout un combat qui sera difficile et pas seulement contre le mal. Il y a le regard des autres, les préjugés, les idées toutes faites, l’ignorance… Elle continue le plus souvent à faire comme si, mais au prix de tant d’efforts. C’est touchant.
Du fait de l’inexpérience d’Eveleen pour l’écriture (d’un livre) même si elle a par le passé rédigé plusieurs manuscrits, ainsi surtout que de sa pathologie, cet ouvrage a été écrit avec l’aide d’une journaliste, Jacqueline Remy. Elles se sont rencontrées de nombreuses fois et de ces échanges est donc né ce témoignage qui peut être lu par tout le monde. Point n’est besoin d’avoir un proche touché par Alzheimer pour s’intéressé au sujet. Il suffit juste d’avoir envie d’écouter la parole d’une femme qui lutte chaque jour contre la perte de sa mémoire (immédiate et à courte échelle), un brouillard toujours plus épais qui voudrait bien l’engloutir. Jacqueline Rémy partage avec le lecteur aussi ses impressions, son ressenti à chaque nouvelle rencontre car cette expérience n’est pas banale. C’est véritablement une rencontre humaine avant toute chose. La maladie est une invitée indésirable avec qui il faut faire. Et malgré la combativité d’Eveleen, c’est elle qui impose le rythme. On en prend toute la mesure avec cette double voix retranscrite pour un livre écrit à quatre mains.
On sait bien que les choses ne vont pas aller en s’arrangeant pour Eveleen, en tout en cas avec les traitements actuels qui ne font que retarder l’évolution du mal, mais on a envie de la soutenir cette mamie qui utilise ses armes. Ce livre est instructif, mais aussi émouvant.
La postface est particulièrement bien faite et dresse une sorte de synthèse de la pathologie. Elle informe et remet le lecteur dans un contexte plus médical (l’auteur est un médecin spécialisé). Cela pourrait paraître un peu brusque après avoir passé plusieurs mois avec Eveleen et Jacqueline (la durée sur laquelle se sont déroulés les entretiens et donc la retranscription), mais je trouve que c’est un mal nécessaire afin que chacun comprenne ce que c’est que de basculer du côté d’Alois sur le plan médical. Chaque cas est unique.
Une lecture unique qui donne la parole à ceux qui n’osent plus la prendre.
Et s’il fallait mettre une note : 14 / 20