Vers une innovation responsable ou la fin de l’effet de mode

Publié le 29 septembre 2017 par Diateino

L’innovation incrémentale, celle qui consiste à améliorer un modèle existant, par exemple à ajouter des fonctionnalités, plaît beaucoup aux entreprises. Elle permet de sortir régulièrement de « nouveaux » produits et services sans devoir repenser complètement l’offre. Ces améliorations sont généralement rapides et peu coûteuses à mettre en place, elles produisent un attrait pour la nouveauté et convainquent le client d’acheter la toute dernière version de tel produit.

En réalité, ce modèle atteint ses limites, les clients sont de moins en moins sensibles à cette surenchère constante dont ils perçoivent mal la valeur ajoutée : ils n’utilisent en général que 20 % de l’ensemble des fonctionnalités offertes. En revanche, ils sont davantage à la recherche de solutions durables.

Mélanie Marcel et Eloïse Szmatula montrent dans leur ouvrage Science et impact social qu’un modèle d’innovation responsable est possible et viable, à condition de penser l’innovation de façon radicalement différente. Elles mettent en parallèle deux modèles de conception des téléphones portables :

« En 2010, aux Etats-Unis, 141 millions de téléphones portables ont été jetés, dont 89 % dans des décharges. Des millions de portables inutilisés sont aussi conservés chez les consommateurs (leur nombre est estimé entre 28 et 125 millions rien qu’au Royaume-Uni). Pourtant, construire un téléphone portable demande de nombreux métaux et terres rares, dont certains sont en risque de pénurie (…). On estime ainsi que les stocks planétaires d’indium, aujourd’hui nécessaire à la construction des écrans tactiles, ont été vidés en quelques décennies. En l’état actuel de connaissance des stocks, il ne resterait que 15 ans de réserve d’indium. Pourtant, les téléphones portables sont encore produits pour ne durer que deux ans.

Ceci n’est pas une fatalité économique : c’est avant tout un problème de mode de pensée. L’entreprise sociale Fairphone ne s’encombre pas de cette vision du monde. Basée aux Pays-Bas, elle commercialise un téléphone portable entièrement ouvert : non seulement tous les acheteurs ont accès aux droits super-utilisateurs, mais on peut facilement le démonter entièrement pour le réparer. Là où des entreprises comme Apple refusent de vendre les pièces détachées de leurs appareils à des particuliers ou des magasins non-accrédités, Fairphone propose tous les éléments constitutifs de son téléphone à l’achat sur son site Web. En partenariat avec iFixit, des guides de réparation en ligne sont disponibles et sont également alimentés par la communauté. Cette démarche, qui va à l’encontre de l’obsolescence programmée, n’est qu’une partie de l’esprit de Fairphone. Cette entreprise pense le produit du début à la fin. Les matériaux utilisés pour le construire sont issus de mines certifiées « sans conflits ». L’entreprise accompagne la fin de vie de ses produits en soutenant des initiatives de recyclage. Ainsi, elle propose à tous ses clients de récupérer gratuitement leur téléphone usagé, afin de le proposer à la vente sur le marché du téléphone d’occasion ou de le recycler.

Cette nouvelle mentalité n’est pas l’apanage de petites entreprises sociales. Le groupe SEB a ainsi lancé en septembre 2015 Eurêcook, un service de location d’appareils culinaires. Favorisant l’usage plus que la possession d’appareils, ce service permet de satisfaire plus de consommateurs avec moins de produits et donc d’utiliser les ressources de façon plus raisonnée ».

Que ce soit en tant que client ou en tant que professionnel, nous avons la possibilité d’explorer d’autres modèles et de sortir des choix habituels. Ne nous en privons pas !