Scrutin illégal de tous les dangers ce dimanche 1er octobre 2017 en Catalogne (Article écrit avant la connaissance des résultats).
Il y a quelques années, j'avais pris quelques jours de vacances dans la sympathique ville balnéaire de Vinaros, juste après la ...frontière de la Catalogne, au sud. Cela m'avait plu et je m'étais dit : je reviendrai certainement. Et soudain, une frayeur a envahi mon esprit depuis plus d'un an et demi : serais-je désormais obligé d'attendre un contrôle, ou plutôt deux contrôles, à la douane pour retourner à Vinaros, pour traverser la Catalogne ? Alors que j'ai pu faire un petit tour en Europe centrale sans aucun arrêt aux frontières, en allant en Autriche, en Slovaquie, en Pologne, en République tchèque, etc. ? Les amoureux de Barcelone, de la Sagrada Familia de Gaudi, du musée de Salvador Dali à Figueras, de la Costa Brava, etc. vont-il devoir demander un visa pour retourner dans ces lieux magnifiques ? Comment le terrorisme a-t-il pu être éclipsé par des considérations très politiciennes sur une indépendance qui ne tiendra pas économiquement et socialement la route ? Que fait Manuel Valls ?!...
Le référendum anticonstitutionnel organisé par le Parlement de Catalogne sur l'indépendance de la Catalogne aura forcément ses conséquences politiques malgré son impossibilité juridique. Il participera petit à petit à un délitement du continent européen qu'on a pu voir déjà avec le Brexit.
Pourtant, les considérations européennes concernant le référendum catalan sont très contradictoires. L'un des arguments fréquents pour s'opposer à la constitution, en France, de grandes régions économiques (arguments exprimés lors du référendum sur la fusion de l'Alsace, moins repris lors de la réforme territoriale qui a rassemblé des régions qui souvent n'avaient rien à voir entre elles, ni identité ni homogénéité), c'est le risque de délitement de la nation au profit d'une Europe des grandes régions (au lieu d'une Europe des nations).
Notons que ce débat n'est que sémantique et ne repose sur rien de concret : quels que soient les découpages administratifs, les nations ou plutôt, le sentiment national existera toujours, ainsi que le sentiment que j'appellerais provincial, qui est l'identification à une région, natale ou de cœur, ou les deux, que ce soit l'Alsace, la Lorraine, la Bretagne, la Corse, etc., l'identification locale est toujours multiple.
Ce n'est pas parce que je me sens lorrain que je ne me sens pas également français, et inversement, ce n'est pas parce que je me sens européen que je ne me sens pas français non plus. Il n'y a pas incompatibilité des identifications personnelles, qui sont souvent complexes, acquises et innées, multiples, emmêlées (lorsque les ascendants sont d'origines différentes), etc. Et je peux aussi le dire, même si cela peut étonner, je me sens plus allemand que malgache, les deux "sangs" circulant dans mon corps, mais ce sont des identités secondaires puisque je me sens d'abord lorrain, et ce sentiment régional, je ne l'ai acquis que lorsque j'ai quitté la Lorraine (et souvent par des réflexions miroir extérieures).
Revenons à la Catalogne : il me semble qu'en terme d'image géographique, la Catalogne est probablement la région au sentiment européen le plus prononcé de toutes les régions espagnoles (ce n'est qu'une impression, je peux me tromper), et donc, on pourrait imaginer que l'indépendance de la Catalogne serait la poursuite de la construction de l'Europe des régions dont les "nationalistes" ont tant peur (en tout cas en France), un peu comme si l'Écosse prenait son indépendance du Royaume-Uni et demandait à intégrer l'Union Européenne (ou encore l'Irlande du Nord).
Pourtant, contradiction : tous les responsables institutionnels de l'Union Européenne ainsi que la plupart des chefs d'État et de gouvernement des pays membres ont soutenu le gouvernement de Madrid.
Paradoxe ? Pas du tout, l'une des valeurs fondamentales de l'Union Européenne, c'est l'État de droit. Donc, violer une Constitution nationale est non seulement illégale et anticonstitutionnelle, vis-à-vis des lois espagnoles, mais c'est également condamnable nécessairement par les institutions européennes dont l'un des atouts était de préserver tout État membre d'une future dictature. L'adhésion de la Grèce (1979) puis de l'Espagne et du Portugal (1986) furent pour ces trois pays une garantie de préservation des libertés politiques alors qu'ils sortaient encore très récemment d'une dictature.
Une autre raison du soutien de toutes les capitales européennes à Madrid, c'est d'éviter un fâcheux précédent : l'indépendance au forceps de la Catalogne pourrait renforcer les velléités d'indépendance d'autres régions européennes comme le Pays basque, ou même l'Écosse qui, rappelons-le, est encore actuellement dans l'Union Européenne comme l'Angleterre et le reste du Royaume-Uni, le Brexit n'intervenant concrètement qu'à partir du 29 mars 2019.
Malgré les maladresses et actions menées par "Madrid" contre le projet référendaire des indépendantistes catalans, le référendum se tient ce dimanche 1 er octobre 2017 et tout laisse à penser qu'il y aura une bonne participation. Comme il n'y aura aucune instance neutre capable de surveiller la bonne tenue et la sincérité du scrutin, puisque ce scrutin est illégal, rien ne pourra confirmer ou infirmer les proclamations des résultats.
Tout est déjà prévu juridiquement pour l'indépendance, des "lois" catalanes ont déjà été votées dans le cas où le nombre de "oui" l'emporterait sur le nombre de "non", sans considération de participation.
De toute façon, quelle que soit la réalité des résultats, les indépendantistes auront gagné la première manche politique rien que par l'organisation du référendum. Forcément, le "oui" a des grandes chances de l'emporter car les opposants à l'indépendance, en toute logique institutionnelle, ne vont pas aller voter pour ne pas se prêter à ce mauvais jeu. Donc, on pourra toujours se réclamer du peuple. Comment rejeter la parole du peuple même si c'était anticonstitutionnel ?
On ne va pas critiquer en France cette manière un peu cavalière : l'élection du Président de la République française au scrutin universel direct est née en 1962 de cette manière, considérée comme une "forfaiture" par le deuxième personnage de l'État, le Président du Sénat Gaston Monnerville. Et qui aujourd'hui voudrait vraiment revenir sur cet acquis ayant reçu l'onction populaire, pourtant par un référendum anticonstitutionnel ?
C'est là que la tâche sera difficile pour le gouvernement espagnol : comment réagir si la Catalogne, fort de cette onction référendaire et proclamant son indépendance un peu à la manière de la Crimée (sans heureusement de grand frère russe dans ce cas précis), commençait à faire "comme si" ? Deux légitimités vont alors s'affronter.
Ce n'est pas seulement du jeu politique. Peut-être que ces indépendantistes, dont certains, que j'ose croire ultraminoritaires, proches de l'extrême gauche, rêveraient d'émeutes pour enfin soulever la population et faire la "révolution", ne sont peut-être pas conscients que la catastrophe humaine sera au bout de leur légèreté juridique.
Il faut se méfier des conséquences et éviter en effet toute légèreté : ce sont les séparatismes qui ont engendré les plus cruelles des guerres civiles dans l'histoire du monde, et il y a eu des exemples récents ou même encore actuels. L'épreuve ne sera pas seulement espagnole, elle sera européenne, et française parce que la Catalogne est à la frontière française : l'embrasement est possible. C'est à chacun de rester "raisonnable" et de rappeler que le premier devoir de tout responsable politique, c'est de protéger la population : pas une seule vie humaine ne doit être détruite dans ce jeu politique qui pourrait mal tourner...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01 er octobre 2017)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
La Castalogne.
Attentats en Catalogne.
Salvador Dali.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160110-castalogne.html
https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-castalogne-197292
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/10/01/35726039.html