Pendant quelques mois j'ai eu la chance de vivre sous le soleil brûlant de Kansas City. J'ai alors eu envie à mon retour en France de rester un peu plus longtemps dans l'univers du pays d'Oz. Alors que je cherchais une nouvelle lecture, je suis tombé sur les Filles de Roanoke de Amy Engel. "Quel hasard ! , m'écriai-je ". Une petite phrase très commune dans nos conversations avec Tix. Pendant cinq mois j'avais vécu dans la rue Roanoke...
Je me lançais donc dans un roman où tout m'était inconnu que ce soit l'auteur, le sujet et le genre. Au bout de quelques pages je me rends compte que l'on va parler d' inceste. Le sujet est traité sans aucun raccourci, tout en restant un non-dit permanent dans cette famille. Les filles de Roanoke sont ainsi les amours du Grand-père, figure paternelle forte, il est une sorte de gourou qui entretient avec ses enfants et petits enfants le culte de la personne. Un personnage que l'on doit haïr. Et pourtant les autres protagonistes de cette histoire ont du mal à le haïr, dû à l' attraction malsaine qu'il crée. Et c'est là un point fort du roman qui finalement ne juge pas ce personnage. Il reste un parent affectueux et vraiment amoureux de ses propres filles.
Le roman s'articule ainsi autour de Lane, une Roanoke qui revient après la disparition de sa cousine. Et c'est ainsi que les vieux démons reviennent sans cesse pour la hanter dans cet environnement qu'elle déteste et qu'elle a fui. Une haine de ce qu'elle sait sur cette famille, une haine sur elle-même qui malgré le temps passé n'a pas réussi à se reconstruire.
Sous cette thématique forte Amy Engel réussit à dépeindre à la perfection le non-dit, la culpabilité et la souffrance d'aimer. Une fresque effrayante d'un environnement familial sectaire. L'auteur joue à la perfection sur les contrastes. Ainsi la maison de Roanoke est accueillante et spacieuse, et pourtant entre ses murs le pire se cache toujours. Les amours de jeune fille et les blessures de la vie font un va et vient entre le passé et le présent. Une construction romanesque change ainsi le temps et les points de vue de ces filles de Roanoke.
Un roman d'une forte intensité qui réussit à émouvoir et poser les bonnes questions sans tomber dans un manichéisme inhérent à ce genre de drame.