Au cours des dernières années, il a souvent été question de la tumultueuse relation entre les agences de voyages en ligne (ou OTA, pour online travel agencies) comme Expedia et Booking, d'un côté, et les hôteliers de l'autre. En juin dernier, je vous posais même la question au sujet d'un des principaux bénéfices liés à une présence sur les OTA: l'effet billboard existe-t-il encore?
On sait que Booking.com lorgne du côté des outils technologiques pour s'immiscer dans le réalité opérationnelle hôtelière, en allant au-delà du simple marketing de distribution en ligne. Ce fut le cas notamment lors de l'acquisition de Buuteeq et Hotelninja, en 2014, des solutions de CRM et de channel management pour les hôteliers. Ces deux applications ont d'ailleurs été fusionnées et rebaptisées sous un entité: BookingSuite.
Avec BookingSuite, on voit ainsi une forme d'intégration verticale dans la gestion des données clients, entre la prise de contact en ligne, la réservation elle-même et la gestion une fois sur place et même a posteriori, le tout sous forme de marque blanche. L'hôtelier qui ne souhaite ainsi pas mettre les efforts requis dans une intégration technologique propriétaire peut ainsi le faire via un tiers, avec ce que cela comporte de risques. Et avantages.
Au tour d'Expedia de passer à l'attaqueLe grand rival Expedia ne reste pas les bras croisés devant ce phénomène dans lequel il est même partie prenante. On a d'ailleurs fait peu de cas, ou si peu, de l'annonce récente du voyagiste britannique Thomas Cook, qui offrira dorénavant l'inventaire hôtelier d'Expedia, en marque blanche, dans le cadre d'une alliance stratégique peu commune - les plus sceptiques diront contre nature...
D'une part, les clients de Thomas Cook pourront avoir accès à plus de 63,000 hôtels actuellement proposés par Expedia. D'autre part, Expedia mettra en ligne les offres de vacances de son partenaire britannique et lui donnera accès au réseau d'hôtels européens proposés sur sa plateforme.
Mais là où on commence à voir une valeur ajoutée intéressante, c'est par l'ajout de services pour les hôteliers tels que les applications Real-Time Feedback (RTF), Expedia Partner Central (EPC), et EPC Conversations. Ces trois outils permettent aux hôteliers de tirer avantage de la machine de guerre que représente le géant Expedia dans le commerce électronique.
Expedia Partner Central permet aux hôtels de gérer leur offre de service sur les plateformes d'Expedia, en plus de leur fournir une foule de données et d'indicateurs sur leur industrie. L'outil EPC Conversations permet aux hôteliers d'entrer en communication avec leurs clients, répondant au souhait d'instaurer un dialogue continu avec les visiteurs avant la fin de leur séjour. On peut ainsi créer une bonne première impression et répondre aux attentes des clients grâce à des messages personnalisés.
De son côté, Real-time Feedback permet de recevoir les premières impressions des clients et à identifier tout éventuel irritant. Il offre la possibilité aux hôteliers de résoudre les problématiques avec les visiteurs durant leur séjour. Grâce aux réponses reçues, les hôteliers peuvent réagir promptement aux problématiques des clients et potentiellement éviter une mauvaise critique de leur part.
Et ça marche?Disponible en France et depuis quelques temps au Québec, les résultats ne se font pas attendre. À Montréal, les hôtels faisant usage de ces outils ont obtenu depuis le début de l'année des notes de plus de 10 % supérieures à ceux ne les utilisant pas. Ainsi, les établissements membres d'Expedia se servant de EPC Conversations ont reçu un score moyen de 4,07 sur 5 contre 3.76 pour les hôtels n'ayant pas recours à ces applications. Quant à l'outil Real-time Feedback, les hôtels qui en ont tiré profit ont eu une note moyenne de 4 versus 3.88 pour ceux ne l'ayant pas intégré. Les hôteliers qui n'ont pas répondu aux critiques des visiteurs envoyées par le biais de l'application Real-time Feedback ont obtenu un score moyen de 3.7 contre 3.9 pour ceux qui ont réagi.
" C'est un exercice formateur que de s'ajuster aux commentaires constructifs laissés par nos clients, dit Guillaume Dupuis, Directeur eCommerce à l'hôtel St-Paul de Montréal. Réussir à offrir un service qui s'oriente sur les petits détails est extrêmement important dans la mise en place d'une expérience positive mémorable. Cela permet aussi de fidéliser les clients à notre marque. Les outils de communication d'Expedia nous permettent de découvrir les attentes et besoins des clients avant le séjour, de connaître l'expérience en temps réel et de recevoir leur avis sur l'expérience globale après le séjour. " M. Dupuis souligne par ailleurs que des détails aussi simples que le choix de l'étage de la chambre, la proximité des ascenseurs ou la possibilité d'obtenir une chambre hypo allergène peuvent faire la différence lorsque vient le temps de recommander ou non un établissement.
Hors Expedia ou BookingSuite, point de salut?Certains diront avec raison: mais un hôtelier, surtout quand on fait partie d'une grande chaîne (Starwood, Hilton, Hyatt, Accor), devrait être capable d'avoir ces outils au sein même de son organisation et de gérer la relation-client en interne, non? Dans un monde idéal, oui. Mais ce n'est pas la réalité de tous les hôtels faisant partie de grandes chaînes, et encore moins pour les hôteliers indépendants, qui forment la majorité de l'offre hôtelière, ne l'oublions pas.
Bien utilisés, pour certains hôteliers ces outils peuvent représenter un avantage concurrentiel indéniable. Cela n'empêche évidemment pas la vigilance dans la relation-client, en s'assurant de conserver notamment la main-mise sur les adresses courriel des clients pour communication futures. Mais on voit que, parfois, les OTA peuvent effectivement prêter main forte dans les efforts de marketing et d'expérience client chez les hôteliers...
Frédéric Gonzalo est un passionné du marketing et des communications, oeuvrant depuis plus de 20 ans dans le monde du tourisme et du voyage. Début 2012, il fonde Gonzo Marketing et agit à titre de consultant en stratégie marketing, conférencier et formateur sur l'utilisation des nouvelles technologies (web, médias sociaux, mobilité). Il écrit régulièrement pour le bulletin TourismExpress ainsi que PAX Magazine, en plus de rédiger en anglais pour plusieurs publications dont Social Media Today, Skift, Tnooz, Business2Community et ehotelier. Son blogue traite de marketing et de tourisme numérique: www.fredericgonzalo.com