C'est une réalité chez tous les géants du web : l'informatique n'y est pas isolée dans une branche dédiée de l'organisation parce que leur activité est entièrement faite de technologies, de données, d'algorithmes et de logiciels. Alors, les institutions financières, dont tous les métiers reposent sur les mêmes principes, devraient suivre leurs traces, puisque leur modèle semble donner de bons résultats. Contrairement aux acteurs traditionnels, c'est le raisonnement que tient la jeune néo-banque britannique.
John Mountain, DSI de Starling Bank, explique, dans une interview pour ComputerWeekly, que son rôle n'est pas de diriger une équipe qui serait là pour prendre en charge les projets. Au contraire, les développeurs, les architectes, les designers, les testeurs… sont directement intégrés dans les directions métier – du marketing à la finance, en passant par les opérations et les ressources humaines – au plus près des personnes qui connaissent leurs « clients » et qui décident de ce qu'elles veulent leur offrir.
En réalité, ce type d'organisation prévalait autrefois dans les banques et a même perduré après la création des premières directions informatiques, destinées alors à mutualiser des ressources relativement rares. Malheureusement, au fil du temps, ces entités ont muté en mastodontes, perdant de plus en plus le contact avec les « banquiers » et oubliant, dans une certaine mesure, le sens de leur mission. Alors que la DSI aurait pu être un moyen de briser les silos existants, elle en a instauré un nouveau.
Aujourd'hui, les exigences d'agilité et de réactivité dans un secteur fondé sur le traitement d'information imposent de transformer radicalement l'approche fermée de la DSI. Pour Starling Bank, cela veut dire que tous les collaborateurs ont un minimum de compétences informatiques. Dans un établissement traditionnel, qui ne peut changer du jour au lendemain, cela pourrait se traduire par une sensibilisation universelle et la constitution de binômes (métier-informatique) dans tous les recoins de l'organisation.
Quand chaque métier se ré-approprie de la sorte ses briques technologiques, le département informatique lui-même, s'il subsiste, n'est plus là que pour prendre en charge des fonctions « périphériques », dans un mode proche de l'externalisation. À l'extrême (ou à long terme), comme dans le cas d'une startup, tout ce qui n'est pas considéré comme stratégique devrait être confié à des spécialistes extérieurs (tels que Google ou Amazon pour les infrastructures, une solution SaaS pour un logiciel administratif…).
À ce stade de la réflexion, pointe une question intéressante : quel est donc le rôle du DSI de Starling Bank ou, plus généralement, d'une banque sans département informatique ? D'une part il est, justement, celui qui pilote les choix de solutions externes. D'autre part, et cet aspect est absolument critique, il est le garant de la cohérence technologique de l'entreprise, notamment en définissant les grands principes d'architecture à respecter. Pour ce faire, il n'est d'ailleurs pas exclu qu'il ait une équipe autour de lui.
John Mountain reconnaît que sa vision, certes opérationnelle et efficace dans une structure de 120 personnes, risque d'être difficile à maintenir au fur et à mesure de la croissance de la jeune pousse, sans même imaginer sa déclinaison dans un groupe de plusieurs dizaines de milliers de salariés. Cependant, quand on réalise, comme il m'arrive parfois, à quel point les informaticiens des institutions financières sont déconnectés de la réalité des produits et services bancaires, l'hypothèse mériterait d'être évaluée…